La page blanche

Roman graphique : scénario de Boulet ; dessins et couleurs de Pénélope Bagieu.

La première planche est une pleine page : une jeune fille est seule sur un banc au milieu de la ville sur laquelle se couche le soleil. Dans ces couleurs rose orange, on sent bien que quelque chose cloche. Cette jeune fille a oublié qui elle est, d’où elle vient et quelle est sa vie. Farfouillant dans un sac qui ne peut être que le sien, elle trouve son prénom, Éloïse, et son adresse. Il y aussi un sac plein d’affaires dans la poubelle. Dans son appartement, elle ne reconnaît rien. « Il faut que je me fasse une raison : RIEN ne me revient. Est-ce que je demande de l’aide ? À une famille que je ne connais plus ? » (p. 70) Éloïse fouille les placards et les boîtes sous l’œil ronronnant d’un animal qui doit être son chat. Mais rien, décidément rien, ne lui évoque le moindre souvenir. L’ancienne Éloïse est perdue dans un avant hermétique et résolument opaque. « J’ai disparu de mon vivant. » (p. 195) pense-t-elle et il semble qu’elle ait vu juste.

Mais si sa mémoire s’est arrêtée, la vie continue. Éloïse reprend son travail en librairie et se rapproche d’une collègue, Sonia. La jeune fille n’a de cesse de vouloir remonter le fil de son existence. Elle imagine des complots avec les services secrets, des amours contrariées, des expériences extraterrestres, etc. Tout et n’importe quoi serait le bienvenu pour expliquer cette amnésie si étonnante. Dans son appartement meuble façon catalogue suédois, parmi « des trucs que tout le monde lit ou a lus » (p. 115), Éloïse aimerait redevenir quelqu’un, mais elle ne se sent pas à sa place. « C’est quand même TELLEMENT bizarre… Pas un souvenir… Comme si j’avais pris la place d’une autre… mais qui aurait mon visage… » (p. 139) Mais finalement, cette amnésie, n’est-ce pas une chance extraordinaire ?

Ce bel album interroge la mémoire, bien entendu, mais surtout l’identité. À quel point pouvons-nous affirmer qu’une identité est la nôtre ? N’est-elle pas façonnée de tout ce dont nous abreuve la société ? À en juger par les demandes des clients de la librairie où travaille l’héroïne, je suis tentée de répondre par l’affirmative. Plutôt qu’avoir une identité (ou du style), je préfère être quelqu’un. J’ai trouvé très drôle et très touchant la façon dont Éloïse traque ses souvenirs. Il me semble que je ferai exactement la même chose : dresser des listes, être méthodique, faire des recoupements et, surtout, ne rien dire à personne, attendre avant d’exposer ma bizarrerie.

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé le pinceau de l’illustratrice. Il me semble que son dessin s’affine, s’affirme et s’épanouit vraiment dans cet album, davantage que dans Cadavre exquis. Ma main au feu que Pénélope Bagieu s’est représentée sous les traits d’une cliente un peu survoltée. La collaboration avec l’excellent Boulet est en tout cas une réussite ! Ce roman graphique est attachant et intelligent, loin des grosses ficelles des histoires d’amnésie. Bref, encore un album que je vous recommande. (Non, ne me haïssez pas, c’est de bon cœur.)

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Amitié étroite

Roman graphique de Bastien Vivès. Couleurs de Romain Trystran.

Francesca et Bruno sont amis depuis le lycée, peut-être avant. Si Bruno est un peu casanier, un peu gauche, Francesca explose de beauté et de sensualité. Un foulard d’or dans les cheveux et un regard de biche, elle est belle, elle le sait, mais elle accumule un peu trop les conquêtes. Sans cesse à s’appeler, à s’écrire, à se voir, ils ont besoin l’un de l’autre. « Nous revoilà tous les deux célibataires. Demain, on se fait les boutiques. / Si tu veux, mais je sais pas sur ça arrangera grand-chose… / Allez, tu vas voir… On va redevenir inarrêtables. » (p. 35)

Mais l’amitié de Francesca et Bruno suscite les interrogations et les moqueries. Beaucoup ne comprennent pas et voudraient pas assimiler leur relation à du désir non assumé. « C’est qui ce mec ? C’est ton frère ? […] C’est ton ex ? » (p. 60) Peut-être les autres ont-ils raison. Peut-être que les deux amis se sont manqués, qu’ils n’ont pas su transformer l’amitié en amour. Leur relation prend trop de place dans les couples qu’ils tentent de former. Alors ? Alors rien, il ne faut pas chercher à comprendre. Cette histoire, c’est la leur et si elle est si originale, c’est surtout qu’elle est unique.

