Potins #24

Carole-Anne Boisseau est une autrice française.

POTIN – Je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations sur cette autrice. En fait, je voulais surtout vous parler (encore) de Lapingouin, ce petit héros que j’aime tant.

Lisez : Les chocozœufs de Pâques, Ma première nuit chez Tortuchon, Chut, Lapingouin est amoureux…, Raconte-moi quand j’étais né, Mon monde à moi, Même pas peur des monstres, Qui veut jouer avec Lapingouin ?, À table, Lapingouin ! et Au lit, Lapingouin !

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Les super Méchants – Opération Toutous

BD-roman d’Aaron Blabey.

Un grand méchant loup, un fourbe serpent, un piranha vorace et un requin aux dents longues qui se constituent en équipe, ça ne semble pas être l’idée du siècle pour préserver la tranquillité des moutons, des baigneurs et autres innocents. Encore moins si leur devise est « Toujours là pour vous sauver. Même si vous n’avez rien demandé. » (p. 4) Ces super méchants en ont assez qu’on les déteste et d’effrayer tout le monde. Désormais, ils veulent faire les choses bien et venir à la rescousse de ceux qui en ont besoin. Cependant, avec leur dégaine de vrais méchants et leur caractère complètement barré, ces antihéros arriveront-ils à assurer la mission qu’ils ont en vue ?

J’aime les livres pour les enfants (et pour les adultes, vu qu’il paraît que j’en suis une…) qui s’amusent avec la police d’écriture, la casse et la mise en page, surtout quand ça sert à appuyer le discours. Ici, on voit les mots nous crier dessus ou nous faire les gros yeux, et c’est absolument hilarant, comme une forme d’onopatopéisation (oui, j’invente des mots) du récit et des dialogues, d’où l’appellation BD-roman sur la première de couverture. Ce livre est inclassable, mais assurément à mettre sous les yeux des lecteurs de tout âge ! Il est drôle à pleurer ou à hurler à la lune, selon vos préférences. J’ai particulièrement ri à une blague de prout. Parce que j’ai toujours 8 ans au fond de moi, OK !

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Potins #23

Jack Kerouac est un auteur américain né en 1922 et décédé en 1969.

POTIN – Né de parents québécois, son prénom est en réalité Jean-Louis et sa famille l’a longtemps surnommé Ti-Jean.

Lisez : Sur la route et Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines.

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Les saboteurs de l’ombre – La guerre de secrète de Churchill contre Hitler

Texte de Giles Milton.

Quatrième de couverture : Au printemps 1939, une organisation très discrète est fondée à Londres, surnommée « l’armée secrète de Churchill » : elle a pour objectif de détruire la machine de guerre d’Hitler, au moyen d’actes de sabotage spectaculaires. Les opérations de guérilla qui devaient frapper au cœur du Troisième Reich étaient dirigées par six hommes atypiques. Churchill les avait choisis pour leur créativité et leur mépris des convenances. Millis Jefferis et Stuart Macrae s’occupèrent d’organiser les activités et de produire à grande échelle de nouvelles armes secrètes. Cecil Clarke était un ingénieur fou qui avait passé les années 1930 à inventer des caravanes futuristes ; c’est lui qui élabora la bombe destinée à assassiner le favori d’Hitler, Reinhard Heydrich. William Fairbairn était un retraité corpulent à la passion peu commune : il était le spécialiste mondial des techniques d’assassinat sans bruit. Avec son comparse Eric Sykes, il avait pour mission d’entraîner les hommes parachutés derrière les lignes ennemies. Menée par Colin Gubbins, un fringant Écossais, cette organisation fut si efficace qu’elle changea le cours de la guerre. À l’aide de documents d’archives classés Secret Défense jusqu’à ce jour, Giles Milton nous livre avec son humour anglais irrésistible le récit invraisemblable de cette guerre contraire à toutes les règles du vrai gentleman.

Il serait bien vain et même présomptueux de prétendre résumer par moi-même un épisode véridique de l’Histoire. Voilà pourquoi je vous renvoie à la quatrième de couverture qui est très bien faite. Colin Gubbins n’avait pas l’approbation de ses supérieurs, mais c’est en partie grâce à ses méthodes de guérilla que la guerre de 39-45 a été remportée par les Alliés. « Après deux ans de guerre, le gouvernement britannique et ses serviteurs apprenaient enfin à se conduire comme des mal élevés. » (p. 175) Dans son bureau secret situé dans Baker Street, à deux pas de la maison de Winston Churchill, il a pensé la guerre différemment pour donner l’avantage à l’Angleterre et aux ennemis du nazisme. « Dans l’armée régulière, on avait très peu l’expérience de cette guerre souvent indigne de gentlemen. » (p. 29) Grâce à l’équipe exceptionnelle qu’il a rassemblée, il a élaboré des opérations de sabotage d’envergure, souvent extrêmement audacieuses, menées en Afrique, en Grèce, en Norvège ou encore en France. Giles Milton présente dans le détail leur préparation, ce qui les rend très visuelles, voire cinématographiques. Le livret iconographique présent au milieu de l’ouvrage illustre intelligemment le propos et donne envie de se perdre dans des kilomètres d’archives.

Les portraits des membres de l’équipe d’élite de Colin Gubbins sont passionnants. Nous sommes en présence de personnes extraordinaires, peu communes parce que visionnaires ou faisant montre d’une morale peu acceptable, et pourtant positive. « Il allait avoir besoin d’un petit groupe d’experts qui l’aiderait à trouver où frapper pour mieux enrayer la machine de guerre d’Hitler. Des experts qu’il avait peu de chances de trouver dans l’armée régulière. Gubbins devait dénicher des mauvais garçons, des loups solitaires, des excentriques sachant penser en dehors du cadre et aimant l’action. » (p. 35) Mais il n’est pas question que d’hommes dans cet ouvrage. Joan Bright et Margaret Jackson ont été deux assistantes indispensables au travail de Colin Gubbins, des femmes travaillant sans relâche à l’effort de guerre jusqu’à l’armistice.

La réussite de ces opérations, de cette stratégie novatrice et de cette guerre irrégulière était la façon de Colin Gubbins de servir son pays au plus fort de la guerre, mais également de prendre une revanche sur sa hiérarchie militaire en prouvant sa valeur de soldat. « Après l’attentat contre Heydrich, Colin Gubbins comprit quel puissant avantage il avait sur les nazis. Si tous les coups étaient permis, la guerre devenait un jeu, un jeu à haut risque, mais qui ne manquait pas d’attrait. En plaçant bien ses cartes, il cesserait d’être un sous-fifre mal-aimé pour devenir maître de la stratégie. » (p. 229) Ce portrait d’homme déterminé ferait un excellent biopic au cinéma. J’ai été saisie par le sang-froid de Gubbins, l’inventivité de ses hommes et la témérité de cette brigade secrète. À noter que les techniques et les technologies développées par ces saboteurs ont été saluées par tous pendant la guerre, et même par certains officiers de l’armée allemande qui en faisait pourtant les frais.

