Rebecca

Roman de Daphne du Maurier.

La narratrice est la nouvelle épouse de Maximilien de Winter. La jeune femme est orpheline, totalement ignorante des usages du monde : malmenée par la femme dont elle était la dame de compagnie, elle est tombée amoureuse du mystérieux veuf, en villégiature à Monte-Carlo. Passé la lune de miel, c’est le retour en Angleterre, à Manderley, la demeure qui fait la renommée de Max de Winter. « Les gens du cru considèrent Manderley comme un parc d’attractions qui doit s’employer à les distraire. » (p. 328) Entre ces murs, la présence de Rebecca, la première épouse, est omniprésente et étouffante, et la gouvernante, Mme Danvers, fait tout pour entretenir le souvenir et n’accorder aucune place à la nouvelle Mme de Winter. Qui était-elle, cette Rebecca si fascinante, adorée de tous et toutes, élégante et inoubliable ? Et comment la nouvelle épouse pourrait-elle supplanter cet éclatant souvenir dans le cœur de Maxim ? « Le fait que je l’aimais d’un amour maladif, douloureux et éperdu, comme un enfant ou un chien, ne comptait pas. Ce n’était pas le genre d’amour qu’il lui fallait. » (p. 391)

Je voulais relire depuis longtemps ce roman qui m’avait fortement impressionnée quand j’étais toute jeune adolescente. À nouveau, j’ai identifié les liens très forts de ce texte avec Jane Eyre de Charlotte Brontë. Mais cette fois, j’ai surtout souligné les différences. Premier point majeur, la narratrice n’a pas de prénom, alors que Charlotte Brontë prend pour titre l’identité de son personnage. Ici, la narratrice n’est que Mme de Winter : l’identification s’arrête là et participe du caractère falot du personnage. Face à Rebecca, prénom qui est tout autant une personnalité, impossible de faire le poids. Max de Winter se montre un peu moins brute et odieux que Rochester, mais il reste un homme dans ce qu’il peut être de plus haïssable : il veut une femme-objet, une petite chose inoffensive. « Un mari n’est pas si différent d’un père, en fin de compte. Il y a un certain type de savoir que je préfère que tu ne possèdes pas. » (p. 339) Charmant, n’est-ce pas ? Dans le roman de Charlotte Brontë, Jane Eyre est une jeune femme pauvre, mais au tempérament solide et affirmé, pas une nigaude énamourée qui tremble à chaque pas et se laisse malmener en silence. Mais je suis certaine que vous reprendrez bien un peu de paternalisme et d’infantilisation… « Petite sotte, je vous demande de m’épouser. […] Vous êtes presque aussi ignorante que Mme Van Hopper, et tout aussi dénuée d’intelligence. Que savez-vous de Manderley ? C’est à moi de juger si vous serez à votre place ou non. » (p. 93) Quelle femme ne rêve pas d’être traitée d’idiote pendant sa demande en mariage ?

Bref, j’arrête là ma sommaire comparaison des deux œuvres : j’ai sans aucun doute possible préféré celle de Charlotte Brontë, mais la réécriture/interprétation sous forme de roman policier proposée par Daphne du Maurier ne manque pas d’intérêt. Le roman souligne cruellement les ravages de l’absence de communication, mais bon, hein, un homme qui se confie, c’est aussi fréquent qu’un président qui tient ses promesses… Ce que je retiens surtout de Rebecca, c’est l’importance d’une maison dans la construction d’une identité : Manderley, c’est l’incarnation de la première épouse, son plus beau joyau, sa grande réussite, son terrain de jeu. Rebecca disparue, comment Manderley pourrait subsister pour les vivants ? « La maison était un sépulcre : nos peurs et nos souffrances étaient enfouies parmi les ruines. Il n’y avait pas de résurrection. » (p. 11) Les dernières lignes sont saisissantes et closent un terrible été pour tous les protagonistes.

Je ne regrette pas d’avoir relu Rebecca, mais il est certain que je relirai plutôt Jane Eyre.

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3 réponses à Rebecca

  1. LydiaB dit :

    Tu me donnes envie de relire les deux romans. Je les adore !

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