Après Polina, je découvre cette œuvre de Bastien Vivès avec une nouvelle et profonde émotion. Les ellipses et les non-dits illustrent la pudeur et l’intimité. Les souvenirs sont dessinés en silhouettes et en estompes, il n’y a que des taches de couleur et il faut éloigner la page pour voir le dessin. Ce sont de vieilles images toujours présentes, mais qui perdent peu à peu de leur consistance.

L’album se referme sur de très belles planches érotiques et tendres. Vous avez dit ambiguïté ? Ce serait trop réducteur. C’est une amitié étroite parce qu’elle laisse peu de place pour autre chose, elle laisse même peu de place à l’amitié elle-même, mais elle lie étroitement deux êtres qui savent ne pas pouvoir se passer l’un de l’autre, même s’ils ne savent pas quelle forme donner à leur attachement.

Un coup de cœur pour cet album, assurément, et un trop plein d’émotions à la fin de la lecture.

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La mégère apprivoisée

Pièce de William Shakespeare.

Christopher Sly, bien aviné, s’endort au bord de la route. Un Lord de passage, décidé à s’amuser à ses dépends, le fait transporter dans ses appartements et l’entoure de mille richesses. À son réveil, Sly se croit en plein délire et les domestiques lui affirment qu’il est Lord et qu’il se relève d’une grave maladie. « Suis-je un lord ? Est-il vrai que je possède une telle femme ? Ou bien est-ce un rêve que je fais ? Ou ai-je rêvé jusqu’à ce jour ? Je ne dors pas ; je vois, j’entends, je parle ; je sens ces suaves odeurs, et mes mains sont sensibles à la douceur de ce toucher. Sur ma vie, je suis un lord en effet, et non pas un chaudronnier, ni Christophe Sly. Allons amenez-nous notre femme, que nous la voyions ; et encore un coup, un pot de petite bière. »

Pour poursuivre son étrange plaisir, le Lord a engagé une troupe de comédiens et offre à Sly le spectacle d’une pièce de théâtre. « Les comédiens de Votre Honneur ayant été informés de votre rétablissement sont venus pour vous régaler d’une fort jolie comédie, car nos docteurs sont d’avis que ce divertissement est très bon à votre santé, voyant que c’était un amas de mélancolie qui avait épaissi votre sang, et la mélancolie est mère de la frénésie : ainsi ils vous conseillent d’assister à la représentation d’une pièce, et d’accoutumer votre âme à la gaieté et au plaisir ; remède qui prévient mille maux et prolonge la vie. »

Voici la pièce dans la pièce : Baptista, vieil aristocrate de la ville de Padoue, voudrait marier sa cadette, la douce Bianca, que courtisent déjà deux hommes, mais il doit d’abord trouver un époux à Catherine, son aînée au caractère insupportable. Arrivent deux hommes : Petruchio de Vérone qui ne pense qu’à épouser une fille riche et Lucentio de Pise qui tombe immédiatement amoureux de Bianca. Le premier persuade le vieux Baptista de lui donner son aînée en mariage et le second échange sa place avec son valet pour approcher la belle Bianca sans affronter les deux prétendants en titre. Ne reste qu’à Petruchio à mater son irascible épouse et à Lucentio à séduire et épouser Bianca.

Shakespeare présente un bel exemple de mise en abîme : les premiers personnages, Sly et le Lord, deviennent spectateurs d’une autre pièce de théâtre, ce qui met le vrai spectateur à la marge de la représentation et le force à dédoubler son attention puisque la première pièce continue subrepticement. La tromperie est à l’honneur dans cette pièce : le Lord se joue de Sly et Lucentio prend la place de son valet pour mieux arriver à ses fins. Et la pièce toute entière se joue du spectateur et des repères classiques.