J’avais déjà apprécié la plume de Giles Milton dans son roman Le nez d’Edward Trencom qui parle de fromage, entre autres choses. Ici, son style enlevé et entraînant fait dévorer sans effort les quelque 400 pages de ce document historique.

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The End

Bande dessinée de Zep

Au son des paroles prophétiques de Jim Morrison une poignée de chercheurs tentent de décoder les signaux que s’échangent les arbres depuis des millénaires. « La mémoire de notre planète écrite dans l’ADN de l’arbre. » (p. 22) D’étranges champignons apparaissent à proximité des usines de Pharmacorp, soupçonnée de polluer massivement l’environnement. Mais Theodore, un des stagiaires qui participe au projet, a le sentiment que la menace est plus grande et imminente, et surtout qu’elle émane d’entités qui semblent bien inoffensives.

Difficile d’en dire moins, mais impossible d’en dire plus ! Je vous laisse découvrir cette excellente bande dessinée d’un auteur que j’apprécie de plus en plus à mesure qu’il produit des oeuvres profondes et belles. Pour vous convaincre du talent de Zep, lisez Une histoire d’hommes, Découpé en tranches et surtout Un bruit étrange et beau. Et au hasard d’une balade en forêt, prenez le temps de rassurer les arbres, de saluer respectueusement leur écorce et de les remercier. Et surtout, surtout, écoutez Jim Morrison.

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King Kong théorie

Texte de Virginie Despentes.

La libération de la femme et la révolution sexuelle ne sont qu’un pas. Pour Virginie Despentes, il reste bien des combats à mener pour que cesse enfin la domination masculine. « Souffrir, et ne rien pouvoir faire d’autre. C’est Damoclès entre les cuisses. » (p. 30) En dépit des évolutions, le corps collectif, la société et l’État restent encore oppressifs et donnent trop peu la parole aux femmes. L’autrice revendique le droit de parler du viol, de dire le mot et de s’en relever : aucune femme, jamais, ne devrait avoir honte d’avoir été violée, ni faire de cet évènement une remise en cause négative de sa féminité. « Cachez vos plaies, Mesdames, elles pourraient gêner le tortionnaire. Être une victime digne. C’est-à-dire qui sait se taire. La parole toujours confisquée. Dangereuse, on l’aura compris. Dérangeant le repos de qui ? » (p. 73) De même, la prostitution et le porno ne doivent plus être considérés comme des activités soumettant ou diminuant la femme, mais comme des manifestations de leur « empowerment ». Chaque chapitre s’achève par un extrait d’un livre parlant de femme, de féminité ou de féminisme : c’est toute une bibliographie qu’il me tarde d’explorer.

La conclusion se veut un plaidoyer bienveillant pour que les femmes et les hommes se libèrent des carcans qu’on leur a imposés et pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Cependant, je ne suis pas d’accord avec toutes les généralités que présente l’autrice en se fondant sur son expérience. Je n’ai pas vécu ce qu’elle a traversé, mais j’ai eu ma part d’agressions physiques et verbales. Comme Virginie Despentes le professe, je garde la tête haute, mais je ne vois pas en l’homme un agresseur potentiel. Je ne mets pas le pied dehors en m’attendant à chaque instant à être plus ou moins malmenée par la population masculine. Avoir une telle défiance envers une moitié de l’humanité ne s’accorde pas avec ma vision très optimiste – d’aucuns diraient Bisounours – du monde et de l’espèce humaine. J’ai déjà exprimé cette position en parlant du roman de Naomi Alderman, Le pouvoir. J’en profite pour vous recommander un autre texte parlant de l’injonction de la féminité, l’excellent Beauté fatale de Mona Chollet. Et je vous laisse avec quelques extraits du texte de Virginie Despentes.

« C’est en tant que prolotte de la féminité que je parle, que j’ai parlé hier et que je recommence aujourd’hui. » (p. 7)

« La figure de la looseuse de la féminité m’est plus que sympathique, elle m’est essentielle. » (p. 8)

« C’est tout de même épatant, et pour le moins moderne, un dominant qui vient chialer que le dominé n’y met pas assez du sien… » (p. 11)

« Il faut, de toute façon, que les femmes se sentent en échec. Quoi qu’elles entreprennent, on doit pouvoir démontrer qu’elles s’y sont mal prises. » (p. 15)

« Après plusieurs années de bonne, loyale et sincère investigation, j’en ai quand même déduit que la féminité, c’est la putasserie, l’art de la servilité. » (p. 76)

« Car, finalement, nous ne sommes pas les plus terrorisées, ni les plus désarmées, ni les plus entravées. Le sexe de l’endurance, du courage, de la résistance, a toujours été le nôtre. Pas qu’on ait eu le choix, de toute façon. » (p. 86)

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Potins #22

Marguerite Yourcenar est une autrice française née en 1903 et décédée en 1987.

POTIN – Élue en 1980 à l’Académie française, elle est la première femme à intégrer cette institution.

Lisez Nouvelles orientales, et si vous ne devez en choisir qu’une, que ce soit « Notre-Dame-des-Hirondelles ».

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L’Archipel du Chien

Roman de Philippe Claudel.

Tout commence – et peut-être finit – avec trois corps noirs échoués sur une plage d’une île de l’Archipel du Chien. Au lieu de prévenir les autorités, les notables locaux décident de faire disparaître ces preuves accablantes de la misère humaine. « Je veux que cette histoire ne soit connue que de nous seuls et que nous l’emportions avec nous au moment de notre mort sans l’avoir racontée à quiconque. » (p. 33) Seul l’Instituteur, nouvellement arrivé sur l’île, s’élève contre cette décision : il veut comprendre d’où venaient les malheureux dont le voyage désespéré s’est achevé aux portes de l’Europe. Il se moque que sa croisade menace un hypothétique projet immobilier de grande envergure dont l’île pourrait bénéficier. Mais le Maire ne l’entend pas de cette oreille et c’est avec un scandale plus grand et une ignominie plus abjecte qu’il tente de masquer son premier forfait. Et ce n’est pas l’arrivée du Commissaire qui arrangera les choses ni rétablira la vérité. Finalement, c’est une vengeance quasi mystique, qui se manifeste d’abord par une puanteur étouffante, puis par un feu purifiant, qui rend justice aux sacrifiés dans une fin apocalyptique. « Maintenant que vous le dites, c’est vrai que ça pue, mais j’ai l’impression que ça vient de vous ! » (p. 128)

