Billevesée #116

Venise est une ville italienne renommée pour ses canaux et ses merveilles architecturales. Difficile alors d’imaginer que les premières pierres de cette magnifique cité ont été posées, selon la légende, par les troupes d’Attila le Hun, ce conquérant renommé pour sa capacité à désherber définitivement les terres où il posait le pied.

Alors, billevesée ?

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L’invention de nos vies

Roman de Karine Tuil.

Samir Tahar, fils d’immigrés tunisiens, a quitté la France pour satisfaire ses ambitions aux États-Unis. À New York, il a tout : une brillante carrière d’avocat, une épouse influente et de beaux enfants, une vie riche et parfaite. Mais son succès repose sur une mystification. « Personne ne me connaît. Si un jour, quelqu’un prétend le contraire, ne le crois pas. » (p. 216) Son identité de juif français expatrié, il l’a composée en l’empruntant à Samuel, son ami de la faculté, désormais écrivain raté qui végète dans une banlieue française. « Mais il pouvait bien inventer sa biographie, ce ne serait jamais la sienne. Il s’était composé un personnage comme un auteur crée sont double narratif. » (p. 115) Aux côtés de Samuel, il y a Nina qui avait choisi le faible au lieu du conquérant. Vingt ans plus tard, vingt ans trop tard, Nina peut-elle choisir Samir ? Qu’adviendra-t-il de ce triangle amoureux quand les masques tomberont ? Il est inévitable que ces trois existences incertaines explosent sous les coups de boutoir d’une vérité qui veut se faire entendre.

Comment vivre avec une identité malmenée et déconstruite, en tentant vainement d’échapper à un passé douloureux et honteux ? Est-il vraiment possible de s’inventer un avenir en reconstruisant son passé ? Karine Tuil malmène ses personnages en menant une réflexion identitaire qui refuse les mensonges et les faux-semblants. Sa plume est souvent effrénée : en témoignent les listes de mots concaténés qui émaillent ses pages. Cette exhaustivité systématique est un refus de choisir dans une volonté de tout dire qui échoue devant l’absence d’un mot unique qui incarnerait tous les synonymes et leurs antonymes. Ces listes sont à l’image des personnages qui ne peuvent pas être tout et son contraire. J’ai beaucoup apprécié les notes de bas de page qui présentent des personnages que l’on ne croise que sur une ligne : ces biographies sont à l’imparfait, à l’image de leurs vies rêvées et de leurs espoirs déçus. L’invention de nos vies est un roman bien mené et bien écrit : si j’ai moins apprécié les cent dernières pages, j’ai passé un excellent moment de lecture aux côtés de Samir, Samuel et Nina.

Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.

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Le bataillon créole (Guerre de 1914-1918)

Roman de Raphaël Confiant.

La guerre de 14-18 a décimé la France. Ses tranchées ont ravagé le ventre de la Somme. Ses batailles ont défiguré les soldats et constitué de tristes escadrons de gueules cassées. Oui, les Français ont souffert au plus profond de cet affrontement contre l’ennemi allemand. Mais pour certains Français, la Première Guerre mondiale était bien lointaine. Ce fut le cas des Martiniquais enrôlés dans le bataillon créole. Ces Antillais qui n’avaient jamais eu froid ont connu Verdun et les trous d’obus sous la neige. La Martinique est un petit bout de France qui n’a pas souffert dans sa terre, mais qui fut meurtri dans sa chair, de la Marne aux Dardanelles. « Et l’on avait surtout payé l’impôt du sang ! » (p. 289) Pour les familles restées sur l’île, l’incompréhension règne devant ce qui se passe « Là-bas », sur cette terre qu’ils n’appellent pas la France puisque la France, c’est aussi leur île. Après la guerre, la statue du Soldat inconnu nègre sera un piètre réconfort pour les mères, les épouses et les sœurs qui n’ont jamais pu inhumer leurs défunts, à jamais perdus dans le grand labour de la guerre. « Je trouve stupide l’attitude de tous ces Grands-Ansois […], qui campent au pied de la statue du Soldat inconnu nègre dans l’espoir que ce dernier leur révélera ce qu’il est advenu de l’être cher qu’ils ont perdu sur le champ de bataille. » (p. 106)

Le créole, comme le québécois, sont deux langues qui me fascinent : issues du français, mais nourries de régionalismes et d’une pensée différente de celle de la métropole, elles proposent des termes et des expressions que l’on comprend sans les connaître pour un peu qu’on se donne la peine de mettre ses pas dans les mots de nos cousins éloignés. Comment ne pas comprendre que les poilus créoles voulaient prendre la discampette quand résonnaient les canonnades de la grosse Bertha ? Pourquoi les Antillais ont-ils répondu à la conscription ? « Il a pu constater que nous étions nous animés d’un sentiment commun : nous comporter en braves et rehausser l’honneur de la Martinique. » (p. 170) Fallait-il qu’ils se sentent indéfectiblement Français pour se présenter sous les drapeaux et accepter d’essuyer le feu ennemi ! « Si les Blancs nous considéraient vraiment comme des zéros devant un chiffre, pourquoi feraient-ils appel à nous pour défendre la patrie ? » (p. 18) Autant je connaissais l’histoire des tirailleurs sénégalais, autant celle du bataillon créole m’était inconnue. J’ai aimé cette histoire qui mêle deux types de récits : d’une part, ceux des iliens, principalement des femmes, qui pleurent leurs disparus ; d’autre part, ceux des soldats au front ou rapatriés. Le roman se découpe en cinq cercles qui m’ont rappelé ceux de La divine comédie de Dante, si ce n’est que, dans le texte de Raphaël Confiant, il n’y a que l’enfer, sans rédemption ni paradis. En revanche, il y a le souvenir et il n’est pas prêt de pâlir grâce à cet hommage émouvant adressé au bataillon créole dont l’hymne résonne encore.

Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.

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Éloge du chat

Texte de Stéphanie Hochet. À paraître le 2 avril 2014.

Le chat est entré dans nos maisons depuis des siècles, mais il n’est pas vraiment domestiqué. « Le chat n’a pas peur des paradoxes. Il est un paradoxe, il n’y qu’à regarder son corps. » (p. 25) Attention, vous qui logez un chat, vous hébergez un fauve à demi-sauvage qui ne tolère votre présence et ne vous laisse la peau sauve que parce que vous le nourrissez. Si possible à heures fixes. « Quelque chose chez le chat fait de lui un être naturellement dominant. » (p. 28)

Le chat règne sur nos cœurs d’humain en mal de beauté et de pouvoir. « Le félin nous apprend que la vraie flexibilité est une qualité triomphante qui lui permet d’être par ailleurs paresseux, jouisseur, voluptueux… » (p. 34) Mais si nous aimons le chat, c’est aussi, simplement, irrémédiablement, parce qu’il a conquis nos cœurs et qu’à sa manière si particulière, il nous aime. « Nous le gardons près de nous pour le bonheur qu’il nous donne. Pour l’amour. Le chat est amour. » (p. 92)

Stéphanie Hochet parle avec tendresse de ce fauve apprivoisé qu’est le chat. Son texte est un hommage aux textes qui ont célébré le greffier et aux films qui ont immortalisé Rominagrobis. Le chat est une icône de mode qui griffe les clichés et balaie les conventions d’un coup de queue rageur, mais distingué. Le texte de Stéphanie Hochet est fin et intelligent, comme un chat.

