The Tale of Ginger and Pickles

Album de Beatrix Potter.

Ginger est un joli chat et Pickles est un brave chien terrier. Tous deux tiennent la boutique à leur nom, Ginger and Pickles. « It was a little small shop just the right size for dolls. » (p. 11) Le petit magasin est très fréquenté et les propriétaires doivent réfréner leurs instincts carnivores. « But it would never do to eat our own customers ; they would leave and go to Tabitha Twitchit’s. / On the contrary, they wold go nowhere. » (p. 16) Par chance pour la clientèle, Ginger et Pickles ne passent jamais de l’autre côté de leur comptoir. La boutique est renommée pour deux choses : les étagères sont richement garnies d’un large choix de produit et, surtout, la maison fait largement crédit. Les clients en profitent éhontément, au détriment des commerçants qui, après avoir mangé leur fonds de commerce, n’ont pas d’autre choix que de mettre la clé sous la porte. Ce malheur commercial fait évidemment le bonheur des concurrents et des opportunistes.

On passe ici d’un humour un peu noir, avec les commerçants qui voudraient manger leur clientèle, à une conclusion assez triste avec la faillite de boutiquiers peu habiles en affaires et trop naïfs. Beatrix Potter a parfois une vision plutôt sombre de l’existence : ceux qui échouent ont tout intérêt à apprendre de leurs erreurs pour ne pas les reproduire.

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Deux vilaines souris

Album de Beatrix Potter.

Tom Pouce et Hunca Munca n’en reviennent pas de leur chance ! Un somptueux dîner est dressé dans la maison de poupées et les lieux sont déserts. Le couple de souris espère faire bombance, mais hélas, le repas est factice : tout n’est que jouet en plâtre et décoration sans saveur ! Folles de rage, les deux souris dévastent et pillent la jolie maison. « La petite fille à qui appartenait la maison de poupée dit :’Je vais acheter une poupée habillée en agent de police !’ Mais la gouvernante répondit : ‘Je vais plutôt mettre des pièges à souris :’ » (p.53) L’histoire s’achève joliment sur les bonnes actions de Tom Pouce et Hunca Munca qui font amende honorable et payent leur dû.

Beatrix Potter se plaît à jouer avec les proportions. Ici, les deux souris sont à l’échelle de la maison de carton et de ses accessoires. Voilà de quoi redécorer le trou des petits rongeurs avec beaucoup de goût !

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Usagi Yojimbo – 28

Bande dessinée de Stan Sakai.

Miyamoto Usagi revient aider un village aux prises avec la bande du scorpion rouge qui réclame un tribut exorbitant, et ce alors que les champs ne donnent rien à cause de la sécheresse. L’espoir des villageois, c’est que le fabricant de tambours achève rapidement un instrument gigantesque qui sera frappé en haut de la montagne pour implorer les dieux de faire tomber la pluie. Une fois encore, le samouraï solitaire vient en aide aux plus faibles et défend la juste cause contre l’avidité et la brutalité. Le guerrier retrouve aussi d’anciennes connaissances et ce n’est pas franchement de tout repos. « Oh oh… Des ennuis. Inévitable avec les combines de Kitsuné. » (p. 57) Et, de passage dans une école d’escrime, Miyamoto démontre une nouvelle fois à quel point il respecte l’honneur des samouraïs et sait le mettre en pratique.

Encore une lecture plaisante à suivre les aventures du beau lapin épéiste. Je ne m’en lasse pas. Si l’on m’avait dit, il y a quelques années, que je passionnerais autant pour un héros de comic book, je ne l’aurais pas cru. Il faut dire que Miyamoto Usagi a un double avantage physique qui ne peut que me plaire

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Des balles de coton aux boîtes d’archives

Ouvrage des Archives nationales du monde du travail.

« Il y a plus de trente ans, un fait inédit s’est produit dans une ville au glorieux passé industriel. Cela concerne une ancienne filature de coton appartenant à une grande dynastie industrielle du Nord et achetée par un ministère chargé des archives. » (p. 4) Après cette introduction aux airs de « il était une fois », l’ouvrage raconte le destin du château d’industrie rêvé par Louis Motte-Bossut, entrepreneur visionnaire et infatigable. Reconnaissable par sa cheminée de 37 mètres et ses briques resplendissantes sous le ciel du Nord, le bâtiment impose sa silhouette dans le paysage roubaisien. D’incendies en reconstructions et en extensions, le bâtiment a traversé deux siècles d’histoire. L’usine est restée une friche industrielle de 1981 à 1993. L’architecte Alain Sarfati en a fait un navire. Du Centre des archives du monde du travail aux Archives nationales du monde du travail (ANMT), ainsi renommées en 2007, le livre des 30 ans plonge dans les archives du lieu.

30 perles d’archives, évidemment tirées des rayonnages des ANMT, sont présentées par les archivistes qui travaillent dans ce superbe bâtiment. Voici des affiches publicitaires ou de propagande, des photographies en noir et blanc, des tracts syndicaux, des pancartes revendicatives ou encore des cassettes audio. Choisir une archive n’a pas dû être simple puisque les ANMT comptent 38 magasins pour un total de 62 km de rayonnage. L’ouvrage s’achève sur la parole donnée aux usager·es et visiteur·ses des ANMT : quel est leur rapport aux archives, qu’y cherchent-iels et qui ont-iels rencontré ?

Je vous encourage vivement à visiter les Archives nationales du monde du travail. L’institution propose régulièrement des expositions de grande qualité. Et vous pouvez évidemment consulter les archives pour vos recherches et travaux.

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Bonne année 2024 !

Serait-ce une nouvelle année qui pointe le bout de ses oreilles ?

Ne prenons qu’une résolution, celle de faire de notre mieux sans nous faire de mal !

Ah, et une autre : ne nous forçons jamais à poursuivre un livre qui ne nous emporte pas : il y en a tant d’autres à découvrir !

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Bride Stories – 14

Manga de Kaoru Mori.