Pour ce qui est de la mégère que l’on apprivoise, le titre français est un peu édulcoré. Petruchio ne prend pas de pincettes pour rendre Catherine docile : privée d’eau, de nourriture et de beaux vêtements, pas étonnant qu’elle devienne rapidement une épouse obéissante. Et quel contraste avec Bianca présentée comme la femme parfaite, douce, tendre et forcément soumise. Le rêve de tout homme ? Mouais. Carrément misogyne le Shakespeare !

La pièce est drôle et facile à lire, mais elle gagne sans aucun doute à être vue sur les planches, surtout pour faire la différence entre les deux pièces qui se jouent plus ou moins simultanément.

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Billevesée du dimanche #6

Qui n’a pas encore compris que le lapin est mon totem ? (Si si, voyez le nombre de billets parlant de lapins cette semaine !) Vous pensiez que cette folle passion (que vous ne partagez pas) ne vous servirait jamais à rien ? Détrompez-vous et échauffez vos muscles articulatoires. L’élevage des lapins domestiques porte le nom très savant de cuniculiculture. Et ouais, ça vous fait une belle jambe patte de lapin, n’est-ce pas ?

J’invite les petits rigolos qui gloussent dans le fond à ouvrir un dictionnaire étymologique : y a pas de cochoncetés dans ce mot-là !

Alors, billevesée ?

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Quant à Saint-Germain des Prés, trente et un tankas sur la main d’après

Recueil de tankas de Nicolas Grenier.

Le tanka est une forme poétique japonaise brève en 5 vers non rimés et 31 syllabes.

Nicolas Grenier fait de Saint-Germain-des-Prés sa source d’inspiration. D’autres l’ont précédé sur ce terrain parisien. Mais le poète se veut concis et excelle dans une immédiateté de la perception et de la transcription. Les lieux emblématiques sont là – café de Flore, café des Deux Magots, Odéon, etc. – mais n’ont pas la préséance sur les choses du commun. Ainsi, la ligne de bus, le Monoprix, la crêpe au Nutella et la boîte aux lettres ont leur place dans le tanka. Plutôt que d’en dire plus, voici quelques-uns de ces tankas germanopratins où Japon et France se rencontrent au cœur d’une forme poétique.

« Loin de l’herbe folle / Au crépuscule doré / Sur la chaussée brute / Entre les automobiles / Mon scooter bleu se faufile »

« Échangeur de vent / À l’Odéon rendez-vous / Bus 63 / Pour Maubert-Mutualité / Là-bas l’horloge s’agite »

Le recueil s’ouvre sur une préface de Jean Orizet, membre de l’académie Mallarmé, et se ferme sur une étude très poétique de Nathanaël Gobenceaux, géographe. Pour ce dernier, Saint-Germain-des-Prés, « C’est un quartier-surface, c’est une église-point, c’est un boulevard-ligne. Saint-Germain-des-Prés, c’est un repère dans l’espace. » (p. 38) Reprenant les tankas du poète, il redessine les lieux et pense la Ville en vers : « L’espace géographique peut se mesurer en tanka. » (p. 44) Au terme de la lecture, il semble que le recueil de Nicolas Grenier ferait un excellent Guide du Routard germanopratin. Tout y est : l’Histoire, les rendez-vous incontournables, les infos pratiques et la permission de suivre tous les chemins.

Si un académicien et un géographe s’emparent des tankas de Nicolas Grenier, c’est que cette forme poétique est ouverte à la multiplicité des réceptions. Moi, lectrice anonyme, j’ai décidé d’oublier que je ne connais rien en poésie japonaise – et bien peu en poésie tout court – pour appréhender la Ville à ma façon. Les tankas de Nicolas Grenier sont les vecteurs de ma perception et de mon interprétation. Qu’importe que je connaisse si peu ce quartier parisien et qu’importe que je manque du savoir des académiciens, ce que je trouve en lisant ces tankas, ce n’est pas la connaissance mais l’émotion immédiate. L’image fulgurante traverse ma conscience et, pour un instant, imprime sur ma rétine des mots géographiques.