J’ai lu cette courte réflexion féline le sourire aux lèvres. À chaque situation, je voyais ma minette, mon adorable Bowie que j’aime tant, qui parfois m’exaspère, mais toujours m’attendrit et me chavire. Ma minette est belle. Elle est gracieuse. Elle est aussi rondouillarde, mais elle est sublime. « Le gros chat n’est pas n’importe quel gros. Si le gros chien ou l’homme gras nous paraissent sympathiques et nous attendrissent, le chat enveloppé inspire la crainte révérencieuse. » (p. 67) Si je croyais à la réincarnation, je prierais pour revenir sous la forme d’un chat.

Ce livre et moi étions félins pour l’autre !

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Billevesée #115

Dans la mythologie nordique et le folklore scandinave, le troll est un géant rarement aimable, souvent dangereux et belliqueux. Il représente les forces primaires de la nature et s’oppose aux dieux et aux hommes.

Sur Internet, le troll est un internaute qui, sur des sites communautaires ou des forums, se plaît à polluer un fil de discussion et à semer la discorde en publiant des messages provocateurs, polémiques, de mauvaise foi, voire insultants. Il représente les forces primaires de la crétinerie humaine et s’oppose aux discussions respectueuses et constructives.

Ces deux personnages sont donc à fuir comme la peste ! (Non, bien sûr, je ne vise personne…)

Alors, billevesée ?

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Monie

Roman de Chantal Metzger-Roca. Illustrations de Danaë Thomas.

Au premier regard, Monie tombe éperdument amoureuse de son nouveau voisin. Mais celui-ci, dépressif et malade, refuse les contacts avec le monde. « Quelqu’un vous aime et ce quelqu’un c’est moi. Joli message, belle envolée mais, en retour, rien que de lointains sourires tristes. »  (p. 21) Quand il meurt, il laisse Monie seule avec ses sentiments inavoués et une tristesse qui pèse de plus en plus lourd. Peu à peu, elle se laisse à son tour glisser dans la dépression. Saura-t-elle revenir au monde et ne pas repousser les mains tendues et les coeurs ouverts de ses amis ?

Au début, cette histoire n’était pas désagréable, mais l’agacement a pris le pas sur la bienveillance. L’auteure a un phrasé et un style qui seraient tolérables dans un premier roman ou un roman de jeunesse, mais ce n’est pas le cas de Monie. À mesure que les pages défilaient, j’avais de plus en plus l’impression de lire les brouillons d’une adolescente qui se piquerait d’écriture. Voilà une phrase qui démontre typiquement ce sentiment de lire un journal intime illustré de cœurs percés de flèches : « Les seules choses qui me tiennent chaud désormais sont mes larmes quand je ne peux plus les retenir. » (p. 50)

L’auteure prête à son personnage narrateur un tic horripilant qui consiste à accumuler les tentatives d’exprimer une chose. Nous sommes hélas loin de l’épanorthose chère aux auteurs du nouveau roman : j’y vois plutôt le signe d’une pensée inaboutie et d’une plume mal assurée. Les phrases enchaînent les formules attendues et les métaphores éculées, le tout dans une écriture convenue servie par une langue emphatique. Quant aux illustrations, elles sont à l’image du texte : ce sont des aquarelles pleureuses qui, à force de vouloir faire vibrer la corde sensible, la font rompre sous le coup de l’exaspération.

Je suis fleur bleue, mais je n’aime pas le romantisme à deux sous, ni l’idée qu’une femme peut sauver un homme par la seule force de son amour. Cela vaut également pour l’amitié : les amis sont une force, mais pas une sinécure. C’est à chacun de se sauver lui-même. Pour moi, Monie est niais, mièvre, écœurant de bons sentiments et bourré de clichés. J’ai conscience que mon avis est dur, mais je suis incapable de complaisance envers un livre reçu en service de presse. Dernière chose : le regard porté sur la Bretagne est bien trop fantasmé et romantique à mon goût. Ce texte plaira peut-être aux adolescentes qui rêvent de héros sombres et échevelés.

Pour terminer, deux phrases qui illustrent ce que je reproche à ce roman.

« Il faut savoir soulever, de temps en temps, les voiles que la nostalgie a posés sur le passé pour mieux appréhender les inconnus que nos lendemains présagent. » (p. 46)

« Dans la souffrance de mon inconséquence, je me cache au fond du lit pour laisser couler mes larmes d’amertume. » (p. 101)

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Fleur de tonnerre

Roman de Jean Teulé.

Hélène Jégado, dite Fleur de tonnerre, a empoisonné des centaines de personnes tout au long de sa vie. Elle a commencé par sa famille et a étendu ses talents de meurtrière aux personnes chez qui elle s’engageait comme cuisinière. « Malheur à tous ceux qui ouvrent leur porte à sa carrière de mort. » (p. 147) Maniant la belladone et l’arsenic avec autant de talent que le sucre et le beurre, elle confectionnait de délicieux potages aux herbes et des gâteaux à se damner. Oui, sa cuisine est une tuerie. Sous le tablier de la cuisinière se cache une bouchère qui ne se salit jamais les mains. Fleur de tonnerre tue comme elle respire. « Ne faisant aucune distinction, elle empoisonne comme par distraction ainsi que si elle lançait des graines aux pigeons. » (p. 202)

Pétrie de légendes celtiques, de peurs ancestrales et de traditions druidiques, Hélène s’identifie à l’Ankou, incarnation bretonne de la mort qui traîne sa charrette sur les routes : quiconque entend le grincement de son essieu est voué à mourir dans la nuit. Gare à celui qui entend Hélène remuer ses casseroles ! Jean Teulé aime les figures que l’on a conspuées. Après le très licencieux Je, François Villon et le féroce Montespan, il a ouvert ses pages à une criminelle dont la Bretagne ne sait pas vraiment si elle doit s’en honorer ou s’en blâmer. Comme toujours, la plume est vive, drôle, crue quand il faut l’être et poétique quand on s’y attend le moins. C’est avec un plaisir non boudé que j’ai dégusté ce roman qui m’a promenée sur les routes bretonnes, entre les pierres levées qui dissimulent encore leurs secrets.

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L’énigme du fils de Kafka

Roman de Curt Leviant.

Le narrateur a grandi sous l’égide de deux monstres sacrés : Danny Kayes d’une part, Franz Kafka d’autre part. Ses deux maîtres, ses deux K. Le premier est un acteur comique qui a enchanté Hollywood et le monde pendant des décennies. Le second est le héros de Prague, figure romantique aux amours impossibles, mort sans enfant et qui continue de fasciner des années après sa disparition. Et si malgré tout, Kafka avait eu un fils ? C’est sur la base de cette piste folle que le narrateur, cinéaste de son état, décide de se rendre à Prague pour réaliser un documentaire sur les Juifs de cette ville et sur cet auteur énigmatique. Entre l’Altneushul, la vénérable et presque millénaire synagogue pragoise, et le musée Kafka, le narrateur suit la trace du fils de l’auteur de La métamorphose. « Quand on revendique une telle filiation, il faut la prouver. » (p. 91) Il croise une belle fille au béret bleu qui ne cesse de disparaître, l’incarnation du golem, un homme qui prétend être plus jeune que son fils et un grenier qui existe et n’existe pas en même temps. Et surtout, il touche du doigt une révélation qui pourrait bouleverser le monde des lettres, voire le monde tout court. Avec son œil-caméra qui accumule les séquences, le narrateur est peut-être à deux doigts de cramer la pellicule avec un sujet trop brûlant.