L’hiver s’est installé et l’Asie centrale est sous la neige. Amir attend le retour de Karluk : ces deux-là sont mariés depuis un an. Amir a désormais 21 ans et Karluk devient un adolescent de plus en plus fort, à 13 ans passés. Mais ce qui occupe toutes les discussions, ce sont les négociations qui se tiennent entre les clans. Azher, le frère d’Amir, représente les Hargal. Les nomades et les sédentaires de la steppe doivent dépasser leurs différends et s’unir pour se défendre contre les Russes et leurs volontés expansionnistes. « Chacun a toujours apporté à l’autre ce qui lui manquait, non ? » (p. 20) L’alliance est conclue, mais pour la renforcer, rien de tel que des mariages entre les clans ! « Mes cousins et moi, on est nés et on a grandi côte à côte… Ils ont besoin d’une épouse, eux aussi ! Une corde à trois fils ne se rompt pas facilement. » (p. 130) Toutefois, les familles des steppes veulent des hommes valeureux pour leurs filles. C’est une course équestre qui désignera les plus méritants ! Finalement, Joruk épouse l’espiègle Lyazat, Baymat choisit la discrète Aigul et Azher s’unit à l’éclatante Jahan-Bikeh. « Je voulais une épouse pareille à une aigle. » (p. 191) La triple noce est belle sur la steppe enneigée, mais le danger est proche. « Cette alliance n’est que la première étape de la lutte contre les Russes ! À quoi bon assurer notre descendante si on nous vole notre terre ?! » (p. 178) Le temps des réjouissances ne durera pas, mais chacun·e en profite tant qu’il est là.

J’ai retrouvé avec plaisir ce manga historique qui explore les traditions et la culture des peuples d’Asie centrale. Cet album fait la part belle à l’amour que ces clans portent au cheval, animal puissant et indispensable dans la steppe infinie. La course est dessinée avec dynamisme et l’on suit une chevauchée grandiose et haletante. Comme dans chaque volume, la mangaka clôt avec un chapitre où elle parle d’elle, de ses projets et de son travail. Cela me donne systématiquement hâte de lire l’album suivant !

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Usagi Yojimbo – 27

Bande dessinée de Stan Sakai.

Miyamoto Usagi arrive dans le village d’Enfer. Le lieu porte bien son nom : depuis plusieurs mois, il est devenu invivable, car Higa et Komo, deux chefs de gangs, s’y disputent violemment le pouvoir. Le guerrier solitaire aurait tout intérêt à continuer sa route sans s’arrêter. « Bon ! Je n’ai jamais fait preuve d’aucun bon sens… » (p. 8) Il ne sera pas dit que Miyamoto laissera des villageois·es innocent·es faire massacrer dans les rues ! Un peu plus loin dans son périple, il nouera une alliance étonnante, mais à bénéfices mutuels entre une incorrigible bavarde et un esprit affamé.

Le samouraï aux longues oreilles fait toujours preuve de noblesse dans les affrontements, de courage face aux dangers, de bonté envers les pauvres et de patience tendre envers les enfants. Je mentirais si je niais avoir un vrai coup de cœur pour ce lapin épéiste hors pair. Au fil des albums, j’apprécie toujours autant les combats chorégraphiés par Stan Sakai : le dessin est très dynamique et, même en noir et blanc, on se figure très bien les blessures et le sang qui s’écoule dans la poussière.

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Les indociles

Roman de Murielle Magellan. À paraître le 11 janvier.

Pour résumer Olympe Delbort, il n’est besoin que de trois extraits du roman.

« Olympe a trente-sept ans et elle n’a jamais vraiment écouté une phrase jusqu’au bout. On n’est pas l’une des galeristes les plus en vue de paris, à trente-sept ans, sans avoir un fond d’impolitesse, un mépris de la lenteur, une persistante hâte. » (p. 12)

« Rien n’est jamais plus simple que la sexualité d’Olympe, désirer et être désirée, le dire, le faire. Elle s’étonne que cela puisse chez certains engager tant de choses, alors que c’est pour elle un pétillement, une récréation. » (p. 28)

« Elle ne croit pas l’homme capable d’amour même si elle le croit capable d’avoir inventé l’amour. » (p. 29)

Loin d’être réducteurs, ces extraits conjugués dressent le portrait complexe d’une femme moderne et libre, éprise de séduction et d’art pictural. Son prénom fait clairement référence à la révolutionnaire féministe et indépendante qui perdit la tête sous la guillotine. Olympe, c’est aussi un traumatisme sexuel niché dans l’enfance et de nombreux articles de presse qui tentent de percer le mystère de son succès et de son originalité. Quand Olympe veut, elle obtient : un tableau, un artiste, un homme. Elle assouvit ses désirs avec la même impatience goulue que le marcheur qui avale un verre d’eau fraîche après une journée dans le désert. « Prendre le plaisir puisqu’on peut le prendre. » (p. 46) Et l’amour dans tout ça ? Justement, l’amour, Olympe n’y croit pas. Elle croit au rapprochement et à la friction des corps, pas à celles des cœurs.

Puis elle rencontre Paul Anger et Claude Solal. Le premier est marié, heureux dans une existence calme et un rien bourgeoise. L’autre est artiste, écorché par la vie et encore riche d’une créativité qui ne demande qu’à s’exprimer. Au premier, elle va demander ce qu’elle n’a jamais attendu d’aucun autre partenaire. Au second, elle va promettre la gloire et la reconnaissance. D’abord réticents, inquiets de quitter leur tranquillité, les deux hommes rendent les armes face au désir d’Olympe.

Évidemment, il y a quelque chose des Liaisons dangereuses dans les échanges entre Olympe et Paul, mais la galeriste est plus Valmont que Merteuil puisqu’elle ne se grise jamais de la souffrance qu’elle peut infliger à l’autre et qu’elle ne cherche en aucun cas à la susciter. Sans aucun doute, Olympe préfère conquérir plutôt que posséder. Don Juan en jupons et au corps androgyne, elle découvre brutalement les élans du cœur. « Elle est jalouse et on n’est pas jaloux ainsi d’un ami. Elle est jalouse donc. Elle est jalouse donc elle aime Paul ? » (p. 152)

La fin, la suite, elles importent finalement assez peu quand on a compris que Paul et Claude sont les deux faces d’un même homme et qu’en perdant l’un, Olympe ne sait pas garder le second. Il n’y a pas de miracle, personne ne change : au mieux, on se réinvente avec les briques de son ancien moi. Ce n’est qu’un réaménagement. Olympe reste fidèle à ce qu’elle est. Elle connaissait le pouvoir de création de l’art, elle a découvert celui de l’amour, mais aussi leur folle puissance destructrice.

Cette lecture m’a intriguée. J’ai observé Olympe comme je l’aurais fait d’un animal exotique. Sans m’être antipathique, Olympe ne m’a pas touchée, au contraire de Paul que j’ai largement plaint. Olympe est la part violente de mon être dont j’ai depuis longtemps compris qu’elle ne m’intéressait pas. Les indociles est un roman étonnant sur le désir, l’amour et l’art qui sont trois forces dynamiques dont il faut se méfier autant qu’il faut les admirer.