Philippe Claudel signe une histoire édifiante, un peu à la manière des contes moraux du 18e siècle. La désignation des personnages par leur fonction et non par des noms, et l’apostrophe liminaire envers le lecteur rendent encore plus troublante cette ressemblance. Le roman s’ouvre par un réquisitoire contre l’homme dont il semble vain d’attendre un changement de comportement. « Vous vous ressemblez tant, sortis du même inaltérable moule. » (p. 5) La voix qui s’élève n’est pas celle d’un narrateur, c’est celle d’une entité insaisissable qui ne croit plus que la bonté peut triompher. Pour elle, l’homme se rend aveugle pour ne pas troubler son confort personnel. « Vous croyez que l’être humain aime qu’on lui montre sa propre laideur dans un miroir ? On ne se voit jamais comme on est, et quand on se découvre, c’est insupportable ! » (p. 122)

Le lien avec Le rapport de Brodeck est évident. Une fois encore, il est question de l’accueil que l’on réserve à l’autre, à l’étranger, à l’impromptu, à l’inattendu. Le roman donne à voir toute l’horreur de la réalité vécue par les migrants, partis de l’Afrique qui n’est séparée de l’Europe que par une mer assassine, mais rendue encore plus lointaine par l’indifférence, voire la haine de ceux qui ne veulent pas accueillir plus malheureux qu’eux. « Réveillez-vous ! Vous pensez pouvoir vivre longtemps en dehors du monde ? Tenez, c’est justement le XXI° siècle qui m’amène. » (p. 70) Une fois encore, les hommes s’attachent à dissimuler la honte indicible, la bêtise crasse et l’égoïsme lourdaud. Mais contrairement au Rapport de Brodeck, j’ai trouvé cette tentative moins mélancolique et plus écœurante, comme si l’espoir avait décidé de ne pas s’engager sur cette voie pavée de mauvaises intentions.

Et toujours, toujours, Philippe Claudel déploie un style poétique, lumineux même au plus fort des ténèbres humaines. « Qu’est-ce que tu veux qu’elles lui disent, les vagues, à part la chanson de l’eau, […] ? La mer, ça ne parle pas. » (p. 46) Pour avoir une vision plus optimiste du sujet, je vous conseille L’opticien de Lampedusa d’Emma-Jane Kirby.

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Samuel le petit T-Rex qui voulait être gentil

Album de Julien Leclercq (texte) et Sandrine Massuger (illustrations).

Samuel n’a pas le comportement classique d’un tyrannosaure : il ne mange pas de viande et il ne veut faire peur à personne. Le spécialosaure conseille à ses parents d’envoyer Samuel dans une école d’herbivores où il trouvera peut-être sa place. Hélas, alors qu’il était la tête de Turc dans son ancienne école de carnivores, ici personne ne veut jouer avec lui, car il fait peur aux autres enfants. Sauf peut-être Imaya, une petite tricératops. « Dès lors, chaque midi, Imaya rejoignait le tyrannosaure. Ils passaient de bons moments ensemble, et Samuel en oubliait qu’il inspirait crainte et méfiance à ses camarades. » (p. 19) La preuve que tout le monde peut s’entendre et que les différences peuvent rapprocher plus que séparer ?

Quand j’ai vu ce titre dans la dernière sélection de Masse critique de Babelio, je n’ai pas pu résister. Entre moi et les T-Rex, c’est une longue histoire d’amour. Et ceux qui disent les T-Rex ont des p’tits bras et ne peuvent pas faire de câlins n’y comprennent rien ! Mais me voilà un peu déçue par cet album : le style est vraiment scolaire, voire vieillot par endroit. L’histoire est jolie, mais peu originale. Du haut de mes 32 ans, j’aime les dinosaures, oui, mais dans le genre, j’ai préféré le texte et les illustrations des albums de Pierre Gemme et Jess Pauwels : Diplo est un héros et Tricé est amoureux.

Cependant, mon avis compte moins que le travail de Yakabooks, la maison d’édition qui a publié ce petit livre. Pour lutter contre l’illettrisme et permettre à chacun d’accéder aux livres, Yakabooks propose tous ses livres au prix unique de 2 €, qu’il s’agisse de petits albums comme celui-ci ou de romans plus conséquents. Voilà l’objectif de cette maison d’édition, et je le trouve louable : « Vous permettre de découvrir de nouveaux auteurs sans risque pour le porte-monnaie, lancer la carrière de plumes talentueuses, supprimer le premier frein d’accès au livre, faire écore des lecteurs et des curieux… C’est notre mission. » Donc, vraiment, oubliez mon avis négatif et faites un tour du côté du catalogue de Yakabooks !

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Potins #21

Joris-Karl Huysmans est un auteur français né en 1848 et décédé en 1907.

POTIN – Son véritable nom est Charles Marie Georges Huysmans.

Lisez : Croquis parisiens, Les sœurs Vatard, Le drageoir aux épices, Marthe, histoire d’une fille, Là-bas, La cathédrale, En rade, En route, Sainte Lydwine de Schiedam, Sac au dos, Rêveries d’un croyant grincheux, À rebours, Écrits sur l’art (1867-1905), La retraite de Monsieur Bougran et tout le reste de son œuvre.

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911

Roman de Shannon Burke.

Quatrième de couverture : Lorsqu’il devient ambulancier dans l’un des quartiers les plus difficiles de New York, Ollie Cross est loin d’imaginer qu’il vient d’entrer dans un monde fait d’horreur, de folie et de mort. Scènes de crime, blessures par balles, crises de manque, violences et détresses, le combat est permanent, l’enfer quotidien. Alors que tous ses collègues semblent au mieux résignés, au pire cyniques face à cette misère omniprésente, Ollie commet une erreur fatale : succomber à l’empathie, à la compassion, faire preuve d’humanité dans un univers inhumain et essayer, dans la mesure de ses moyens, d’aider les victimes auxquelles il a affaire. C’est le début d’une spirale infernale qui le conduira à un geste aux conséquences tragiques. Dans un style viscéral, Shannon Burke prend littéralement le lecteur à la gorge et nous livre un portrait de la condition humaine digne d’Hubert Selby Jr ou de Richard Price.

Ce roman a été proposé par mon club de lectrices (vous me manquez, les filles !!!) D’ordinaire, je suis studieuse, je n’abandonne pas les livres que je dois lire en groupe, c’est plus facile pour en parler. Mais là, j’ai lâché l’affaire en page 20. Le vase a débordé avec la description d’un chien malmené dans la mort. Je le tolère à peine chez Stephen King, mais là, c’était tellement gratuit et insupportable que je n’ai pas voulu aller plus loin. Avant ça, le roman proposait déjà des scènes glauques à souhait. OK, oui, c’est le sujet : il est évident que le récit d’una ambulancier urgentiste à Harlem ne peut pas envoyer des paillettes et des chamallows, mais non, je ne peux pas. Et je ne veux pas. Il y a des romans/œuvres dont on sait qu’ils nous feront plus de mal que de bien : c’est le cas de celui-ci.