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Au bain, mon lapin !

Album et CD pour les tout-petits. Texte et voix de Michèle Moreau. Illustrations de Martine Bourre.

« Léa ! Le bain est prêt. T’es où, ma Léa ? Tu viens, mon lapin ? C’est l’heure du bain ! » C’est l’heure du bain pour Léa. Mais le petit lapin préfère jouer et se cacher encore un peu avant d’aller se laver. Quand maman trouve Léa, elles embarquent toutes les deux dans un grand voyage vers la salle de bain. Dans l’eau bien chaude, on peut jouer et chanter. Et à la fin, Léa a droit à un gros câlin.

À lire en écoutant le CD, cet album est une belle histoire qui donnera à tous les enfants envie d’aller au bain. Les illustrations en papier déchiré et collages sont très réussies et elles me donnent des idées pour occuper bientôt mes petits cousins !

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Haddon Hall : Quand David inventa Bowie

Roman graphique de Néjib

Avant d’être mondialement connu, David Bowie a galéré dans les coulisses du succès. L’histoire de ces années aigres-douces, c’est une maison qui les raconte : « On m’appelait Haddon Hall. J’étais une vieille demeure de la banlieue londonienne. On me louait meublée. » Le jour où David et sa jeune épouse Angie emménagent, un vent de nouveauté et de folie souffle sur la bâtisse. « Lorsqu’ils dirent oui à l’agent immobilier, ma charpente fut parcourue d’un délicieux frisson ! Bienvenue à Haddon Hall mes amis ! » Haddon Hall s’ouvre très vite aux amis du couple : musiciens, artistes et proches se côtoient dans ce qui devient un creuset bouillonnant de création et d’ambition. Après plusieurs albums, David cherche encore le succès et il se cherche en tant qu’artiste : il sait qu’il doit se démarquer. « Petit à petit, la nouveauté devenait la principale addiction de David. » C’est ainsi, presque par hasard, que naît le glamrock et que naît Bowie, personnage musical qui éclate tel un météore.

Marc Bolan, Tony Visconti, De Fries, John Lennon et tous ceux qui ont gravité autour du Thin White Duke sont là. Cet album retrace avec humour l’histoire de la pop anglaise des Sixties : « Pourquoi l’Angleterre est-elle le pays de la pop ? Parce qu’il pleut tout le temps, bien sûr. Alors au lieu de sortir, les gars travaillaient. » S’il ne faut que de la pluie pour favoriser le génie, j’émigre immédiatement ! Sans porter de jugement, l’auteur dessine les échecs, les déceptions et les trahisons qu’a connus Bowie. En matière de biographie, j’avoue qu’il manque quelques précisions, mais cet album se lit avec plaisir (et passion pour la Bowie-fan que je suis). Les quelques intermèdes qui ponctuent l’album sont à la fois hilarants et très émouvants. Néjib présente délicatement la relation entre David et son frère schizophrène, Terry. La tendresse et la complicité qui unissent les deux frères s’opposent magistralement à la froideur des parents Jones.

La plume de Néjib nous emmène bien loin de la planche traditionnelle et des cases sages. Ici, le dessin est libre et très dynamique, sans cesse mouvant. Je gage que David n’a pas deux fois le même profil ! L’image est pointue et acidulée et elle m’a fait l’effet délicieux des bonbons qui crépitent sur la langue ou d’un bubble-gum inusable aux saveurs de légende. J’ai plongé avec extase dans ces grands mélimélos de couleurs et de formes qui célèbrent les Sixties. Détail intéressant : la musique se fait paysage et dessin, comme dans un calligramme en partition, une écriture musicale qui ne se plie pas aux frontières de la ligne.