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Les femmes aussi ont fait l’histoire

Ouvrage de Titiou Lecoq, adapté de son essai Les grandes oubliées. Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes. Illustrations réalisées par de nombreux·ses artistes.

« J’ai écrit l’ouvrage que j’aurais aimé lire quand j’étais plus jeune. » (p. 13) Titiou Lecoq revient systématiquement sur chaque période de l’Histoire pour en démonter les idées reçues, balayer les clichés et rétablir les femmes à leurs places. Non, les femmes du Paléolithique ne se contentaient pas de la cueillette. « J’ai été stupéfaite de découvrir que nos ancêtres préhistoriques adoraient peindre ou graver des vulves sur les parois des grottes. Il y en a beaucoup plus que de symboles de pénis. » (p. 26) Mais le patriarcat a pris racine dans nos sociétés dès le néolithique, déniant aux femmes certaines libertés. Pourtant, les chercheur·euses retrouvent peu à peu la trace de guerrières féroces et de prêtresses respectées de l’Antiquité ou encore de chevaleresses valeureuses ou de reines puissantes au Moyen Âge. Avec la Renaissance s’impose la loi salique en France : les femmes ne peuvent plus être reine du pays, sauf par la régence. De nombreuses chasses aux sorcières sont lancées à travers l’Europe et l’Académie française, fondée au 17e siècle, cristallise une conception misogyne de la langue, effaçant les règles de majorité et de proximité, voire des mots comme « autrice ». « En réalité, on n’a pas seulement oublié le mot, c’est pire, la société a oublié les autrices qui avaient existé, leurs œuvres ont disparu des bibliothèques. » (p. 82) La Révolution française s’est encore une fois chargée de renvoyer les femmes dans les maisons, bridant leurs velléités d’expression et d’émancipation, puis le 19e siècle culmine au sommet des périodes sexistes. Mais gare au retour de bâton ! « Ce que les misogynes n’avaient pas prévu, c’est que plus on enlève de liberté à des personnes, plus elles risquent de se révolter. » (p. 112) C’est là que se formalise vraiment le féminisme.

De tout temps, les femmes ont porté des revendications, mais avec le féminisme, elles affirment qu’elles ne se laisseront plus renvoyer au foyer et à la maternité et qu’elles refusent définitivement la passivité devant leur propre destin. Les deux guerres mondiales et la résistance leur donnent une place qu’elles refusent de rendre, à raison. Au nombre des victoires des féministes, il faut compter l’acquisition du droit de vote, l’abrogation du Code Napoléon en France ou encore le droit à l’avortement et à la contraception. Les luttes se poursuivent, car les droits de femmes ne sont jamais acquis : il faut sans cesse les défendre et en réclamer d’autres, et ce tant que le monde ne sera pas véritablement et définitivement égalitaire. « Cette histoire nous concerne toutes et tous, parce que, pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes, il faut comprendre d’où elles viennent. Pour construire une société plus juste demain, nous avons besoin de connaître notre passé. » (p. 14)

Cette adaptation en album pour la jeunesse est une réussite. Les propos sont clairs, finement expliqués et non dénués d’humour. Ce bel ouvrage rejoint évidemment mon étagère féministe. De Titiou Lecoq, je vous recommande également Les morues et Honoré et moi.

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La déraison

Roman d’Agnès Martin-Lugand. (TW : su1c1de)

Madeleine est malade et se sait condamnée. Elle vit chaque jour de toutes ses forces. Si elle est en paix avec sa fin prochaine, elle veut aussi faire la paix avec son passé pour que sa fille, Lisa, ne le découvre pas après sa mort. « Moi qui craignais d’être effacée par ma mort, j’avais effacé une partie de ma vie. Une partie de moi était déjà morte depuis plus de vingt ans. Il me restait peu de temps pour lui redonner vie une dernière fois. » (p. 74) De son côté, Joshua vit enfermé dans une grande maison, se soulant de piano et d’alcool. Son fils, Nathan, ne sait plus comment le tirer de son désespoir ni l’aider à se débarrasser d’un passé trop lourd. Évidemment, Madeleine et Joshua ont vécu quelque chose d’intense et portent l’absence de l’autre comme un fardeau. Hélas, le temps manque, car Madeleine sera bientôt partie, pour toujours cette fois.

J’ai deux grands reproches à adresser à ce roman. Le premier est qu’il est inacceptable de glamouriser une tentative de suicide : une tempête, une falaise, une nuit tourmentée, c’est certes grandiose, mais les pulsions de mort et d’autodestruction sont bien plus quotidiennes et férocement banales. Mon deuxième reproche, c’est qu’on ne guérit pas d’une dépression de plusieurs décennies simplement en retrouvant son amour de jeunesse. La dépression est une maladie grave et longue – qui se soigne, c’est vrai – et ce ne sont pas des envolées du cœur qui la font disparaître en une nuit.

Pour le reste, je pense que c’est acté, Agnès Martin-Lugand n’est pas une autrice pour moi. Son style a certes considérablement progressé depuis Les gens heureux lisent et boivent du café et je salue le fait qu’elle maîtrise enfin la concordance des temps. Toutefois, tout reste trop follement romanesque, échevelé et finalement too much. Aucun personnage ne semble avoir de sentiments mesurés ou normaux. Vous me direz que la littérature permet de s’évader et de vivre plus intensément. Pourquoi pas… mais si je cherche une autre réalité, je lis de la fantasy ou de la science-fiction, pas de la littérature blanche où rien n’est crédible. La fin du roman est hautement lacrymale et c’est un festival de happy endings et de messages motivationnels. J’ai fortement grimacé devant le cliché très agaçant des enfants qui sont le portrait craché de leurs parents, ce qui entraîne inévitablement des quiproquos et des confusions, mais aussi cette idée très malaisante que les enfants peuvent vivre la vie que leurs parents n’ont pas eue.

L’ensemble n’est pas mauvais et ça se lit vite et sans trop de déplaisir, mais ce n’est pas ma came. J’aurai oublié cette lecture dans dix jours et les quelques émotions qu’elle a suscitées sont déjà éteintes. En revanche, je ne peux que recommander aux auteur·ices de faire appel à des sensitive readers ou aux éditeur·ices de mettre des avertissements en début de roman. Je ne m’attendais pas à tomber sur une tentative de suicide en page 3. Depuis quelque temps, je vais mieux et ma dépression est sous contrôle : fût un temps où une telle scène m’aurait hantée pendant des jours, voire aurait réactivé mes propres pensées suicidaires. Si j’ouvre un livre pour échapper à mon quotidien, ce n’est pas pour le prendre en pleine face.