En outre, je n’ai éprouvé aucune empathie pour le narrateur et son coéquipier. « Lorsque plus rien n’a de sens, y compris la vie ou la mort d’autrui, vous n’êtes plus qu’à un pas du mal. Et ce putain de pas est terriblement facile à franchir. » (p. 6) Certes, c’est difficile de s’attacher en 20 pages et je ne crois pas au coup de foudre, même littéraire. Mais j’ai lu des romans « médicaux » où il ne faut que quelques paragraphes pour embrasser corps et âme le récit et le parcours du héros. Je vous conseille d’ailleurs La ballade de l’enfant gris qui, comme son auteur, propose une médecine humaine et humaniste. C’est ce que promet la quatrième de couverture, mais je n’ai pas les tripes pour essayer de savoir si c’est vrai. J’aurais aimé comprendre pourquoi le titre original est Black Flies, même si j’ai bien une idée… Bref, je raccroche rapidement 911 et je passe à autre chose. Tant pis, j’écouterai les copines en parler !

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Petite sœur, mon amour

Roman de Joyce Carol Oates.

La petite Bliss Rampike n’a que 6 ans quand elle est retrouvée assassinée dans le sous-sol de sa maison. Qui s’en est pris à cette minuscule star des patinoires, connue dans le pays tout entier pour son talent sur la glace ? Il y avait trop d’admirateurs autour de la fillette. Il y a eu trop d’aveux, trop d’indices, trop de sources anonymes, trop d’incertitude. Neuf ans après le drame, Skyler écrit sur la mort de sa sœur, les années qui ont précédé, les jours qui se sont précipités avant la tragédie, l’odieuse couverture médiatique et la vie après tout ça. Alors qu’il n’avait que 9 ans, le garçon a été soupçonné d’avoir tué sa sœur, par jalousie et par rancœur. Il a toujours clamé qu’il n’y était pour rien et le répète dans son texte. « Faites-moi confiance ! Je jure de ne dire que la vérité telle que je l’ai vécue. » (p. 25) Pourtant, tout porte à croire que Skyler n’est pas digne de confiance : drogué, malade, instable, le jeune homme a bien mal abordé le virage de l’adolescence après l’horreur qui a ébranlé sa famille. De souvenirs mêlés en chronologie malmenée, Skyler tente de rassembler des faits qui expliqueraient – peut-être – pourquoi Bliss a été assassinée. Il nous fait entrer dans l’intimité malsaine de la famille Rampike où le père est un géant adoré et craint et où la mère est aussi frustrée qu’angoissée. Betsey est obsédée par la réussite de ses enfants et par la reconnaissance sociale : elle est prête à tout pour être acceptée dans la bonne société de Fair Hills, et Bliss est le tremplin parfait pour cela. « Populaire ! En Amérique, y a-t-il autre chose qui compte ? » (p. 193) Chaque évènement que raconte Skyler fissure un peu plus le portrait de famille qui se racornit jusqu’à devenir un petit bout de charbon malodorant.

Le lecteur sait le drame avant même d’ouvrir le roman puisque la quatrième de couverture l’annonce sans ambages et que l’intrigue est plus ou moins inspirée de faits réels. Le récit de Skyler nous fait tourner autour de l’assassinat, aller à rebours de cette mort atroce et anticiper la suite. « De ce jour, et pour toujours, ils vécurent tous horriblement et eurent beaucoup de tourments. » (p. 373) Dans ce conte de fées qui tourne au cauchemar, il faut être très attentif aux notes de bas de page dans lesquels Skyler se livre et se raconte sans masque, se voyant lui-même comme une note de bas de page dans l’histoire des Rampike. Ces annotations symbolisent la détresse d’un petit garçon qui a vite compris qu’il était le moins aimé des deux enfants de la famille. Alors, c’est certain, Skyler était délaissé et jaloux, mais surtout profondément malheureux. Et il a porté cette peine pendant des années, car comment vivre encore quand l’enfant chérie n’est plus ? À force de ressassements, de ruminations et de pardons, Skyler saura-t-il laisser tout cela derrière lui ? « Ta sœur est morte. Tu es vivant. Et alors, ensuite ? » (p. 646) Une fois encore, Joyce Carol Oates dresse un portait amer de la famille américaine moyenne et de la société des médias. Elle lance quelques coups de griffe bien acérés contre le business des enfants stars et contre le sacrosaint modèle du self-made-man à qui tout réussit. Ce long roman fend le cœur à plusieurs reprises et interroge habilement les relations au sein d’une fratrie. Chanceuse que je suis d’avoir grandie avec des frangins et des frangines à l’écoute, généreux et heureux !

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Potins #20

Hannah Arendt est une autrice allemande, naturalisée américaine, née en 1906 et décédée en 1975.

POTIN – Arrêtée en 1933 par la Gestapo, elle a été libérée grâce à la sympathie d’un policier. Elle a sans attendre quitté l’Allemagne.

Lisez : Eichmann à Jérusalem et le reste de son œuvre aussi brillante que profondément humaine et humaniste.

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Le chien qui aimait les livres

Album de Bruno Roza (texte) et Antonin Roza (illustrations).

Cette histoire nous est racontée par Bill, le chien de la maison. « Sur le fait que je suis un chien pas comme les autres, il y a un point que je tiens à préciser. Moi, je me sens normal. » (p. 23) Aujourd’hui encore, il reste à la maison avec Jules, son jeune maître, qui souffre de crises d’angoisse en pensant à l’école. Bon, ça signifie qu’il faut partager le lit de Jules avec Cachou, le chat pas très aimable de la maison. Mais surtout, Bill sait que le petit garçon souffre et qu’il essaie d’exprimer sa peine dans la bande dessinée à laquelle il travaille. Dans son histoire, il est plus fort que le gamin qui le maltraite, et lui et tous ses copains peuvent enfin jouer tranquillement dans la cour de récréation. Et finalement, si c’était grâce à ce groupe, et non tout seul, que Jules parvenait à surmonter son angoisse ?

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Gros coup de cœur pour les petits dessins du chien et du chat disséminés dans les pages. Et aussi pour l’humour involontaire du chien qui réagit souvent au premier degré. « Maman était montée sur ses grands chevaux, toujours invisibles pour moi, mais c’est vrai que j’entendais parfaitement la cavalcade. » (p. 65) Voilà un magnifique album qui parle de la brutalité à l’école et de la force de l’amitié. La narration portée par le chien apporte une distanciation naïve sur un sujet grave et permet d’aborder ce dernier avec plus de douceur. C’est une histoire à mettre dans toutes les bibliothèques d’école.