Tout est possible dans un univers kafkaïen. Gardez cela en mémoire quand vous ouvrirez la merveille que constitue L’énigme du fils de Kafka. Vous pensez que le titre dit tout ? Pensez-le si vous voulez… « Que ceux qui meurent d’envie de savoir ce qui est arrivé à la fille au béret bleu passent directement au chapitre 12. Mais surtout, n’oubliez pas de revenir au chapitre 11. Sinon, vous manquerez une surprise de taille. » (p. 171) Ce texte est un roman labyrinthe, une histoire à clés, une machine à multiplier les mystères. Est-ce un rêve ? Un fantasme ? Un délire ? Ne cherchez pas à résoudre les disparitions des personnages : cette évanescence humaine est nécessaire et elle ne vous regarde pas. Concentrez-vous sur K, sur le cas de K. Oui, vous rirez devant les dialogues absurdes qui s’échangent. « Vous avoir visions, monsieur. Besoin lunettes. / Figurez-vous que j’en ai des lunettes. / Alors retirer lunettes. » (p. 59 & 60) Oui, vous n’aurez de cesse de vous demander qui est qui et qui est quand. Et surtout, vous vous demanderez cent fois qui est l’auteur du roman que vous êtes en train de lire. Cette question obsédante est fondamentale. Demandez-vous si, finalement, vous n’êtes pas l’auteur de la fantasmagorie qui se déroule sous vos yeux, si vous n’êtes pas responsable de ce micmac pragois. Pour une fois, osez croire ce que vous voyez et cessez de demander pourquoi.

De Curt Leviant, j’ai déjà passionnément aimé Journal d’une femme adultère.

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Billevesée #114

La semaine passée, je vous parlais d’une gourmandise. Ce n’est pas la première fois. Mais je suis sage : les sucreries oui, les caries non. Je ne suis pas loin d’être toquée du dentifrice. Jamais je ne sortirais de chez moi sans m’être colgaté les chromes et jamais je ne coucherais sans avoir nettoyé ma devanture !

La première mention du dentifrice est attestée dans un manuscrit égyptien du quatrième siècle avant Jésus-Christ. Il s’agissait d’un mélange de sel, de poivre, de feuille de menthe et de fleurs d’iris. À travers les époques, les hommes se sont brossés les dents avec des dentifrices secs à base de minéraux réduits en poudre (pierre ponce, sel et alun), de produits animaux écrasés (coquille d’œuf, d’escargot ou de crustacé, corne de cerf, os de sèche et corail), de végétaux séchés et broyés (racines et feuilles). Les dentifrices humides, ou pâtes de dentifrices, ne devinrent populaires qu’après la Première Guerre mondiale.

Alors, billevesée ?

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Tobie des marais

Roman de Sylvie Germain.

Dans la région du marais poitevin, la vie du petit Tobie bascule le jour où sa mère est décapitée et où son père en devient fou de douleur. Élevé par Deborah, son arrière-grand-mère qui a traversé l’Europe, il est convaincu que sa famille est maudite. En effet, l’histoire de sa famille est marquée de disparitions extraordinaires : les morts sont des évanouissements et les corps ne reposent que dans les mémoires. « Mais comment se battre avec le vide, avec l’absence, avec l’absolu du malheur ? » (p. 97) Devenu adulte, Tobie est envoyé recouvrer une dette. Accompagné de Raphaël, étrange compagnon fait d’éternité, il rencontre Sarra, une femme si belle que sept hommes sont morts par elle, si belle qu’elle se cache du jour et des hommes. « N’aura-t-il d’autre destin que celui d’un fils orphelin de mère, mutilé en sa mère, d’un fils de pitié pour son père naufragé ? N’aura-t-il d’autre destin que celui d’un homme par avance fatigué et meurtri ? » (p. 180) Mais grâce à l’amitié et à l’amour, Tobie brise les sceaux du malheur qui pèsent sur sa famille et la sauve des marais qui tentaient de l’engloutir, ces marais aussi puissants que des sortilèges convoqués par de mauvais anges.

Le récit de la délivrance de Tobie et des siens est un bijou. Sylvie Germain exploite une référence biblique avec une véritable maîtrise de l’intertextualité. Son roman célèbre le langage, son pouvoir et ses beautés. « Il est arrivé à Tobie de sentir le souffle immense du langage lui frôler le cœur, le lui faire chavirer, ou du moins tressaillir au bord extrême d’un à-pic, entre extase et désastre. » (p. 151) Au fil des pages, je me suis souvent trouvée comme Tobie, bouleversée par un mot ou une inflexion de phrase. Et comme souvent dans les textes de Sylvie Germain, le merveilleux n’est jamais loin : il suffirait d’un rien pour y basculer. C’est tout le talent et l’intelligence de cette auteure de ne pas laisser le récit lui échapper, mais de laisser planer le doute.

Tobie des marais rejoint Le livre des nuits et Jours de colère dans mon palmarès des romans de Sylvie Germain. Encore un grand roman et une sublime histoire !

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Didou aime son pot

Album d’Yves Got.

Allez Didou, c’est l’heure d’aller sur le pot ! Mais ce n’est pas toujours facile d’y faire ce qu’il faut y faire. Alors, en attendant, Didou joue sur son pot. « Vite, les pompiers : dressez la grande échelle ! » Mais on ne peut rien contre la nature : parfois, il faut remettre à plus tard. Ce n’est pas grave, le pot sera toujours là quand tu auras envie, Didou !

Étrange petite histoire… Je sais bien qu’il faut parler de tout avec les enfants et ne pas mettre de tabous sur les choses du corps, mais je trouve l’approche de la constipation plutôt ridicule ici. Cela méritait-il vraiment un album, même avec un lapin ? Attention, ne vous méprenez pas, je ne demande pas le retrait de ce livre des bibliothèques pour enfants ! Je m’interroge seulement sur l’utilité de cette histoire. Elle est très certainement drôle et fera rire les jeunes lecteurs, mais je la trouve assez niaise. Allez, on va dire que je n’ai plus l’âge qu’on me parle de ce sujet de cette manière ! Bon, où sont mes pruneaux ?

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Un vent de cendres

Roman de Sandrine Collette.

Camille et son frère Malo partent faire les vendanges en Champagne, sur le domaine de Vaux. L’exploitation appartient à Andreas, qui vit reclus dans sa folie depuis un terrible accident de voiture, et elle est gérée par Octave, gravement défiguré par le même accident. Pour les deux hommes meurtris, Camille est un fantôme tant elle ressemble à la femme qu’ils ont perdue.  Immédiatement, Malo voit d’un mauvais œil l’attention morbide qu’Octave porte à sa jeune sœur, « ce regard avide et dérangeant qu’elle cherche en même temps qu’il l’intimide, […], et  qui la dévore. » (p. 85) Après une terrible dispute, Malo disparait. Camille est persuadée qu’il lui est arrivé malheur et qu’Andreas ou Octave sont responsables de sa disparition. Son entêtement à retrouver son frère l’entraîne hélas dans des entreprises de plus en plus dangereuses. Cours, jolie Camille, le monstre n’est pas loin.