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Usagi Yojimbo – 26

Bande dessinée de Stan Sakai.

L’album s’ouvre sur un épisode la vie du jeune Miyamoto, apprenti auprès de son maître. Il est ensuite question d’une terrible bataille, survenue trois cents ans plus tôt, entre les seigneurs Miyake et Hayashi, dont les fantômes hantent encore le monde. Le ronin doit se battre contre des guerriers morts depuis trois siècles, mais aussi contre des brigands ou des chasseurs de primes furieux après qu’il les a privés d’une forte récompense. Imperturbable, Miyamoto Usage poursuit son chemin à travers le Japon. « Je fais le pèlerinage des guerriers pour améliorer mes compétences en tant que samouraï et devenir une meilleure personne. » (p. 166) Il retrouve un ancien camarade qui, comme lui, était au service du seigneur Mifune, et qui cherche encore à venger leur ancien maître. À ses dépens, ce guerrier apprendra que la vengeance est inutile.

J’aime suivre le lent cheminement du lapin samouraï solitaire. Il a le chic pour se mettre toujours dans des situations impossibles, mais fidèle à son honneur, il ne peut jamais détourner les yeux quand le bien est menacé. Ses lames sont au service de la justice, seul maître auquel Miyamoto répond.

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The Tale of Samuel Whiskers or The Roly-Poly Pudding

Conte de Beatrix Potter.

La mère des chatons Moppet, Mittens et Tom a fort à faire.  Pour avoir un peu de tranquillité, elle décide d’enfermer ses turbulent·es petit·es dans le placard. Mais Tom manque à l’appel et est introuvable. Aurait-il été enlevé par les rats qui occupent la maison et pillent le garde-manger ? Pourrait-il même être le menu du jour ? « Tom Kitten has always been afraid of a rat ; he never durst face anything that is bigger than  – a monde. » (p. 81 & 82)

Encore une grosse mésaventure pour le chaton indiscipliné ! À croire qu’il ne retient rien de ses précédentes déconvenues… Dans cet album, Beatrix Potter imagine une histoire qui va plus loin que l’anecdote, en écrivant brièvement les années adultes des chatons qui ont grandi. Je retiens surtout la dédicace, tendre et pleine de nostalgie, mais qui ne parvient pas à me rendre agréables Samuel Whiskers et son acariâtre épouse. « In remembrance of Sammy, the intelligent pink-eyed representative  of a persecuted (but irrepressible) race of an affectionned little friend and most accomplished thief. »

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Usagi Yojimbo – 25

Bande dessinée de Stan Sakai.

Miyamoto Usagi chemine avec Gen, le samouraï rhinocéros, camarade d’aventures bien connu et toujours aussi agaçant, tête brûlée et prompt à s’énerver. « Ce chemin ne m’a pas l’air d’une bonne idée. / À quoi bon vivre si on ne prend jamais de risque ? De toute façon, je préfère les raccourcis que les chemins longs. » (p. 13) Mais à prendre des sentiers détournés, nos deux compères doivent se défendre d’une bande de renards farceurs plutôt affamés. Au gré de leurs étapes, un sujet revient souvent dans leurs conversations : l’argent, ou plutôt son manque et la façon dont Gen sait si bien dilapider les ressources des autres. Ils recroisent Chien Errant, un autre samouraï qui cherche à attraper Taniguchi, criminel pour lequel une prime importante est promise. Les trois braves unissent leurs lames pour le bien commun. Et, comme plusieurs fois par le passé, Gen prouve qu’il est capable de sensibilité face à plus démuni que lui.

Cet album remet les terribles ninjas neko sur la route du ronin aux longues oreilles. Le vaillant lapin croise aussi une tripotée de sales types, tous plus ou moins ivres de saké. Toujours fidèle au bushido, Miyamoto protège les faibles et punit les coupables.

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Joyeux Noël !

Hey, vous !

Sur une échelle de 1 à 10, vous avez été sage comment ?

Vous vous êtes brossé les incisives après avoir mangé des carottes ? Vous avez bien frotté derrière vos longues oreilles ? Vous avez rendu les livres qu’on vous a prêtés ? En bon état ?

OK, je vous crois… La distribution de cadeaux peut commencer !

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Avorter, un droit en danger ?

Texte de Ghada Hatem.

En 2022, les États-Unis ont remis en cause le droit à l’avortement. Quand la première puissance mondiale s’en prend à un tel droit, l’alerte est grave. « Militer pour l’avortement, pour moi, c’est permettre aux femmes de choisir. Sans cette liberté de choix, il ne peut pas y avoir d’autonomie. » (p. 4) Avorter n’est pas un acte anodin, certainement pas un acte de confort, et aucune femme ne devrait avoir à se justifier de recourir à ce droit. « Les femmes ont toujours eu recours à l’avortement, même quand il mettait leur vie en danger. Car parfois, devenir mère est une catastrophe, bien loin de l’image d’Épinal de la maternité épanouie. » (p. 9)

Gisèle Halimi et Simone Veil, pour ne citer qu’elles, ont offert aux Françaises un droit qu’il faut protéger. Car faire venir un enfant au monde sans tenir compte de la mère est une négation de la liberté de la seconde et un triste démarrage dans l’existence pour le premier. « Des travaux scientifiques ont montré qu’interdire l’avortement, loin de le faire disparaître, le rendait clandestin et dangereux. » (p. 27) Cela semble une évidence, comme la nécessité d’éduquer également les garçons. Il faut être deux pour concevoir : le poids de la parentalité et de l’avortement ne peut pas reposer uniquement sur la génitrice.

Cet opuscule a sa place sur mon étagère de livres féministes, c’est évident. Mais il va surtout circuler beaucoup dans mon entourage.

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Usagi Yojimbo – 24

Bande dessinée de Stan Sakai.

Le démon Jei qui possède Inazuma continue de répandre la mort : partout où il passe, les cadavres s’amoncellent, soi-disant pour purger le monde du mal. Miyamoto Usagi et Gen pensaient avoir vaincu le démon avec la lame des dieux, mais le monstre survit, passant de corps en corps pour poursuivre son œuvre macabre. Un prêtre est tourmenté par des cauchemars depuis qu’il a été confronté à Jei. Mais pour tout le monde, c’est Inazuma la coupable puisque c’est elle qui tient la lame. « Les chasseurs de primes sont précipités dans la région depuis que le patron Bakuchi a triplé la récompense pour la tête d’Inazuma. » (p. 147) Miyamoto, Gen, Chien Errant et le prêtre Sanshobo s’unissent pour exorciser le démon et sauver l’âme de la malheureuse Inazuma. Mais Jei peut-il être vaincu ?