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Potins #19

Jean Genet est un auteur français né en 1910 et décédé en 1986.

POTIN – Il a commis son premier vol à 10 ans.

Lisez : Notre-Dame des Fleurs, Le condamné à mort, Les Bonnes.

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Alice automatique

Roman de Jeff Noon.

À la poursuite du perroquet de sa tante, Alice tombe dans une horloge et passe de 1860 à 1998. Ce qui se passe ensuite ? Alice cherche les pièces manquantes d’un puzzle. Elle parle avec des animaux et d’autres créatures étranges. « La néomonie, c’est une maladie terrible qui mélange animaux et humains en combinaisons nouvelles. » (p. 39) Elle rencontre sa peur jumelle (oui, peur). Elle cherche à comprendre à quoi servent les points de suspension. Mais surtout, elle doit retrouver son histoire pour retourner dans son époque. « Alice, tu es à la fois une personne réelle et un personnage imaginaire et comment tuer l’imagination ? Peut-être y a -t-il un petit moyen pour que ton histoire se poursuive… même si cela impliquerait d’aller à rebours de toutes les règles de la vie, de la mort et de la narration. » (p. 108)

Jeux de mots, glissements de sens et invention lexicale sont au rendez-vous ! Vous rencontrerez Quentin Tarantula et peut-être portera-t-il un pentalon. Un pentalon ? Ben oui, un pantalon à cinq jambes. Mais ce roman n’est pas seulement absurde et étrange, il est aussi stimulant, drôle et provocateur. En témoignent les incises de l’auteur et les devinettes auxquelles il invite le lecteur à réfléchir avant de poursuivre sa lecture. Parce qu’il est parfois très important de se poser un peu pour cogiter… « Le problème, chez toi, Alice, c’est que tu comprends toujours tes actes une fois qu’il est beaucoup trop tard. » (p. 31)

Hommage évident à l’œuvre de Lewis Carroll, que vous croiserez sous son vrai nom dans ce roman, Alice automatique est un plaisir pour les linguistes amateurs, pour les amoureux du classique original et pour tous ceux qui ont des termites dans la tête. J’avais beaucoup aimé Descendre en marche du même auteur. Avec cette nouvelle lecture, je contresigne mon goût pour la SF psychédélique britannique.

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Le pouvoir

Roman de Naomi Alderman.

Les femmes se découvrent un nouveau pouvoir : un fuseau placé sous leur clavicule envoie de l’électricité. Désormais naturellement armées, elles se défendent des hommes, voire les attaquent et les soumettent. « Cette fille est une sorcière ! C’est comme ça qu’une sorcière tue un homme. » (p. 34) Avec cette foudre au bout des doigts, les femmes peuvent détruire, mais aussi protéger et guérir. Elles se constituent en groupes et peu à peu en gouvernement et même en religion. « C’est la Mère et non le Fils qui est l’émissaire des Cieux. Nous devons appeler Dieu « Notre Mère ». Dieu Notre Mère est descendue sur Terre incarnée dans le corps de Marie, qui a renoncé à Son enfant afin de nous libérer du péché. Dieu a toujours dit qu’Elle reviendrait sur Terre. Et Elle est aujourd’hui revenue pour nous enseigner Ses voies. » (p. 108) Évidemment, les hommes refusent ce renversement des forces : ils crient au complot, à la fake news, au terrorisme. Devant ce recul de leur suprématie, ils ripostent, se vengent et font escalader la violence. « Elles nous haïssent tous. Elles veulent notre mort. » (p. 55)

Le parallèle entre ce roman et Sleeping Beauties est inévitable : le pouvoir aux femmes, et gare aux hommes ! Ce roman m’a beaucoup rappelé les épisodes de Buffy contre les vampires, quand toutes les femmes deviennent des potentielles (comprendre des potentielles tueuses de vampires). « Les adolescentes peuvent réveiller ce truc chez les femmes plus âgées. Et elles peuvent se le transmettre. » (p. 88) Avec pertinence, cette fiction souligne le pouvoir de l’image et de la diffusion, mais aussi les dérives de la mémoire et comment l’on manipule l’Histoire.

À la fin de son roman, l’autrice remercie Margaret Atwood pour son soutien, et la filiation entre les deux femmes est évidente. Le pouvoir, c’est un peu un préquel de La servante écarlate avec un renversement des chromosomes X et Y. « Ces filles ne se distinguaient en rien des autres, elles n’étaient ni plus populaires, ni plus drôles, ni plus jolies, ni même plus intelligentes. Si quelque chose les avait réunies, c’est qu’elles étaient celles qui avaient le plus souffert. » (p. 108) Naomi Alderman invente une nouvelle Genèse après un Cataclysme et des millénaires de domination aveugle et brutale. Mais (et c’est un mais tonitruant), je trouve dommage que ce roman soit aussi pessimiste, voire déprimant. Les femmes au pouvoir ne changent rien et elles font aux hommes ce qu’elles ne voulaient pas qu’ils leur fassent. « Le pouvoir de faire mal, c’est la seule chose qui vaille. » (p. 69) Ma déception tient sans doute à mon irrépressible optimisme et à mon espoir de voir émerger un monde sans opposition de genre.

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Potins #18

Ann Radcliffe est une autrice britannique née en 1764 et décédée en 1823.

POTIN – Elle apparait dans une nouvelle d’Edgar Allan Poe, intitulé Le portrait ovale.

Lisez : Les mystères d’Udolphe.

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Sucre noir

Roman de Miguel Bonnefoy.

Dans ce roman, vous trouverez :

  • Une frégate échouée au sommet d’une forêt,
  • Le trésor perdu du capitaine Henry Morgan,
  • Des champs de canne à sucre
  • Une jeune fille rêveuse,
  • Un chercheur d’or,
  • Un couple infertile,
  • Une distillerie de rhum,
  • Une enfant née du feu,
  • Une maisonnette fermée à clé et interdite,
  • La passion, la fièvre, l’embrasement.

Voilà, débrouillez-vous avec ces éléments, je n’en dis pas davantage sur cette aventure époustouflante. Les vies y défilent en un paragraphe, au gré d’un style riche et profond, bringuebalées par une ironie dramatique hautement cruelle. Les destins sont obscurs, fulgurants et amers. Impossible de ne pas penser à l’immense Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Cette filiation dans le réalisme magique est évidente, mais Miguel Bonnefoy ne se laisse pas écraser par le maître du genre. Il crée un univers extraordinaire et archaïque où la modernité pénètre difficilement, où les statues émergent du sol, où l’or se mêle à la végétation et où la mélasse ne colle pas seulement aux doigts, mais aussi aux existences.

Si ces trois extraits ne vous convainquent pas de lire ce roman, c’est à désespérer !