Faut-il connaître et/ou aimer David Bowie pour lire et apprécier cet album ? Probablement parce que les références sont nombreuses et qu’il faut lire entre les dessins. Mais cet album est surtout l’histoire d’un artiste qui se découvre et qui se façonne, avec ses doutes et ses espoirs. « L’artiste est par nature un être insatisfait. Parfois, il se surprend à connaître des moments de plénitude. Mais ce sentiment le quitte aussi vite qu’il est venu. » Un album à lire au son de l’excellent Hunky Dory ou de l’incroyable Space Oddity !

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Le coup du lapin – Adieu monde cruel

Album d’Andy Riley.

Ils sont blancs, ils sont ronds, ils sont mignons, ils sont suicidaires.

Pourquoi ? Eux seuls le savent et ils sont bigrement ingénieux ! Qu’il s’agisse de s’embrocher sur le sabre laser de Vador, de se faire découper en rondelles, de s’asseoir là où il ne faut pas ou de monter des mécanismes farfelus, ces lapins sont bien résolus à mettre fin à leurs jours !

Pauvre de nous, lecteurs sensibles ! Il nous faut assister à une escalade de loufoquerie macabre et d’inventivité fatale ! Le pire dans tout ça ? Ces bestioles adorables n’ont pas une expression : elles vont à la mort sans peur, avec flegme et résolution, mais sans passion. Mais pourquoi ??? Sont-ils crétins ? Même pas…

Sous une couverture orange vif, les dessins en noir et blanc vous réservent de beaux éclats de rire ! Amateurs d’humour noir et d’humour british, ce livre est fait pour vous ! Amateurs de lapins (comme moi), ce livre est aussi pour vous et n’ayez pas peur, c’est pour de faux !

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Mémoires d’Hadrien

Roman historique de Marguerite Yourcenar. Lettre Y du challenge ABC critiques de Babelio.

Ce qui commence comme une lettre à un jeune ami devient rapidement le récit d’une vie. L’empereur romain Hadrien, fils de Trajan, livre sous la plume de Marguerite Yourcenar ses mémoires et une certaine philosophie. Se dévoile un vieil homme malade au crépuscule de son existence. « Il est difficile de rester empereur en présence d’un médecin, et difficile aussi de garder sa qualité d’homme. » (p. 11) S’il est empereur, Hadrien n’en est pas moins humble et c’est sans aménité qu’il considère son existence : « quand je considère ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe. » (p. 41)

Il revient sur sa jeunesse, ses études et ses années de soldat et de magistrat. On découvre alors chez l’homme un goût pour les plaisirs simples et un certain dénuement. Loin du faste qui illustra ses prédécesseurs, Hadrien se veut l’empereur de la simplicité et de la paix. « Je m’efforce que mon attitude soit aussi éloignée de la froide supériorité du philosophe que de l’arrogance du César. » (p. 64) Attaché à la Grèce et particulièrement à Athènes, il n’a de cesse d’introduire une élégante modestie dans toute chose. « La paix était mon but, mais point du tout mon idole : le mot même idéal me déplairait comme trop éloigné du réel. » (p. 144) Plutôt que conquérir et dévaster, Hadrien se veut bâtisseur : sous ses ordres s’érigent temples et villes, pour la grande gloire de l’empire romain.

Hadrien était aussi homme et soumis aux passions. Son bel amour est un jeune homme, presqu’un enfant. Antinoüs est grec et incarne l’idéal amoureux de l’empereur. « Je n’ai été maître absolu qu’une seule fois et que d’un seul être. » (p. 226) L’empereur se révèle alors sensuel et sensible. Sous ses mots, la simplicité exulte et le raffinement amoureux n’est jamais si précieux que quand il s’accompagne d’un éternel attachement.

Ses derniers mots sont courageux : « Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts. » (p. 423) Ils sont aussi prophétiques : sous la plume de Marguerite Yourcenar, l’homme restera vivant pour longtemps. Qu’il est bon d’écouter cet empereur et de suivre sa pensée sage. Tiré d’un oubli de pierre et de poussière, exhumé des manuels et des fresques, Hadrien resplendit une nouvelle fois. Et avec lui, c’est l’empire romain qui se relève un instant de ses ruines, c’est une civilisation qui redresse la tête face au temps et qui clame qu’elle n’est pas perdue.