Cet album est très sombre. Le samouraï Miyamoto est hanté par des cauchemars terribles. Il ne doute pas de ses lames, mais il ne sait pas s’il pourra sauver le pays des méfaits du démon Jei. Ce brave lapin m’attendrit beaucoup, portant le poids de sa solitude avec résignation, sans jamais se départir de sa loyauté envers les plus fragiles et la justice.

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Travailler en temps de guerre – Tranches de vie

Bande dessinée de Thomas Mosdi (scénario), Maxellande Jude (historienne) et multiples artistes.

Découvrez les portraits en images de :

  • Marie, munitionnette, séparée de l’homme qu’elle aime ;
  • André, artiste décorateur, qui trompe l’ennemi en maquillant le paysage ;
  • Anh Hào, Indochinois forcé de quitter son pays pour travailler dans les salines de Camargue ;
  • Jean, contraint au Service du travail obligatoire en Allemagne ;
  • Pierre et Lucien, travailleurs exclus au nom d’une haine de la différence.

Après les courtes biographies nourries d’archives, l’ouvrage plante plus précisément le contexte historique et rappelle combien le travail en temps de guerre a été éprouvant physiquement et socialement, avec parfois des conséquences à long terme. « Il y eut entre 260 et 300 000 volontaires qui travaillèrent en Allemagne, et 650 000 jeunes requis par le STO. Critiqués lorsqu’ils s’en allèrent, ils le furent beaucoup plus encore quand ils revinrent. Aux premiers, on reprocha leur choix, aux seconds de ne pas avoir désobéi, à tous d’avoir renforcé la main-d’œuvre du Troisième Reich. Ce furent tous des victimes du nazisme, victimes de propagandes mensongères et de chantages émotionnels pour les uns, victimes des menaces pesant sur leurs familles pour les autres… » (p. 36)

Cette bande dessinée a été créée à l’occasion de l’exposition Travailler en temps de guerre 14-18/39-45 organisée par les Archives nationales du monde du travail situées à Roubaix. Je l’ai visitée avec beaucoup d’intérêt et ne peux que vous conseiller d’en faire autant : elle est visible jusqu’au 4 mai 2024.

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Pilules roses – De l’ignorance en médecine

Essai de Juliette Ferry-Danini.

« Pourquoi un médicament prescrit à de nombreuses femmes semble faire l’unanimité contre lui ? » (p. 15) Le mis en cause, c’est le Spasfon ou phloroglunicol pour son nom pharmaceutique. Le produit n’a pas fait l’objet d’études scientifiques solides pour démontrer son efficacité sur les douleurs gynécologiques, biliaires et urinaires, et ce alors qu’il est vendu depuis 1960 et qu’il dispose d’une autorisation de mise sur le marché renouvelée sans remise en cause depuis 1973. Pas de revues systématiques et pas d’essais cliniques randomisés pour le Spasfon : la pilule rose tant prescrite aux femmes est pourtant distribuée à tour de bras.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que la douleur féminine est minimisée par le monde médical et que les femmes se voient en outre prescrire un médicament inefficace. On peut parler de double peine… Les soignant·es demandent notamment aux femmes de dédramatiser leurs douleurs menstruelles, ce qui revient à remettre en cause la parole desdites femmes sur leur propre corps. Le Spasfon est l’un des médicaments les plus prescrits en France pour traiter les douleurs de règles, au motif qu’il est un antispasmodique. « Avons-nous troqué l’hystérie pour une théorie plus inoffensive en apparence, celle du spasme ? » (p. 123) Ce qui est certain, c’est que des parturientes se voient prescrire la pilule rose au lieu d’antalgiques et que des femmes réglées n’obtiennent pas d’anti-inflammatoires.

Quand on revient à l’histoire du Spasfon, la description des premiers tests fait froid dans le dos. Le laboratoire déclenchait volontairement des douleurs biliaires chez des patientes pour tester son nouveau produit… « Derrière la success story du phloroglucinol se cache finalement une expérimentation humaine moralement problématique et à la scientificité très contestable. » (p. 86) Poursuivons le portrait des pilules roses : ces dernières n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité, elles seraient donc inoffensives, comme un placebo ? Pas tout à fait… et quand bien même elles le seraient, il est inadmissible de les prescrire aux femmes sans qu’elles le sachent. « L’étude souligne que le Spasfon est également souvent considéré comme par les professionnels de santé comme un placebo. C’est presque un secret de polichinelle : c’est évident pour beaucoup de médecins, mais rarement dit aux patientes. » (p. 141) De fait, les femmes n’ont pas consenti à prendre un produit qui n’a aucune efficacité et qui retarde, voire empêche leur accès à une meilleure prise en charge de leur douleur. Petit détail qui a tout son sel : « Le phloroglucinol étant par ailleurs une molécule utilisée dans la fabrication d’explosif. » (p. 69)

J’ai depuis longtemps constaté que le Spasfon n’a aucun effet sur moi, mais vu mon passif avec les médicaments, je pensais que c’était personnel. Cette lecture m’ouvre les yeux et me met en colère, mais c’est une colère saine ! Elle me donne des armes pour refuser – enfin – fermement ce produit quand un médecin veut me le prescrire ou qu’une pharmacie veut me le délivrer. « Ceci est un livre de philosophie de la médecine féministe. Un tel projet a pour objectif d’identifier et de déconstruire des biais au sein de la connaissance médicale qui affectent injustement les femmes. » (p. 11) Cet essai prendra évidemment une place bien méritée sur mon étagère de lectures féministes, mais avant, il va circuler parmi les femmes de mon entourage !

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Usagi Yojimbo – 23

Bande dessinée de Stan Sakai.

Le Koroshi, la ligne des assassins, attente à la vie d’un marchand. Les samouraïs s’en prennent aux mendiants et perdent de vue le bushido. Les tueurs à gages ne peuvent pas changer de vie. Tous les habitants d’un village cherchent la fortune perdue d’un riche marchand. Le karma semble lourd sur chacun. « La plupart de ces voyous sont des paysans qui pensaient que la vie serait plus facile en tant que criminels. Ils sont trop lâches pour se faire vraiment mal. / Mais ils passeront leur colère sur les habitants de la ville. » (p. 83) Miyamoto Usagi, lui, ne peut jamais s’empêcher de venir en aide aux faibles et aux innocents. Quand Mayumi, servante d’auberge, demande à le suivre pour changer de vie, il n’ose pas refuser, mais il sait que son existence de samouraï errant n’est pas faite pour une femme. « J’attire le danger partout où je vais. Et le danger s’étend à tous ceux qui voyagent avec moi. » (p. 140)

Après de longs mois sans lire les aventures du beau ronin aux longues oreilles, je retrouve avec bonheur ce Japon féodal où les esprits et les démons marchent sur la terre. Je ne me lasse pas de suivre le noble guerrier aux deux épées, solitaire et vaillant. « Je ne peux pas être responsable de tous les malheureux de ce monde. J’ai ma propre vie. Je ne peux pas veiller sur quelqu’un d’autre. » (p. 85) La suite des péripéties, que j’ai déjà lue, donne raison au courageux lapin Miyamoto Usagi.