« Maria Dolores annonce qu’elle a noyé son cœur dans un tonneau de rhum. Récompense à qui viendra le boire. » (p. 23)

« La canne à sucre, c’est comme l’espoir. […] Il faut la brûler pour qu’elle repousse avec plus de force. » (p. 51)

« Si les étoiles étaient en or, je creuserais le ciel. » (p. 69)

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Au bonheur des lapins

Album de Marie Nimier et Béatrice Rodriguez.

Pablo est peintre et il crée des tableaux très vivants : les liserons s’échappent du cadre et le lac déborde de la toile. Dans son atelier qui tient à la fois de la chambre d’enfant et de la cabane dans les arbres, il est heureux. Il est encore plus heureux dans son beau jardin qui produit de beaux légumes, notamment du persil. Mais un matin, plus un brin de cette herbe si délicieuse ! Pablo mène l’enquête : c’est la faute d’un lapin ! « Mais pas n’importe quel lapin… Un lapin qui lui tire la langue, un lapin qui lui montre son derrière, bref, un lapin qui se moque de lui. » Pablo est bien décidé à débarrasser son jardin de cette bestiole !

Lapin Toucour a fui la forêt, bien trop dangereuse depuis que les chasseurs l’ont investie. Par chance, il a trouvé un beau jardin doté d’un beau potager, plein de ce persil si tendre dont il est friand. Il y a aussi un homme qui vit à côté du jardin. Il est bien aimable, ce grand bonhomme : il lui donne ses déchets pour en faire du mobilier, il inonde son terrier pour en faire une piscine, etc. Quelle chance il a d’avoir un voisin si accommodant !

Dans quel sens commencer cet album ? Soit par l’histoire de l’homme, soit par l’histoire du lapin, à vous de voir ! Inutile de vous faire un torticolis, retournez le livre à 180° et reprenez votre lecture. Au final, vous lirez la même histoire, mais soit du point de vue de Pablo, soit du point de vue de Lapin Toucour. Ne vous y trompez pas : il n’y a pas un récit négatif ou un récit positif, mais plutôt une convergence des intérêts des deux protagonistes.

Ce très bel album, ludique et inspirant, est un vibrant plaidoyer pour le vivre-ensemble et l’ouverture aux autres qui sont des sources d’inspiration et d’inépuisables ressources pour mener une vie riche et heureuse.

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Potins #43

Michel Zévaco est un auteur français né en 1860 et décédé en 1918.

POTIN – Très virulent dans ses propos parfois anarchistes, il a été arrêté à plusieurs reprises et condamné en 1892 par une cour d’Assise pour avoir déclaré : « Les bourgeois nous tuent par la faim ; volons, tuons, dynamitons, tous les moyens sont bons pour nous débarrasser de cette pourriture. »

Lisez : Les Pardaillan.

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Potins #17

Michel Tournier est un auteur français né en 1924 et décédé en 2016.

POTIN – Il a choisi son épitaphe qui dit ceci : « Je t’ai adorée, tu me l’as rendu au centuple, merci la vie ! ».

Lisez : Gaspar, Melchior et Balthazar, Gilles et Jeanne, Les météores, Éléazar ou la Source et le buisson, La goutte d’or, L’aire du Muguet, Le roi des Aulnes, Le coq de bruyère, Le vol du vampire, Vendredi ou les limbes du Pacifique, Célébrations, Journal extime, Le miroirs des idées, Petites proses, Les fausses fenêtres et tout le reste de son œuvre !

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Entrez dans la danse

Roman de Jean Teulé.

Le 12 juillet 1518, Strasbourg se met à danser. Et ne s’arrête pas pendant des semaines. Personne ne sait d’où vient cette frénésie de mouvement qui s’empare tout autant des pauvres que des bourgeois. Est-ce une épidémie, une malédiction ? Pendant un moment, on en vient à oublier la famine et la menace turque et on ne parle que de ces exaltés qui dansent jusqu’à l’épuisement, puis reviennent sur la place publique pour se trémousser encore et encore. « Celui-là, à terre, ne danse plus. Il est guéri ? / Non, il est mort. » (p. 19) C’est à croire que rien ne sera épargné à la ville : ni les maladies, ni les catastrophes naturelles, ni les scandales d’anthropophagie. « Ah, l’Enfer est ici. L’autre me fait moins peur. » (p. 18) Les religieux, les savants et les astrologues ne savent que faire. Le maitre et l’évêque se refilent le bébé et, dans une querelle où n’auraient pas démérité Peppone et Camillo, ils tentent tout pour que ces foutus Strasbourgeois arrêtent de se déhancher. « Je me demande ce qui pourrait nous sauver et le sentiment de mon impuissance m’écrase. Tout va mal et le niveau risque encore de tomber. » (p. 57)

À partir d’un fait divers que la quatrième de couverture résume tout entier, Jean Teulé reconstruit une époque et y plonge le lecteur. Et toujours avec cette verve et cette langue verte et polissonne qui se foutent de la bienséance. « Strasbourg sans une goutte de bière donne une idée de l’Enfer. » (p. 85) C’est une façon de dépoussiérer l’histoire et de l’épicer un peu. C’est comme ça qu’on aurait aimé l’apprendre à l’école. Franchement moins chiante et carrément plus vivante ! « Cette année ne se révèle pas avare de malheurs de plus en plus dingues… » (p. 23) Et surtout, Entrez dans la danse donne envie d’entrer dans une bibliothèque ou une librairie et de rafler tout ce qui existe sur le sujet. Enfin, même si le rapprochement peut sembler audacieux, ce roman m’a beaucoup rappelé On achève bien les chevaux d’Horace Mac Coy : c’est la même misère hagarde et désespérée qui se retrouve sur la piste de danse. Parce que quitte à crever, autant le faire en tapant des pieds.

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Apostasie

Roman de Vincent Tassy.