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dimanche

Le kiwi est un de mes fruits fétiches pendant l’hiver. Avec allégresse de bon matin, il n’est pas rare que j’en mange 3 ou 4. Mais le hic avec ce fruit, c’est qu’il est cueilli avant sa maturité et qu’il arrive souvent sur les étals et sur ma table dur comme du bois. Je suis d’une patience d’ange, mais si je n’ai pas ma dose de vitamines le matin, je peux mordre !

Pour le faire mûrir plus vite, voilà un conseil : placer une pomme à côté de vos kiwis. Dixit Wikipédia : le dégagement d’éthylène dû à la maturation des pommes fait mûrir le kiwi. Vous le saviez, vous, que c’est l’éthylène qui fait mûrir les fruits ?

Alors, billevesée ?

Spéciale dédicace à l’une de mes petites sœurs, elle saura pourquoi…

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The Gruffalo

Album de Julia Donaldson, illustré par Axel Scheffler.

Une petite souris se promène en forêt. Elle croise un renard, une chouette et un renard qui l’invitent à dîner. La souris, maligne, décline : « I’m going to have lunch with a Gruffalo. » Chacun de s’étonner : qu’est-ce qu’un Gruffalo ? La description est terrifiante ! « Who si this creature with terrible claws and terrible teeth in his terrible jaws ? He has knobbly knees and turned-out toes and a poisonous wart at the end of his nose. His eyes are orange, his tongue is black ; he has purple prickles all over his back. » Mais il semble que la petite souris ait tout inventé. Sauf qu’à trop crier au loup Gruffalo, elle va finir par en rencontrer un ! Une fois encore, il lui faudra ruser pour ne pas devenir le plat de résistance !

Écrit et rimé comme une comptine, cet album est très facile à lire. Il est surtout très drôle et les dessins sont superbes. Quelle vilaine bête que ce Gruffalo ! Mais l’histoire nous apprend qu’une petite souris peut être plus forte que tous les vilains. Lauréat du prestigieux Smarties Book Prize Gold Award, The Gruffalo est un album jeunesse particulièrement réussi !

J’ai lu la version originale, en langue anglaise : je me demande ce que donnent les rimes en français… Et il paraît que Gruffalo a eu un fils : il a donc trouvé une Gruffallette ?

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Big Scary Monster

Album de Thomas Docherty

Il était une fois un monstre bleu. « This monster was bigger and scarier than any other creature and he knew it. » Il aime faire peur aux petits animaux qui jouent sur la montagne. Le jour où il descend dans la vallée, il est persuadé qu’il fera peur à tout le monde. Mais que voit-il ? Le monde semble bien différent vu d’en bas et celui qui faisait peur à tout le monde est maintenant le plus effrayé ! Vite vite, le voilà de retour sur sa montagne. Mais il est bien seul et il s’ennuie. À moins que…

Pas de doute, jouer à se faire peur est bien l’une des choses que préfèrent les enfants ! Avec ce bel album aux pages bien douces, ils seront servis ! Que ce soit le grand monstre bleu ou un immense lapin blanc, il y a de quoi frissonner de plaisir !

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Meuse l’oubli

Roman de Philippe Claudel.

Le narrateur aime Paule. Et Paule est morte. « Chaque matin, je redevenais veuf en m’éveillant du sommeil où l’alcool m’avait versé et courais dans les toilettes y dégueuler mes rêves. » (p. 16) Pitoyable Orphée, il convoque sans cesse le souvenir de sa belle qui sans cesse se dérobe et s’effiloche. Saturé de douleur, il quitte les lieux des souvenirs et s’installe à Feil, sur les bords de la Meuse. « Ici, ma douleur convient au granit des trottoirs et au brouillard du fleuve. » (p. 35)