Dans son second roman, Sandrine Collette traite l’horreur sur un mode différent de son premier opus. Des nœuds d’acier plongeait le lecteur dans la terreur de la claustration et l’humiliation permanente. Ici, la peur est latente et s’insinue peu à peu, contaminant toute chose jusqu’au fracassant final. L’histoire est bien construite, mais je n’ai pas été convaincue par la variation opérée sur le mythe littéraire de la belle et la bête. Certes, Camille est « envoûtée par l’attraction qu’exercent les monstres et qui fait qu’on ne peut pas s’empêcher de les regarder, ni de croire qu’ils pourraient se transformer en princes et être sauvés. » (p. 86) Mais cette attirance sordide est trop artificielle pour que j’aie réussi à y croire. Dans l’ensemble, ce roman est plaisant et se lit sans peine, mais il ne m’a pas vraiment convaincue.

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Le train

Roman de Georges Simenon.

Marcel est un homme ordinaire qui mène une vie simple, mais confortable avec sa femme Jeanne et sa fille Sophie. Tout change quand les Allemands arrivent en Belgique. « Cette guerre qui éclatait soudain après un an de faux apaisement, c’était une affaire personnelle entre le destin et moi. » (p. 15) La famille quitte Fumay, dans la Meuse, pour le sud de la France. Dans le train qui les emmène, Marcel est séparé de son épouse et de sa fille. Il rencontre Anna, une étrangère au comportement étrange. « Elle ne vivait pas avec les autres. Elle ne participait pas. Elle restait seule parmi les autres. » (p. 94) Sans le préméditer, Marcel entame une liaison avec Anna : les deux réfugiés ne se quittent plus, ne se cachent même pas et vivent leur passion comme ils prendraient des goulées d’air pour échapper à la noyade. « Une cassure s’était produite. Cela ne signifiait pas que le passé n’existait plus, encore moins que je reniais ma famille et cessais de l’aimer. Simplement, pour un temps indéterminé, je vivais sur un autre plan, où les valeurs n’avaient plus rien de commun avec celles de mon ancienne existence. » (p. 112) Hélas, le couple le sait bien, leur liaison ne pourra pas durer.

La narration est menée par Marcel qui raconte cette histoire a posteriori et son récit sonne un peu comme une déposition. La fin du roman révèle à qui Marcel adresse son texte. J’ai beaucoup aimé ce roman dans lequel Simenon saisit un personnage et un instant historique pour en faire une peinture honnête, sans fard ni fausse pudeur. Il parle de désir et de plaisir au milieu du désordre. « Je n’y pensais jamais, non seulement parce que je refusais d’y penser, mais parce que cela ne me venait pas à l’esprit : notre vie à deux n’avait pas de futur. » (p. 148) La vie normale a pris un train pour nulle part et les personnages, brusquement débarqués, errent dans une immense salle des pas perdus. Sauf Marcel et Anna qui font de cette pause forcée une parenthèse lumineuse.

Je vais continuer à lire Georges Simenon dont j’avais également beaucoup aimé La veuve Couderc.

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Billevesée #113

Vous savoir que moi être gourmande. Un de mes péchés mignons est la meringue. Saviez-vous que l’étymologie de ce délice est encore source d’interrogations ? Voici ce qu’en dit l’ami Wiki.

L’origine polonaise murzynka, «négresse», qui aurait désigné à l’origine une « meringue au chocolat », est peu probable. L’hypothèse allemande Meringel, un moment défendue, doit être rejetée car il est établi que c’est Meringel qui vient de Meringue. La filière latine, meringa, terme du bas-latin et forme altérée de merenda, « collation du soir », qui aurait transité par le néerlandais, doit être regardée avec circonspection à cause de l’absence de toute attestation de « meringue » dans la langue picarde. Ni Alain Rey ni l’Oxford English Dictionary ne mentionnent comme origine possible Meiringen (prononcé « Méringuè » en suisse allemand), un village de la vallée de l’Aar en amont du lac de Brienz, en Suisse alémanique, où Gasparini, le pâtissier suisse du 18e siècle, excellait en son art.

Pour ma part (une grosse part, s’il vous plaît !), peu importe l’origine de cette sucrerie, car j’en sais la destination : mon gosier !

Alors, billevesée ?

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Des nœuds d’acier

Roman de Sandrine Collette.

Théo Béranger sort de prison. Il a purgé sa peine, mais il est « le genre d’homme dont on sait que s’il tourne le dos à la violence, c’est elle qui viendra à lui. » (p. 11) Pour échapper à son passé, Théo s’arrête dans une maison d’hôtes perdue au milieu de nulle part. Pendant des jours, il ne fait que dormir et se promener. Un jour, au détour d’un chemin, il croise deux vieux, Joshua et Basile, qui l’assomment, le séquestrent et font de lui leur esclave. « Cet endroit est pire que la prison. Pourtant la loi du plus fort, je connais, mais pas la loi du plus barje. » (p. 83) Humilié, battu, affamé, violé, forcé de réaliser des travaux titanesques, Théo perd rapidement le goût de la révolte. Son seul objectif est de rester en vie. « Je sais depuis longtemps que la souffrance épuise. Ce que je ne sais pas, c’est si on peut en mourir. » (p. 101)

Ce roman est le premier de l’auteure. Comme tous les premiers opus, il présente des faiblesses. La première étant celle du récit de Théo. L’artifice narratif du texte rapporté ne marche pas à tous les coups. Ici, je n’y ai pas cru. D’après le personnage, spécialiste médical, qui présente le calvaire de Théo, le texte aurait été écrit pendant la convalescence du rescapé. Mais la forme du texte est trop proche du journal quotidien pour que l’argument du récit écrit a posteriori soit plausible. Or, il est tout à fait impossible que Théo ait écrit ces pages pendant sa captivité.

Deuxième point qui m’a gênée : Théo est présenté dès le début comme un salaud brutal, voire vicieux. Il est donc tout à fait antipathique, mais sa captivité et les sévices qu’il endure déclenchent automatiquement la compassion du lecteur. Personne ne mérite ce que subit Théo. Il était donc tout à fait inutile de faire remonter les bribes d’une enfance douloureuse pour rendre le personnage sympathique. Cela ne le rend que pitoyable et alourdit le texte d’un pathos absolument écœurant alors que l’histoire était suffisamment sordide et cauchemardesque.

Ce roman se lit toutefois sans peine et sans déplaisir. L’auteure a imaginé un fait divers horrifique plutôt crédible et qui glace le sang.

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Room

Roman d’Emma Donoghue.

Jack a cinq ans aujourd’hui et il est très content de passer toute la journée avec sa maman dans la Chambre. Comme toutes les autres journées. Depuis toujours. Jack n’est jamais sorti de la Chambre et sa maman y vit depuis très longtemps. Cette vie à deux pourrait être idéale. Mais non. Parce que la télévision est le seul extérieur que Jack connaît et sa maman n’en peut plus de lui mentir, de lui inventer une vie idéale. « Moi je crois qu’elle peut expliquer : elle veut pas, c’est tout. Mais tu peux me le dire, j’ai cinq ans maintenant. » (p. 92) Et surtout parce qu’il y a Grand Méchant Nick qui vient la nuit et monte dans le lit de la maman. « On est comme les personnages d’un livre et, lui, il ne laisse personne l’ouvrir. » (p. 137) Alors c’est décidé, la maman va trouver un stratagème pour faire sortir Jack. Mais quelle vie attend un petit garçon qui n’a connu que l’espace confiné d’une chambre de trois mètres sur trois ?