Anthelme, jeune homme qui ne trouve pas sa place dans le monde, se réfugie dans une forêt d’arbres rouges, au sein d’un univers magique et enchanté. Il ne la quitte que pour emprunter des dizaines de livres à la bibliothèque. Il découvre un jour un texte qui parle de son abri et rencontre l’auteur de cette œuvre. Il fait enfin la connaissance d’Aphélion, le maître de la Sylve rouge. Dans la tour du sombre château de ce dernier, Anthelme croise des suppliciés qui s’infligent les pires sévices pour que leur plus grand désir soit exaucé. Aphélion, être éblouissant assoiffé de sang, lui raconte la déchirante histoire d’Apostasie dont les parents se sont détruits à force de mensonges et de vengeance. Envoûté par ce récit, Anthelme décide de partir à la recherche de cette princesse parfaite qui hante désormais ses rêves. « Trouver Apostasie, ce serait plus beau que la plus belle de toutes les vies après la mort, et je ne voulais pas sombrer sans y avoir goûté. » (p. 265)

J’aime les textes riches, l’invention lexicale et les termes désuets – en témoigne mon admiration pour Joris-Karl Huysmans –, mais encore faut-il que cela fasse sens, que ce ne soit pas un artifice ou une posture. Ici, il y a trop d’adjectifs : cette qualification outrancière pourrait être baroque ou maniériste, mais elle n’est que confuse et étouffante. Un exemple pour que vous vous fassiez une idée : « Curieusement, je pus contempler son reflet sans souffrir d’étourdissement. Il avait la beauté d’une oréade morte ; quelque chose en lui me glaçait. Était-ce la luisance vénéneuse dans ses yeux effilés, ou le rouge sang de ses lèvres minuscules, ou les fuseaux de ses pommettes aiguilleuses ? Tout cela à la fois. Son visage comme une harmonie d’épines. » (p. 61) Si ce style vous plaît, jetez-vous sur le roman, il devrait vous convenir. Autre point : j’aime que les personnages d’un roman aient des noms originaux. Cela permet de bien les différencier et de s’en souvenir. Ici, Vincent Tassy nous sert la crème de la crème des prénoms oubliés et il n’hésite pas à transformer des noms communs en noms propres. Soit, pourquoi pas. Mais il est bien de connaître le sens véritable du terme avant d’en affubler un personnage. Ainsi, si vous décidez de lire ce roman, ayez bien en tête la définition d’apostasie…

La quatrième de couverture m’avait attirée parce qu’elle promettait un monde de livres et une éventuelle réécriture du mythe du vampire. Déception sur les deux tableaux ! Le roman est un mélange confus et mal référencé de sujets mythologiques et bibliques et de contes de fées. Il y a bien des livres mentionnés, mais plutôt qu’intégrés au récit, ils sont égrenés dans des listes indigestes, comme la bibliothèque vaniteuse d’une personne qui dirait qu’elle a beaucoup lu, ou qui voudrait le faire croire. Quant au vampire, rien de très neuf sous le pare-soleil : il est simplement cet être étrangement fascinant, doté d’une beauté bizarre et inquiétante, peut-être vaguement plus pervers que chez Stoker et moins niais que chez Meyer. En gros, un vampire qui aurait lu Sade et qui aimerait le porno un peu trash, mais sur un lit de satin. Il est beaucoup question d’amours tragiques, maudites, interdites et malheureuses, mais elles ne sont que fantasmées et l’érotisme est complètement vicié. L’esthétique de la mort et de la torture n’étant pas ma tasse de sang de thé, il me semble que ce conte gothique et sanguinolent ravira surtout les amateurs de fantasy dark, d’ésotérisme torturé et de mysticisme sombre.

Pourquoi ai-je lu ce roman jusqu’au bout, moi qui ne m’entête pas quand un texte ne me convient pas ? J’ai été bloquée 3 heures dans une salle d’attente, avec un téléphone déchargé et aucun autre moyen d’occuper mon temps. Sans cela, j’aurais lâché page 40… Mais au moins, je peux fournir une critique aux petits oignons et aux gousses d’ail !

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Potins #16

Joyce Carol Oates est une autrice américaine née en 1938.

POTINS – En plus de son nom officiel, elle publie sous les pseudonymes de Rosamond Smith et Lauren Kelly.

Lisez : Tous ses textes !

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La ballade de l’enfant gris

Roman de Baptiste Beaulieu.

Jo’ est interne en médecine. No’ est un petit garçon malade qui ne comprend pas pourquoi sa maman ne vient pas le voir plus souvent à l’hôpital. Puis vient le drame et No’ n’est plus. Mais il se fait fantôme et s’attache à Jo’ qui, pour s’en débarrasser et lui rendre sa liberté, doit le rendre à sa mère. Mère qu’il faut donc retrouver, quelque part entre Rome et Jérusalem, avec pour seul indice un carnet où ce qu’elle révèle ne suffit pas à combler les silences.

Dès les premières pages, je me suis attachée aux pas de Jo’, brillant interne au cœur trop tendre pour s’endurcir devant la souffrance d’un môme et l’absence d’une mère. Quand il quitte tout – petite amie, travail, famille, pays – pour suivre la génitrice insaisissable, il part aussi à la rencontre de lui-même. En racontant l’avant et l’après, le narrateur suspend souvent le récit : ce n’est pas tant pour ménager le suspens que pour préparer le cœur du lecteur à encaisser ce qui va suivre et pour laisser à Jo’ le temps de souffler et d’encaisser, lui aussi, ce trop-plein de chagrin et d’émotion. Car oui, quoi de plus intolérable que la mort d’un enfant ? Par tous les moyens, on essaie de se soustraire à cette réalité noire.

Baptiste Beaulieu interroge avec délicatesse le mystère de la maternité, comment l’on devient mère, comment on choisit de l’être et comment on le reste. Ponctué de clichés pris par Jo’ et qui représentent No’, enfant qu’il est désormais le seul à voir, le texte navigue entre passé et présent : il se rapproche et s’éloigne d’un terrible évènement, d’une déchirure insupportable.

La ballade de l’enfant gris est un roman est frais et vif comme un bonbon qui pique, mais aussi âcre comme le bruit des ongles sur un tableau. C’est un texte qui parle d’amour, de toutes les amours, heureuses et malheureuses, et des trahisons qu’on juxtapose aux beaux sentiments. « C’est terrible, les amours qui auraient pu avoir lieu. Rien n’est pire dans la vie. Il n’y a pas d’autres douleurs. » (p. 176) C’est le genre d’histoire qui, bien que déchirante, réchauffe le cœur et l’arrose pour y faire pousser les fleurs du pardon et de la tolérance. À lire et à faire lire !

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Les rêveurs

Texte d’Isabelle Carré.

La narratrice/autrice raconte sa mère et son indignité de fille-mère dans les années 60 et dans une famille aristocrate très à cheval sur les apparences. Elle raconte son père, issu d’un milieu modeste et étudiant aux Beaux-Arts qui est tombé sous le charme de cette femme fragile et perdue. « Il l’a prise en main, les a portés, elle et son enfant. Je sais combien cet homme a changé le cours des choses, a transformé sa vie, ses connaissances, puis modifié ses désirs et ses habitudes, de quelle façon il a bouleversé son regard sur le monde, sa façon d’être au monde. » (p. 22) Elle raconte son enfance dans la maison rouge, les ambiances différentes entre les maisons des grands-parents maternels et paternels, les jeux et les gamineries si délicieuses. « Notre univers avait la texture d’un rêve, oui, une enfance rêvée, plutôt qu’une enfance de rêve. » (p. 47) Car derrière la portrait idéal d’une tribu joyeuse et un peu bohème, il y a des fêlures, des secrets, des mensonges, comme dans toutes les familles en définitive. Dans la famille Carré, il y a du refoulement, des appétences pour le suicide et de l’autodestruction. « Je me suis demandé si ça valait la peine. C’est long, interminable. Est-ce qu’on va continuer comme ça longtemps ? C’est si vide. Tellement vide que j’ai eu envie de sortir de là. » (p. 91) La suite ? Elle reste à vivre.