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Travailler en temps de guerre 14-18/39-45

Ouvrage collectif.

Ce catalogue d’exposition est l’occasion de revenir sur ma visite de la manifestation éponyme. Les Archives nationales du monde du travail, situées à Roubaix, ont fouillé dans leurs magasins et leurs collections pour dresser un panorama très complet du travail en temps de guerre. « Le discours porté durant les deux guerres montre la volonté de maintenir la population au travail, car la production des pays en guerre est déterminante dans l’avancement du conflit. » (p. 9) L’exposition rappelle comment la diminution de la main-d’œuvre masculine a entraîné une féminisation accélérée de certains métiers et secteurs d’activité. Évidemment, les droits des femmes n’ont pas progressé en conséquence, cela se saurait… Il est question de propagande travailliste et d’organisation du travail par l’État et/ou l’occupant, mais aussi des exclus du travail, des réquisitionnés, des ouvriers venus des colonies ou encore des atteintes faites aux travailleur·euses. « Le droit du travail s’adapte aux besoins d’une économie de guerre qui privilégie la production au bien-être des travailleurs. » (p. 16)

Sans surprise, la partie dédiée aux prostituées m’a beaucoup touchée. « La parole de celles qui ont exercé ‘le plus métier du monde’ en temps de guerre est inaudible. La chape de plomb morale, légale et sanitaire est telle qu’il n’existe aucun témoignage direct, aucune mémoire constituée. Il faut se contenter de la voix des autorités civiles et militaires qui contrôlent la prostitution. » (p. 22) Plus largement, les femmes sont donc largement mises au travail. Cependant, comme souvent, elles sont soumises à des injonctions paradoxales : main-d’œuvre moins payée, elles doivent assurer la production ou les récoltes, mais sans prendre durablement la place des hommes et tout en continuant à rester des ventres féconds, notamment dans l’entre-deux-guerres. Triple peine, vous avez dit ?

J’ai découvert le bras de labeur, cette prothèse prêtée aux mutilés de guerre par les entreprises pendant les heures de travail pour qu’ils produisent et participent à l’effort de guerre. Ces équipements s’attachaient par des lanières autour du torse et se terminaient par des outils différents selon la tâche du travailleur : marteau, bêche, pince, etc. Restons dans le cynisme : l’organisation de la production industrielle pendant les deux conflits a contribué au déploiement du taylorisme en France. Les ouvriers sont de moins en moins libres, y compris dans l’usine et les gestes professionnels… Les actes de résistance et de sabotage n’en avaient que plus de sens !

Je ne peux que vous conseiller la visite de cette exposition qui est visible jusqu’au 4 mai 2024 aux Archives nationales du monde du travail. Le parcours est très bien construit. Un espace est prévu pour les enfants de tout âge (jusqu’à 77 ans, donc !) et vous pouvez remplir une fiche pour rendre hommage à un proche qui a travaillé pendant une des guerres.

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Amis pour la vie

Album d’Anna-Clara Tidholm.

Nino prépare des crêpes et se régale en les tartinant de crème et de confiture. « Mais Nino a son petit ventre bien plein  et il reste encore beaucoup de crêpes. » (p. 8) Arrive Amandine, aussi jolie que gourmande. Les deux lapins partagent un goûter extraordinaire, mais il faut se séparer à la fin de la journée. Qu’il est triste de vivre ainsi, seul·e dans une grande maison…

Cette courte histoire est jolie et vraiment faite pour les tout·es petit·es lecteur·ices tant elle est simple. J’ose dire simpliste, car même pour des bouts de chou, ça me paraît vraiment trop peu. Les dessins sont charmants, sans aucun doute. Ce que je retiens de cette lecture, c’est que je n’ai pas fait de crêpes depuis trop longtemps : il faut remédier rapidement à cela !

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The Tale of Johnny Town-Mouse

Conte de Beatrix Potter.

« Johnny Town-Mouse was born in a cupboard. Timmy Willie was born in a garden. » (p. 9) Nous voici donc introduits auprès des deux protagonistes de cette réécriture du rat des villes et du rat des champs. Par une suite d’événements assez éprouvants, Timmy Willie, campagnol, se retrouve dans le dîner mondain de souris très urbaines. Ses hôtes font tout pour égayer son séjour, mais Timmy se languit de son jardin. Dès qu’il le peut, il retourne dans sa campagne où Johnny vient le visiter. Toutefois, même si les deux amis s’entendent très bien, chacun préfère rester chez soi, au milieu des bruits et des dangers qu’il connaît !

Quel plaisir de voir toutes ces minuscules souris vêtues de beaux brocards et coiffées de haut-de-forme ! J’aime les voir évoluer dans les environnements gigantesques des humains et s’aménager des maisons à partir d’objets insolites. Beatrix Potter crée dans chaque conte un univers minuscule, une bulle charmante dans laquelle on s’évade.

J’ai relu avec délice ce petit album, après l’avoir découvert en français sous le titre Petit-Jean des Villes.

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The Tale of Squirrel Nutkin

Conte de Beatrix Potter.

Pénurie de noisettes dans la forêt ! Pour se préparer à l’hiver, les écureuils embarquent sur des radeaux et, une semaine durant, se rendent sur Owl Island pour remplir de grands sacs des précieuses denrées. Avant chaque cueillette, pour amadouer le maître des lieux, ils ne manquent pas de déposer des présents devant Old Brown, vieux hibou taciturne. Seul Nutkin, écureuil impertinent, ne se prête pas au jeu des convenances. Sans vergogne, il chante des comptines insolentes. En voilà un qui apprendra à ses dépens qu’on ne se moque pas de tout le monde !

J’aime la façon dont s’ouvre ce petit conte, sur un détail dont l’importance n’échappera à personne. « This is a tale about a tail – a tail that belonged to a little red squirrel, and his name was Nutkin. » (p. 7) Les agaçantes chansonnettes de Nutkin sont de celles qui restent en tête et que l’on fredonne sans s’en rendre compte. Beatrix Potter avait un talent certain pour titiller l’esprit et dépeindre le caractère joliment insupportable d’un petit poilu.