Ce roman présente un fait qui, hélas, pourrait tout à fait être divers. Tout le récit est porté par Jack qui, avec ses mots et ses raisonnements de petit garçon, essaie d’appréhender tout ce qu’il vit et d’y trouver une logique qui ne soit pas effrayante. Le roman d’Emma Donoghue m’a rappelé La ballade de Lila K de Blandine Le Callet et à Claustria de Régis Jauffret, deux textes où l’horreur semble toujours trop improbable, mais qui hurle pourtant au visage de la réalité pour faire tomber les masques. Ouvrez Room et ressentez le plaisir terriblement pervers et ambigu de la claustration.

Un grand merci à l’amie qui m’a offert ce livre. Elle a visé juste !

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Fœtus et Fœtus

Bande dessinée de Wayne.

Louis et Karl sont jumeaux, mais pour le moment, ils sont encore dans le ventre de leur maman. Le premier est de nature optimisme, le second est plus cynique et désabusé. Les deux petits bonhommes vont devoir cohabiter pendant neuf mois et neuf mois, ça peut être très long dans un endroit aussi petit. Attentifs au moindre bruit, ils cherchent à comprendre le monde qui les attend. « C’est qui ce Dieu dont parle des fois Maman ? / Tu vois… Maman nous a créés et veille sur nous, même si on ne la voit pas… Et bin Dieu, c’est pareil pour Maman… / Mouais… Mais nous au moins, Maman nous parle et on l’entend… » (p. 24) Dans le huis-clos amniotique, Louis et Karl se lancent dans d’intenses discussions sur la vie, la mort, la famille et d’autres sujets bien pointus pour deux bouts de chou qui n’ont pas encore pointés leur nez à l’air libre. « T’as pas peur de la Mort, Louis ? / Mais on n’est même pas encore nés ! / Quel argument imparable… J’peux pas lutter… » (p. 27) Et dehors, justement, ce sera comment ?

Ce petit album est très drôle, surtout pour moi qui sais les plaisirs et les agacements d’avoir un frère jumeau. J’ai vraiment ri devant les réflexions à la fois innocentes et cruelles des deux fœtus. « Imagine qu’on naisse en Chine… Avec la politique de l’enfant unique, ma petite… Tu es dans la merde ! / Primo : j’suis pas une fille… Secundo : toi, avec ta grande gueule contestataire, tu l’es encore plus ! » (p. 69) Les cases sont en fait des bulles et les fœtus ont la rondeur imparfaite des corps inachevés. Voilà un petit ouvrage à offrir aux jumeaux ou aux parents en attente de jumeaux !

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Impossible de grandir

Roman de Fatou Diome.

« Une petite fille me poursuit, me harcèle, m’assiège ; après quelques décennies de lutte, je ne peux toujours rien contre ses assauts ; parfois croyant agir à sa guise, je découvre avec stupeur que je ne fais que succomber à ses humeurs : grandir est impossible ! » (p. 14) Salie traîne les douleurs d’une enfance illégitime et une peur panique de quitter son appartement pour celui des autres. « Pourquoi personne ne se sent jamais concerné quand je dis que je n’aime pas aller chez les autres ? » (p. 15) Sans cesse tenaillée par son amie Marie-Odile qui organise dîner après dîner, Salie ne sait plus comment repousser les avances d’un monde qui l’effraie. Sa hantise s’incarne dans la Petite, à la fois némésis et réminiscence d’elle-même quand elle était enfant : cette entité la place face à ses peurs et à ses questionnements. Après des décennies à se cacher, il est temps de grandir, mais comment ? Et pourquoi ? « J’écris pour tous les bâtards du monde, qui se font insulter, torturer et mépriser par des gens moins dignes que leurs parents, car ceux qui égrènent les leçons de morale comme un chapelet sont souvent plus tordus et plus condamnables que ceux qu’ils jugent coupables, uniquement pour avoir osé aimer. » (p. 311)

Que la plume de Fatou Diome est belle ! Mais que la plume de Fatou Diome est complexe ! Je n’ai pas tout compris aux réflexions intimes et philosophiques de la narratrice/auteure. Elle lutte contre son enfance, contre les autres, mais surtout contre elle-même. Et parfois, elle a bien du mal à s’en sortir. « Bande de chafouins ! J’ai peut-être les neurones en compote, d’après vous, mais ce serait là une bonne raison de ne laisser personne me les touiller. » (p. 21) Est-il prudent de se battre contre ses douleurs et ses manques, même s’il s’agit de dessiner la géographie d’une vie nouvelle ? C’est ce qu’explore Fatou Diome dans ce roman exigeant aux accents si personnels.

Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.

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Billevesée #112

Depuis septembre, je travaille à deux pas (disons trois parce que j’ai des petites jambes) des Folies Bergère. Il n’a dû échapper à personne que je suis un peu psychorigide quand il s’agit de justesse orthographique. Alors, depuis septembre, je me pose tous les jours la même question : pourquoi n’y a-t-il pas de [s] à Bergère ? (Ma vie est pleine de questions de la plus haute importance !)

Cette salle de music-hall doit son nom à la rue Bergère qui est toute proche. À l’origine, la salle de spectacle s’appelait les Folies Trévise, du nom de la rue de Trévise qui est perpendiculaire au bâtiment. Voilà un bon mystère orthographique résolu !

Alors, billevesée ?

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Une collection de trésors minuscules

Roman de Caroline Vermalle.

Frédéric Solis est un self-made-man à la française : avocat brillant en passe de devenir associé dans le cabinet qui l’embauche, il est dans les petits papiers des pontes de la finance et des stars du show-business. Grand amateur d’art, il collectionne les tableaux impressionnistes dans son superbe appartement parisien. Quand il apprend qu’un héritage l’attend, il est convaincu qu’un tableau de maître va enrichir sa collection. Mais l’héritage n’est constitué que de quelques tickets de transport et d’entrées dans des musées. Dès lors, obsédé par cette chasse au trésor, il laisse sa vie partir à vau-l’eau. Heureusement, dans l’ombre, son assistante Pétronille veille. De jeu de piste en rencontre improbable, Frédéric va enfin mettre les pieds sur le chemin qu’il aurait toujours dû suivre.