C’est tout le talent d’Isabelle Carré, actrice lumineuse dans chacune de ses incarnations, de me faire apprécier sa douce autofiction, moi qui abomine ce genre. On ressent toute la bienveillance tendre et l’indulgence un peu agacée qu’elle a envers les errances de ses parents, mais aussi envers ses propres démons. « Pourquoi désire-t-on par-dessus tout l’inaccessible ? » (p. 162) Elle parle de sa famille pour parler d’elle, en une façon pudique de se présenter sans prendre toute la lumière. Au terme de son récit familial, elle interroge le besoin d’écrire et la pulsion de se raconter dans la fiction. Les rêveurs est un texte délicat sans être niais, brutal sans être agressif, lucide sans être accusateur. C’est la mise en mots d’une prise de conscience lente, sans doute douloureuse, mais salvatrice puisque créatrice de beauté.

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Sleeping Beauties

Roman de Stephen et Owen King.

Partout dans le monde, les femmes s’endorment et ne se réveillent plus. Elles ne meurent pas, mais sont entourées d’un cocon, comme des chrysalides, dont il est bien dangereux de vouloir les délivrer. Les médias appellent cette terrifiante épidémie de sommeil Aurora. Seule Evie s’endort et se réveille à sa guise. Cette jeune femme sortie de nulle part parle en outre aux animaux et semble venir de plus loin que le temps. Où vont les femmes qui s’endorment ? Que va-t-il advenir des hommes, du monde ? Il semble en tout cas que tout converge vers la prison de Dooling, dans les Appalaches.

Je n’en dis pas plus et je ne donne aucun nom de personnage, hormis celui d’Evie. Sachez que vous croiserez aussi un renard, un tigre blanc, un paon majestueux et un serpent rouge. Vous aurez bien le temps de faire connaissance avec tout le monde pendant les 720 pages de roman écrit à quatre mains. On sent surtout la patte de Stephen King, surtout quand comme moi – et comme de nombreux autres fans –, on a quasiment lu toute la production du bonhomme. Il est bien difficile de savoir quelles sont les contributions respectives de papa et de fiston King. Cependant, il y a des maladresses qui sont tristement dignes d’un premier roman : à se demander si le môme n’a pas écrit la majorité du bouquin en pastichant le style de son paternel et si le daron n’est pas juste passé derrière en signant de son prénom pour assurer une bonne reconnaissance au bouquin. Mais on s’en fout un peu, finalement : on tient entre les mains un assez bon bouquin, même s’il compte quelque 200 pages en trop. Mais il est comme ça le King, il ne sait pas faire court quand il n’écrit pas de nouvelles. Et il ne sait pas non plus résister à l’envie de supplicier des animaux : lapins, chat et chien, on a un beau panel de bestioles en souffrance ici !

Ce roman féministe – n’ayons pas peur des mots – m’a beaucoup rappelé d’autres textes du King, notamment Jessie, Dolores Claiborne et Rose Madder, où des femmes se battent pour leur survie face aux hommes ou au pouvoir masculin. Dans Sleeping Beauties, King père et fils opposent les principes féminins et masculins, mais sans en rendre un tout blanc et l’autre tout noir. Il y a des pommes pourries et des pommes d’or dans les deux paniers. La conclusion du roman est pleine d’espoir, mais aussi de fêlures. Rome ne s’est pas faite en un jour et il faut de la patience pour extirper certaines mauvaises habitudes. Mais mais mais… parce qu’il y a des mais. Déjà, comme je l’ai dit : des maladresses et des longueurs. Et surtout un propos qui appuie trop lourdement sur la culpabilité des hommes et qui verse un peu dans l’angélisme. Oui, les King, on a compris : on sait que vous avez conscience du problème et que vous êtes du côté des femmes. Dommage que votre roman surfe sur vague Weinstein au lieu de s’y attaquer de front.

Je vous laisse avec plusieurs extraits de ce roman doucement horrifique. Pensez-y si vous êtes une femme : accepteriez-vous de vous endormir si ça signifie que vous serez séparées de tous les hommes de votre vie ? Et pensez-y vous êtes un homme : que vous inspirent ces femmes endormies toutes prêtes à vous déchirer en morceaux si vous essayez de les réveiller ?

« Parmi les détenues du centre pénitentiaire de Dooling, les histoires de gagnantes étaient rares, pour ne pas dire plus. Par contre, il y avait un tas d’histoires de sales types. » (p. 13)

« Messieurs, qu’en sera-t-il de la race humaine dans cinquante ans, si les femmes ne se réveillent pas ? Et dans cent ans ? » (p. 351)

« J’ignore quelles expériences vous avez eues avec les hommes. Tragiques, j’imagine. Mais quoi que vous pensiez, sachez que la plupart des hommes ne veulent pas tuer des femmes. / Nous verrons bien, n’est-ce pas ? » (p. 371)

« Un monde recrée par des femmes avait une chance d’être plus sûr et plus juste. Et pourtant… » (p. 504)

« Ne redis jamais ça. / Quoi donc ? / Gonzesse, pour dire faible. Ta mère aurait dû t’apprendre qu’on ne fait pas ça. » (p. 629)

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Potins #15

Romain Gary est un auteur français né en 1914 et décédé en 1980.

POTIN – Apprenant la liaison de son épouse, Jean Seberg, avec Clint Eastwood, il a provoqué l’acteur dans un duel au revolver.

J’ai beaucoup lu de cet auteur, mais je n’aime pas grand-chose (mais c’est une autre histoire…). Je vous recommande cependant Chien blanc qui m’émeut aux larmes à chaque relecture.

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La trilogie du dernier homme

Tome 1 : Le dernier homme – Tome 2 : Le temps du déluge – Tome 3 : Maddaddam

J’ai un peu peiné au démarrage, mais je suis ravie d’avoir lu cette trilogie post-apocalyptique qui explore de nombreux thèmes bibliques (entre autres, évidemment !). Margaret Atwood invente une nouvelle Genèse, imagine de nouvelles Sodome et Gomorrhe et déclenche un nouveau déluge. Pas de doute, la face du monde en est bouleversée ! Il me tarde de voir l’adaptation série annoncée pour très bientôt et de retrouver les personnages emblématiques de cette trilogie.

Avec cette lecture, je signe une nouvelle participation au Défi des 1000 de Fattore : 376  + 465 + 426 = 1267 pages.

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