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Être féministe, pour quoi faire ?

Texte de Camille Froidevaux-Metterie.

J’ai découvert l’autrice avec La bataille de l’intime. Tout est déjà dit dans ce texte plus abouti, mais l’opuscule publié par ALT repose certains fondements indispensables à la constitution d’une pensée sur le sujet. « J’ai compris que je vivais dans une société où les femmes continuaient d’être réduites à leur corps. » (p. 5) Voilà la raison première d’être féministe. Cette réduction ne s’appliquant pas aux hommes, l’injustice doit être combattue. En refusant de n’être que des corps soumis aux désirs et au bon vouloir des hommes, les femmes renversent l’injonction à la maternité. Cet état n’est pas un devoir, c’est une possibilité qui découle d’un choix qui n’appartient qu’à la femme puisque c’est son corps qui est à la manœuvre pendant la grossesse.

Le corps féminin est soumis à toutes les contradictions. Les femmes y sont sans cesse ramenées, mais elles doivent en faire abstraction pour bénéficier des mêmes chances que les hommes. « Tout se passe comme si, pour accéder à tous les métiers et à tous les postes, les femmes devaient oublier qu’elles avaient un corps. » (p. 15)

Évidemment, être féministe, c’est lutter pour l’intersectionnalité. Il n’y a pas de libération de la femme si cela ne couvre pas toutes les femmes : racisées, en situation de handicap, trans, etc. « Être féministe, c’est donc aussi prolonger l’objectif de libération au-delà des femmes : à toutes les personnes discriminées et minorités, au monde végétal et animal, à la planète tout entière. » (p. 28) Allons plus loin et disons-le,  le féminisme ne se fait pas contre les hommes, mais avec eux. Le patriarcat et la masculinité toxique font des ravages chez les hommes aussi. Mais il faut qu’ils y mettent du leur. « Être féministe quand on est un homme, c’est refuser de jouer le jeu de la domination masculine et reconsidérer ses propres comportements à l’aune de l’égalité. » (p. 28) Bref, Messieurs, instruisez-vous : il y a des étagères pleines pour vous ouvrir l’esprit !

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The Tale of Little Pig Robinson

Conte de Beatrix Potter.

Susan, jolie chatte blanche, descend au port pour acheter du poisson pour sa maîtresse. L’arrivée des bateaux et de la pêche du jour est toujours un évènement ! Mais ce jour-là, Susan ne remarque qu’une chose. « She could not understand that pig on bord a ship. But I know all about him ! » (p. 20)

Le jeune cochon Robinson est envoyé au marché de Stymouth par Aunt Dorcas et Aunt Porcas afin de vendre des produits de la ferme et revenir avec des provisions indispensables. C’est l’occasion pour les lecteur·ices de découvrir toute l’effervescence du marché et des boutiques. Hélas, tout se complique pour Robinson quand il est embarqué sur un navire par le capitaine Barnabas qui ne semble pas uniquement chercher un compagnon de voyage…

Je me suis régalée de cet album de plus de cent pages dans lequel Beatrix Potter se moque des naïf·ves et des personnes qui offrent leur confiance sans discernement. Le chat qui cire les bottes a une place particulière dans mon cœur. Évidemment, avec son prénom, le jeune héros porcin est prédestiné à une vie d’aventure…

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Peut-on aimer les animaux et les manger ?

Texte de Guillaume Meurice.

Le narrateur déjeune avec une amie. Le sujet principal de la conversation ?  Ce qui se trouve dans leurs assiettes respectives. Lui a commandé de la viande, elle une salade. On pourrait évoquer la distinction genrée de l’alimentation, mais restons-en au végétarisme et au carnisme, en essayant de répondre à la question du titre. Pour moi, la réponse est simple, c’est non. D’aucun·es me reprocheront mon manque de nuances, mais tuer ce qu’on aime, ça me semble être de la pure perversité. L’auteur appelle ça autrement. « Je ne pense pas du tout que tu es un monstre. Tu es simplement comme tour le monde : tu as des contradictions. […] Tu sais, végétarien, ce n’est pas une religion. L’idée, c’est d’être en accord avec ce qu’on pense être un bon comportement. » (p. 5)

La collection ALT s’adresse à un jeune lectorat, ce qui explique sans doute que l’ouvrage reprenne tous les arguments les plus basiques, voire les plus simpliste, pour débroussailler le sujet. En vrac :

  • L’humain a des canines, donc il est fait pour manger de la viande.
  • Les végétarien·nes souffrent de carences et ont besoin de B12.
  • La viande, c’est naturel et d’autres mammifères en mangent.
  • C’est bien beau d’être végé si nos téléphones viennent de Chine.
  • Le végétarisme menace toute une part de l’économie agroalimentaire.

Rappelons que, chaque jour, 3,2 millions d’animaux sont tués pour la seule consommation humaine et qu’une part non négligeable de cette viande finira à la poubelle. Rappelons que l’industrie carniste est l’une des plus émettrices de gaz à effet de serre. Alors, cessons de nous cacher derrière nos petits doigts. Cessons d’en appeler à la pureté militante de celleux qui nous alertent et prenons les bonnes décisions. « Tu insinues que puisque je ne suis pas parfaite, je pourrais, en plus de tout ce que je fais de travers, manger de la viande. C’est-à-dire ajouter une décision pas glorieuse à toutes celles que j’ai déjà prises ? Et donc en gros, tu veux dire que se comporter mal, ce n’est pas grave si l’on se comporte déjà mal par ailleurs ? » (p. 17)

Je ne peux pas dire que cet ersatz de dialogue socratique m’ait convaincue, mais cela reste une bonne entrée en matière pour les jeunes et moins jeunes qui s’interrogent sur le sujet et cherchent à revoir leur rapport au vivant. Pour approfondir, je recommande Insolente Veggie – Une végétalienne très très méchante.

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Cecily Parsley’s Nursery Rhymes

Recueil de comptines de Beatrix Potter.

Cecily Parsley est une lapine qui brasse de la bière. D’autres charmants animaux suivent dans les petites comptines de Beatrix Potter, pour le grand plaisir des jeunes et grand·es lecteur·ices. Évidemment, les aquarelles de l’autrice/dessinatrice ajoutent beaucoup au charme de ces historiettes.