Le nouveau roman de Caroline Vermalle est frais, tendre et il fait du bien. La plume de l’auteure s’est affinée depuis L’avant-dernière chance et L’île des beaux lendemains. C’est donc un réel plaisir d’embarquer dans ses pages qui nous parlent d’espoir et de bonheur. Et le bonheur, c’est un peu une chasse au trésor dont chacun a le pouvoir de dessiner la carte. « Dans l’atelier Chasse au trésor, chacun dans son coin réfléchit à ce qui le rend heureux. On visualise… la vie idéale, si vous voulez. On colle des images des magazines, des trucs qu’on trouve. […] Je vous raconte pas le nombre de brochures de voyages qui se sont retrouvées en morceaux. Mais finalement, tout le monde finit par creuser un peu plus profond. On arrive à des choses très personnelles. À la fin, y en a pas deux de pareils, des collages. » (p. 69) Les personnages de Caroline Vermalle s’affranchissent de leur passé et apprennent à pardonner à leurs peurs afin de mieux oser le bonheur. L’amour est présent, mais pas là où l’on attend et il y en a pour tout le monde ! Une collection de trésors minuscules ne paye pas de mine, mais il offre un doux moment de lecture et une bouffée d’optimisme.

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Le Roi des Aulnes

Roman de Michel Tournier.

Abel Tiffauges est un garagiste persuadé d’avoir un destin grandiose à accomplir. « Ma vie fourmille de coïncidences inexplicables dont j’ai pris mon parti comme d’autant de petits rappels à l’ordre. Ce n’est rien, c’est le destin qui veille et qui entend que je n’oublie pas sa présence invisible mais inéluctable. »(p. 88) Doté d’une force physique hors du commun, Abel Tiffauges est fasciné par les jeunes garçons. Il les photographie, enregistre leurs voix et observe leurs jeux innocents. Son obsession pourrait lui valoir la prison, mais il y échappe quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Abel Tiffauges s’enrôle et se passionne alors pour les pigeons voyageurs. Rapidement fait prisonnier par les Allemands, il n’est pourtant jamais entravé dans ses mouvements et acquiert une position de choix dans un centre d’éducation pour les jeunesses hitlériennes. Là, il assouvit enfin la passion dévorante qu’il entretient à l’égard des jeunes garçons.

Abel Tiffauges est fasciné par les jeunes corps des garçons et il en entreprend une lecture systématique et révérencieuse. Tiffauges déchiffre les corps, leurs lignes, leurs pleins et leurs déliés, et il excelle à les catégoriser, dans une volonté maniaque de thésaurus. Abel Tiffauges est un ogre qui ne goûte jamais à la chair, mais qui tente de dérober les essences mêmes de ses proies. « Je compris que j’obéirais d’autant mieux à mes aspirations alimentaires que j’approcherais davantage l’idéal de la crudité absolue. » (p. 94) En collectionneur avide, il cherche toujours plus loin la pièce qui manque à son butin.

Dans son journal qu’il a intitulé Écrits sinistres, il célèbre aussi le mystère divin de l’acte de porter. Il appelle cette mission, sainte à ses yeux, la phorie et il l’entoure de respect et de religiosité. « Je saisis pour la première fois le sens tiffaugéen du sacrement du baptême : un petit mariage phorique entre un adulte et un enfant. » (p. 148) À l’instar de son travail sur les corps des jeunes garçons, il accumule obstinément les symboles sacrés ou païens qui célèbrent la phorie.

Il y aurait tant à dire sur ce superbe roman de Michel Tournier. L’auteur m’avait déjà éblouie avec Vendredi ou les limbes du Pacifique où il réécrivait le mythe de Robinson. Ici, il reprend un célèbre poème de Goethe : le Roi des Aulnes est un charmeur dévoreur d’enfants, terrible figure d’ogre s’il en est. Le talent de Michel Tournier à extrapoler les mythes littéraires est sans égal à mes yeux. Dans Le Roi des Aulnes, il mêle le mythe aux références bibliques et mythologiques et fait regorger son texte d’analogies, de symboles et de métaphores. L’intertextualité mise en œuvre semble inépuisable et l’auteur fait montre d’une érudition qui n’a rien de vantarde, qui n’est qu’hommage aux classiques et volonté de les surpasser pour mieux les honorer.

Je m’attarde un instant sur le nom du protagoniste. Dans la Bible, Abel est le nomade assassiné par son frère Caïn : dans Le Roi des Aulnes, Abel Tiffauges est sans cesse en mouvement et il progresse vers l’est, vers la lumière. Il échappe toujours à la mort et son initiation est continue auprès de différents maîtres. Le frère assassiné est ici bien vivant et décidé à prendre revanche sur la vie. Quant au patronyme, Tiffauges, c’est le nom du château de Gilles de Rais, compagnon de Jeanne d’Arc et assassin d’enfants. Son histoire a été reprise dans de nombreuses légendes présentant des ogres, dont le cruel Barbe-Bleue. Abel Tiffauges est donc un ogre en marche : courez, enfants ! Il vient pour vous !

La violente beauté du style de Michel Tournier m’émeut au-delà du dicible. Je suis sans voix devant les inventions lexicales de l’auteur : soucieux d’utiliser exactement le mot qui convient pour désigner la chose pensée, observée ou ressentie, il ne se contente pas de synonymes ou de périphrases, il crée des termes à la mesure des idées qu’il développe. L’épaisseur sémantique ainsi créée fait du texte un recueil unique de termes, un dictionnaire à lui seul. Michel Tournier crée le sublime à partir du prosaïque, voire du tabou. La sensualité de son texte est vicieuse, dépravée et souvent défécatoire, mais elle est sensualité pleine et entière.

J’arrête ici ce trop long billet en vous recommandant ce roman. Ne soyez pas rebuté par l’érudition du texte. Plongez les yeux fermés dans la spiritualité animale d’Abel Tiffauges !

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De là, on voit la mer

Roman de Philippe Besson.

Louise est écrivain. Pour créer en toute tranquillité, elle quitte Paris pour Livourne, laissant François, son mari, dans la solitude et l’attente. « Elle est sans amarres. L’unique attache est au livre en train de s’écrire. » (p. 22) Dans le chaud et troublant automne italien, Louise rencontre Luca, trop jeune pour elle. Pourquoi résister ? Elle entame une liaison avec cet homme qui pourrait être son fils. « Elle a la légèreté des femmes coupables ayant occulté leur culpabilité. » (p. 124) Mais à Paris, François n’en peut plus de cette absence et du doute qui s’insinue. « Un homme annonce à sa femme qu’il s’est jeté sous les roues d’une voiture simplement parce qu’elle lui manquait, simplement parce que cela lui fournissait l’opportunité d’être auprès d’elle à nouveau. »(p. 111) Désormais Louise doit choisir : sera-ce son mari, usé et éprouvé, mais rassurant et familier, ou son amant, jeune et insouciant, attirant comme l’inconnu et le renouveau ? « Elle ne pense pas non plus aux années qui les séparent afin d’occulter que ce sont les années qui les condamnent. » (p. 161)

La mer, cette étendue séduisante infinie, cet horizon inaccessible… Le roman de Philippe Besson est comme la mer, prometteur, mais il est finalement bien décevant. Souvent, en tournant les pages, j’ai douté que l’auteur aimât ses personnages, et moi, simple lectrice, je ne peux pas les aimer à sa place. Et comment apprécier Louise, cette femme qui n’agit qu’à sa guise, sans ménager les affections qui l’entourent. Un moment, j’ai pensé qu’elle aimait comme un homme : en réalité, elle aime comme une femme qui renie sa féminité, à la hussarde. « Elle n’obéit pas toujours aux canons de son sexe n’ayant jamais tenu la soumission et la délicatesse pour des qualités. » (p. 186) C’est une façon de faire, pas la mienne. De plus, je n’aime pas cette langue sans sentiment et ce style froid. Certes, l’auteur a le sens de la formule, mais ça ne suffit pas. Il y a bien la rengaine d’un vieux film qui donne une certaine épaisseur au texte, mais là non plus, ce n’est pas suffisant. L’histoire de Philippe Besson est belle comme une photographie sur papier glacé : malheureusement, ces images de magazines ne se laissent jamais pénétrer. Et le lecteur, en vain, cherche la porte.

Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.

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Mélo

Roman de Frédéric Ciriez.

30 avril. Il fait chaud. Tout le monde ne pense qu’à la soirée qui précède le jour férié. Mais chacun y pense à sa façon et l’histoire s’attache aux pas de trois personnages. Il y a un syndicaliste aux tendances suicidaires. « Affolé par son incapacité à être banal, il se sent vain, se hait. » (p. 85) Il y a Parfait, chauffeur de camion-poubelle le jour, sapeur de la plus grande classe le soir. « Parfait de Paris, le maître incontesté de l’élégance masculine made in Bacongo, digne héritier des plus grands maîtres de l’histoire, va quitter son déguisement de chauffeur de camion-poubelle et mettre sa peau de lumière. » (p. 141) Il y a une jeune Chinoise en patins à roulettes qui vend sa camelote dans tout Paris. « La mondialisation viendrait à elle toute seule, sur son ventre, dans son panier, sous la forme de produits de trois sous fabriqués en Asie, dans la stimulation de l’achat d’impulsion des passants. » (p. 271) Comment ces trois êtres se croisent-ils ? Comment interagissent-ils ? C’est ce que Mélo tente de dire.

Je ne suis pas entièrement convaincue par ce roman. Les personnages pourraient être caricaturaux si les masques ne tombaient pas, chacun révélant autre chose derrière l’archétype. Si je n’ai pas aimé la première partie consacrée au syndicaliste, notamment pour l’écriture blanche qui y est pratiquée, j’ai pris plus de plaisir avec le Congolais adepte de la sape et la jeune Chinoise ambitieuse. Toutefois, je ne sais pas bien où mène ce roman, ni même si son intention est d’aboutir. Comme presque toujours, j’ai été largement agacée par le name-dropping qui bouffe la page et la réduit soit à une liste de courses, soit à une sordide tentative de placement de produits. Certaines marques répétées à l’envi constituent une litanie écœurante et les objets ainsi serinés, s’ils prennent la puissance de grigris des temps modernes, ne parviennent pas être autres que ce qu’ils sont, de tristes produits de la société de consommation. Et que dire de la description qui est faite de Paris ? Entre la tristesse industrielle de sa proche banlieue, la saleté de ses trottoirs jonchés de touristes et l’épileptique boucle de son périphérique, la capitale n’est pas belle. Paris n’est pas une carte postale. C’est là qu’est le mélo : Paris est triste d’un gros chagrin de crocodile et personne ne sait la consoler.

Cette lecture n’est pas un échec, car le style de Frédéric Ciriez est intéressant, mais l’histoire ne me laisse pas beaucoup plus qu’un vague à l’âme assez proche de la nausée que cause un wagon de métro à l’heure de pointe, avec l’impérieux besoin de prendre une grande goulée d’air frais et de me laver les mains.

Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.

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Billevesée #111

La première occurrence du mot « volcan » est attestée dans un ouvrage de 1598. L’étymologie de ce mot renvoie à Vulcain, dieu latin du feu et des forges.

Comment les habitants de Pompéi ont-ils donc désigné le Vésuve ? Bon, puisqu’ils ont presque tous péri, ils ne devaient sûrement pas se préoccuper de vocabulaire. Mais moi, ça m’intrigue ! Quelqu’un pour m’éclairer ?

Alors, billevesée ?

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Premier de cordée

Roman de Frison-Roche.

Chez les Servettaz, on est guide de haute montagne de père en fils. Mais pas Pierre : son père Jean, guide émérite, en a décidé autrement. Son unique fils n’exposera pas sa vie, il sera hôtelier. Déçu, mais obéissant, Pierre se plie à la volonté paternelle. Mais voilà qu’en emmenant un riche client vers un sommet dangereux, Jean Servettaz est foudroyé. Pierre est volontaire dans la cordée qui part chercher la dépouille. Plein de tristesse et d’imprudence, il décroche lors de l’expédition. Une fois remis de ses blessures, il découvre avec rage que l’accident lui a laissé des séquelles terribles pour un homme qui, comme lui, a l’âme d’un grimpeur.

Il y a longtemps que je n’avais pas lu un aussi bon roman d’aventures. La montagne y est présente comme une entité belle et rude, prometteuse et meurtrière. « Le drame était sur la montagne, mais impavide et souveraine, elle montait la garde sur les vallées d’alentour, insensible aux pensées des hommes qui gîtaient dans ses flancs, frileusement pelotonnés dans leurs cabanes de pierre. Sa faction millénaire n’était troublée, de loin en loin, que par le sourd grondement des avalanches ou le fracas plus sec des chutes de pierres qu’un regel trop brusque venait de déclencher. » (p. 32). Mais, bien que sombre et dangereuse, elle ne cesse d’attirer et de fasciner les hommes. Les guides de haute montagne forment une élite privilégiée qui monte sur les sommets et, le temps d’une course, domine le monde. Mais ils n’oublient jamais que la montagne ne se laisse vaincre que si elle le souhaite, le courage et la force des hommes ne valant parfois rien face à ses caprices.

Premier de cordée présente avec majesté la lutte entre l’homme et la nature, sorte de combat sans cesse renouvelé entre un David incertain et un Goliath grandiose. Outre cet affrontement de géant, il y a aussi la lutte que l’homme mène contre lui-même et ses terreurs. « Le vertige et les pieds gelés, les risques, ça a certainement été créé pour vous donner du goût à la vie. C’est seulement lorsqu’on est mutilé ou appauvri qu’on se rend compte de la valeur de l’existence. » (p. 309) Enfin, l’auteur rend hommage à la solidarité des hommes. Une cordée, c’est plus qu’un groupe d’hommes qui font la trace dans la neige et vainquent les parois escarpées, c’est une chaîne vivante où chaque maillon veille sur le précédent et le suivant, au péril de sa vie et pour la sécurité de tous. L’alpinisme n’est pas un sport individuel, mais l’expression la plus sublime et la plus humaine du sport collectif.

Moi et mon vertige en avons pris plein les yeux pendant cette lecture palpitante. Le style est un peu daté et certains propos sont vieillots, mais dans l’ensemble, ce roman est une pépite que je recommande aux amateurs de sensations fortes.

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Ce qu’il advint du sauvage blanc

Roman de François Garde.

Narcisse Pelletier est un jeune matelot français. Il a 18 ans quand, pour une raison inconnue, la goélette Saint-Paul sur laquelle il a embarqué le laisse à terre après une mission de ravitaillement. « Ce n’était pas un abandon délibéré, une trahison qui le visait personnellement, mais la conséquence d’une situation périlleuse. » (p. 15) C’est en tout cas ce que Narcisse préfère croire. Seul sur une plage d’Australie, il est d’abord persuadé que le navire va faire venir le chercher, mais les jours passent et aucune voile ne se montre au large. Alors qu’il est sur le point de mourir de soif et de faim, il rencontre une tribu de sauvages. Désormais, sa survie dépend de ces humains à la peau sombre, nue et tatouée.