En quelques phrases rimées, l’autrice dresse une scène plus vivante que nature. Imaginez plusieurs cochons d’Inde réunis dans leur joli jardin, que pourraient-ils se dire ? « We love our little garden, / And tend it with such care, / You will note find a faded leaf / Or blighted blossom there. » (p. 35)

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Elma, une vie d’ours

Bande dessinée d’Ingrid Chabbert (scénario) et Léa Mazé (dessins et couleurs).

ATTENTION, JE PRÉSENTE LES DEUX VOLUMES À LA SUITE. POSSIBLE DÉVOILEMENT DE L’INTRIGUE.

Tome 1 : Le grand voyage

Elma vit avec Papa Ours. Tout est simple et doux : grimper aux arbres, sauter sur les rochers, s’entraîner à rugir comme un fauve, râler après les écureuils. « Allez dépêche-toi, Papa Ours, l’aventure nous attend ! / Si tu savais… » (p. 13) Un matin, ils se mettent en route pour un long voyage, mais Elma pressent que ce n’est pas une promenade comme les autres. « En fait, si, j’ai un peu peur, je crois… pas de ce voyage, mais de ce que tu me caches si fort. » (p. 33) À mesure des jours, le périple devient de plus en plus dangereux, comme si le monde s’écroulait. Où Papa Ours emmène-t-il Elma ?

Le dessin très coloré et très dynamique nous montre un monde vivant. Et il suffit de quelques traits, du pli d’un regard ou de la courbe d’une nuque pour être englouti dans l’amour immense qui unit ces deux créatures si différentes.

Il était évidemment impossible que je m’en tienne au tome 1 !

Tome 2 : Derrière la montagne

Le long et douloureux voyage se poursuit. Papa Ours est blessé et Elma s’agace ne pas comprendre où ils vont. Entre deux côtes à gravir, le fauve et l’enfant partagent de tendres moments de complicité. « Tu tendais les bras vers moi en riant. Ton rire, c’était le plus beau son que j’aie entendu de ma vie. » (p. 10) Mais la menace est omniprésente : Papa Ours révèle son destin à Elma, et il est lourd à porter. « On ne choisit pas sa destinée… mais moi, j’ai choisi de t’aimer comme si tu étais de mon sang. »(p. 24) La fin du voyage sera tragique, mais la promesse du vieil ours a été tenue.

J’aime beaucoup la façon dont l’histoire reste à écrire après la dernière page. C’est une autre forme de « Iels vécurent heureux·ses », une sorte de conte très grave, mais non dénué de lumière.

Récemment, j’ai découvert le travail scénaristique d’Ingrid Chabbert dans Le grand méchant lapin qui m’a fait rire aux éclats. Voilà qui compense un peu pour cette lecture qui a fait couler de grosses larmes.

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Au pays

Roman de Tahar Ben Jelloun.

Mohamed a quitté le Maroc pour travailler en France. Et travailler, il aime ça, il connaît son métier et n’envisage pas de ne plus l’exercer. L’approche de la retraite fait germer en lui une sourde angoisse. « C’était comme si on lui signifiait qu’il était malade et qu’il ne pouvait plus être rentable pour la société. Une maladie incurable, une disponibilité pour un immense ennui. » (p. 27) Pour se rassurer, il en appelle à sa foi et à son amour simple et profond pour l’Islam. Pour Mohamed, les traditions et la religion sont le rempart du malheur. Il n’aspire qu’à une vie simple et heureuse, entourée des siens. Le seul intérêt de la si terrifiante retraite est de pouvoir enfin achever sa maison au bled, où il compte bien finir ses jours. « Mohamed avait toujours rêvé d’une maison, une belle et grande maison où toute la famille serait réunie dans la paix, le bonheur et le respect. » (p. 15)

Hélas, ses cinq enfants sont nés et ont grandi en France. Pour eux, le bled, c’est un coin paumé et sans intérêt. Le hiatus entre les deux générations est consommé quand Mohamed comprend que ses racines sont au Maroc et que celles de ses enfants sont en France, même si elles ne sont pas plantées bien profond. « Je suis triste depuis que je suis arrivé en France, ce pays n’y est pour rien dans ma tristesse, mais il n’a pas réussi à me faire sourire, à me donner des raisons d’être gai, heureux, c’est comme ça, je n’y peux rien. » (p. 47) Le Maroc, c’est le pays des origines et le pays du retour triomphant. « Le Maroc ne vous lâchera jamais, il sera toujours avec vous, impossible de l’oublier, le Maroc émigre avec vous, il vous suit, vous guide et vous protège, il vous collera à la peau ; il ne faut pas se décourager, quand le pays vous manquera. » (p. 95) Mais tout cela n’est que chimère et le fantasme du retour à la terre natale s’évapore, se heurte à la dure réalité. Mohamed n’a jamais été français, mais il n’est plus tout à fait marocain.

J’avais lu Partir de Tahar Ben Jelloun, où de jeunes Marocains ne rêvent que de quitter la terre marocaine. Au pays est le pendant exactement inverse de ce roman et il présente le désarroi, voire la détresse d’un homme qui ne trouve et ne retrouve son foyer nulle part. « La France, ce ne sera jamais votre pays, ça c’est sûr ! La France, c’est la France, un pays riche mais qui a besoin de nous comme nous avons besoin de lui. » (p. 97) J’ai aussi été très émue par la foi dont Mohamed fait montre. « Ma religion est mon identité, je suis musulman avant d’être marocain, avant de devenir immigré, l’islam est mon refuge, c’est lui qui me calme et me donne la paix. » (p. 131) Cette foi bannit les intégrismes et les excès, elle parle d’amour, de pudeur et de respect. Dans ce court roman, l’auteur évoque le racisme et la différence. Il soulève des questions simples et évidentes qui obsèdent comme des chansons lancinantes. « Mohamed ne savait plus si le racisme était suscité par la couleur de la peau ou l’extrême pauvreté. » (p. 13)

J’ai beaucoup apprécié cette lecture aux teintes élégiaques, tout en pudeur et en sensibilité.

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The Story of Miss Moppet

Conte de Beatrix Potter.

Une souris intrépide s’amuse à narguer une petite chatte. Maligne, la jeune féline décide de lui rendre la pareille. « And because the Mouse has teased Miss Moppet – Miss Moppet thinks she will tease the Mouse. » (p. 29)

L’histoire se déroule comme un classique épisode de « tel est pris qui croyait prendre », mais avec le charme suranné des aquarelles duveteuses de Beatrix Potter. Le texte est très court, presque réduit à une comptine, mais rudement mignon et efficace pour passer un instant tendre et léger. Je l’ai relu avec plaisir : dans la langue de Colette, Miss Moppet s’appelle Mademoiselle Mitoufle.

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