Près de vingt ans plus tard, un navire anglais le retrouve et l’emmène à Sidney. Il est pris en charge par Octave de Vallombrun, membre de la Société française de géographie, qui est fasciné par cet homme revenu à l’état sauvage et ayant oublié sa langue. « Il y a deux personnages en lui : un matelot enfermé au cachot depuis des années et qui lutte pour en sortir ; et un diablotin sauvage qui bataille pied à pied pour l’en empêcher. » (p. 123) Pendant des mois, avec patience et curiosité, le savant ramène Narcisse vers la civilisation. « Il n’apprend pas notre langue comme le ferait un nourrisson ou un étranger : il la retrouve en lui. Il redécouvre ce qu’il a toujours su, puis oublié sur des plages australiennes. » (p. 78) Octave de Vallombrun transmet toutes ses observations, ses petites victoires et ses déconvenues au président de la Société de géographie dans de longues lettres détaillées. En dépit de son travail et de sa patience, Octave se heurte toujours aux mêmes mystères : pourquoi Narcisse a-t-il été abandonné sur cette plage et quelle a été sa vie chez les sauvages ? Autant de questions auquel le sauvage blanc refuse de répondre, rendu muet par un tabou inexplicable.

J’ai beaucoup aimé cette lecture, notamment pour sa construction en chiasme. D’une part il y a le récit à la troisième personne des errances de Narcisse, de l’autre il y a les lettres d’Octave de Vallombrun. Le premier expose l’avancée progressive de l’homme vers le sauvage et les secondes présentent le retour du sauvage vers l’homme. Mais il serait naïf, voire crétin, de penser que la civilisation n’est que ce Narcisse a perdu en débarquant sur la plage sauvage et ce qu’il retrouve au contact d’Octave. Au fil du récit, il devient de plus en plus évident que Narcisse a été en contact avec une culture qui n’est sauvage que parce qu’elle se contente de ce qu’offre la nature. Auprès des sauvages et, ensuite, auprès d’Octave, Narcisse se fait une éducation à rebours de la culture qu’il connaissait, ce qui suppose des abandons douloureux et explique le silence du naufragé. « Mourir de ne pas pouvoir penser à la fois ces deux mondes. Mourir de ne pas pouvoir être même temps blanc et sauvage. » (p. 350) C’est comme si Narcisse avait cessé d’exister en tant que Narcisse pendant 20 ans : devenu le sauvage blanc, il ne se reconnaît plus et c’est ce hiatus identitaire qui sert malheureusement de base à la reconstruction de la personnalité de l’ancien matelot.

Le roman de François Garde se présente comme le récit de voyage d’un grand explorateur. Il en a l’accent et la puissance.  Le titre, que je trouve d’une singulière beauté, embarque immédiatement le lecteur vers une époque où le monde était encore à découvrir, quand toutes les cartes n’étaient pas encore dessinées. Entre robinsonnade et mythe du bon sauvage, François Garde a créé un nouveau type de personnage qui, comme un pendule déréglé, ne sait plus où est son point de départ. « Aucun, pour tout dire, n’a ainsi adopté entièrement les mœurs et la langue des sauvages. Le cas d’un jeune homme blanc, devenu complètement sauvage, oubliant entièrement ses origines, semble sans précédent. » (p. 272)

C’est sans hésitation que je vous conseille ce roman très humain qui soulève des questionnements qui ne cesseront jamais d’être d’actualité.

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Billevesée #110

Nous, les Français, sommes très fiers (de manière générale) de notre pain, et surtout de notre baguette, cette longue et fine tige de pain à la croûte dorée et craquante et à la mie blanche et tendre.

Nos amis belges et québécois aiment aussi notre savoir-faire boulanger, mais chez eux, la baguette s’appelle le pain français. Cocorico !

Alors, billevesée ?

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Sorry

Roman de Zoran Drvenkar.

Frauke, Kris, Tamara et Wolf ont créé une agence qui s’excuse à la place des autres. « Nous représentons le nouveau pardon. Oublie la religion. Nous sommes les intermédiaires entre la faute et le remords. » (p. 200) Leur entreprise rencontre un succès inattendu et les quatre amis pensent en avoir fini avec les années de galère. Jusqu’au jour où un tueur qui semble très bien les connaître leur demande de s’excuser auprès de ses victimes qu’il a massacrées dans une mise en scène étrange. « Les détails te tiennent à cœur. Tu connais la valeur du souvenir. » (p. 17)  Le terrible engrenage de la peur et de la violence est en marche et rien ne l’arrêtera jusqu’à l’issue finale. « Vous dirigez une agence qui présente des excuses alors qu’il y a tant de choses que vous n’arrivez à vous pardonner. » (p. 259) Pour comprendre comment tout a commencé, il faut remonter des décennies plus tôt, quand un garçon a été forcé d’apprendre la docilité et d’endurer la douleur.

Je n’aime pas les thrillers, c’est avéré, mais ceux de Zoran Drvenkar ont un petit quelque chose qui me fascine. J’ai lu sans m’arrêter Toi et le schéma s’est répété avec Sorry. Avec un délicieux frisson, j’ai évolué en aveugle parmi des personnages qui ne se dévoilent que lentement, qui restent dans l’ombre et chuchotent des horreurs. L’auteur s’y entend pour décrire des scènes d’insoutenable violence, à tel point que l’on ne sait pas s’il s’agit de perversité ou de folie.

Sorry s’interroge sur la vengeance et la culpabilité qu’elle peut engendrer. Attention, n’essayez pas de reproduire les actes du tueur, même sous la surveillance d’un adulte (surtout sous la surveillance d’un adulte…) Vous trouvez vos nuits trop calmes ? Lisez Sorry. Et vous ne regarderez plus jamais les lys blancs du même œil.

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L’anniversaire de Didou

Imagier d’Yves Got.

Didou fête son anniversaire. Et tout est là pour que la fête soit parfaite ! « Les lampions, le gâteau d’anniversaire, les cadeaux, les copains ».

Cet album cartonné est composé dans un papier tout doux. Le dessin est naïf et très coloré.

Voilà voilà, pas grand-chose à dire.

Pardon ?

Pourquoi je vous parle de ce livre si c’est pour en dire aussi peu ?

Ahem… en fait, Didou, c’est un lapin, et il est drôlement mignon !

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Billevesée #109

Amis des chats, vous le savez bien, nos adorables bestioles à ronron passent BEAUCOUP de temps à dormir. Nos petits félins de coussin dorment en moyenne 16 heures par jour, soit deux tiers de leur existence.

Il y a une explication naturelle à cela : à l’état sauvage, les prédateurs tels que les félins dorment bien plus que leurs proies qui sont sans cesse sur le qui-vive. Les félins préfèrent économiser leur énergie (pléonasme pour pioncer) dans l’attente de leur prochain repas qui est toujours incertain.

Et là, je PROTESTE et je m’adresse directement à mon chat d’amour que j’adore : les croquettes tombent à heure fixe dans la gamelle ! Donc ma minette n’économise pas ses forces, elle glandouille en attendant que je la serve, moi son esclave dévoué…

Alors, billevesée ?

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