Dans un village où le temps oscille entre immobilité et bond en avant, l’homme vit son deuil. Tout lui est Paule, tout est souvenir. « Le pull-over a gardé son parfum, je m’en persuade. Mes yeux ont gardé l’éclat de ses dents, ma peau a gardé la douceur de ses mains sur ma nuque et mes joues. » (p. 82) Les flots de la mémoire brassent tout : l’amour pour Paule, le manque de la mère et comment Paule l’a réconcilié avec les femmes. « Elle m’apprit ce qu’une femme peut donner quand elle installe en l’homme le brillant de sa vie et la venue de la joie. » (p. 95)

Sous les mots du narrateur, Paule devient une femme relique, elle qui était si vivante et charnelle. Rien que son prénom était une promesse de rondeur, de chaleur et de plaisir. « Pourquoi le mal nous reste-t-il quand le doux nous délaisse ? » (p. 146) La mort n’a pas tué le désir et l’homme manque surtout de la sensualité d’une femme qui semblait contenir tout ce que la vie a de savoureux. Devant sa solitude et son incomplétude, l’homme perd pied. « J’ai découvert combien il y avait peu de grâce au vide. » (p. 14)

Mais, patiente en ses méandres, la Meuse attend que l’homme dépose dans ses flots oublieux le fardeau de sa peine. Pas pour qu’il soit heureux, mais au moins pour qu’il ne soit plus en deuil. « Je vivrai maintenant dans l’incontinuité de Paule. » (p. 156) Cet émouvant roman sur la mort interroge le souvenir et ses douleurs. Il sonde les moyens d’endiguer l’amour et de reprendre pied dans la vie sans trahir ceux qui ne sont plus.

D’une plume habile et pudique, traversée de fulgurances douloureuses et élégiaques, Philippe Claudel m’a une nouvelle fois mis dans les mains un roman qui remue le cœur et les tripes. La lueur d’espoir qui frémit au terme du texte est de celles sur lesquelles il faut souffler doucement pour ne pas les envoler ou les moucher. Un livre délicat et bouleversant.

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Du domaine des murmures

Roman de Carole Martinez. Prix Goncourt des lycéens 2011.

Une promenade en Bourgogne nous conduit dans les ruines d’un château que le temps a connu puissant. Dans un récit à rebours des siècles, nous entendons les pierres raconter l’histoire d’Esclarmonde. « La tour seigneuriale se brouille d’une foule de chuchotis, l’écran minéral se fissure, la page s’obscurcit, vertigineuse, s’ouvre sur un au-delà grouillant, et nous acceptons de tomber dans le gouffre pour y puiser les voix liquides des femmes oubliées qui suintent autour de nous. » (p. 15) Asseyons-nous et écoutons…

Esclarmonde, blonde enfant trop belle pour les exigences du monde, refuse l’homme que son père lui a choisi. En disant « non » devant les hommes et reniant le sang de son père, Esclarmonde embrasse un destin de recluse. En 1187, une fille qui se refuse au mariage pour préserver son union avec le Christ n’a d’autre choix que de soustraire au siècle. Emmurée dans une petite cellule attenante à la chapelle de Sainte Agnès, Esclarmonde croit échapper au malheur terrestre pour jouir d’une béatitude que seule mamort rendra plus sublime. « Je suis devenue la vierge des murmures. » (p. 17)

« J’avais charge d’âmes. » (p. 123) Ainsi parle celle qui revêt au yeux du monde un glorieux habit de sainte. Les pélerins se pressent contre les barreaux de sa petite fenêtre. « Tous ces êtres en mouvement venaient voir l’immobile et la vie passait devant moi, qui pourtant l’avais quittée. » (p. 52) Alors que tous lui prêtent des miracles et la mort-même semble reculer devant le pouvoir de sa foi, Esclarmonde se découvre pleine. Sa solitude de recluse n’en est plus une, mais pour combien de temps ?

Quand vient le jour où on lui arrache ce qui la comblait, Esclarmonde est prête à tout renier : son engagement religieux, sa promesse éternelle et sa foi vacillante. Que lui importe désormais de suivre les traces de son père parti en Terre-sainte mener une croisade qui périclite dans le sang et la boue ? Que lui importe donc de tenir la Mort en respect si la vie elle-même lui est retirée ? « À défaut de croire en Dieu, j’ai commencé à croire en moi, en la force de ma parole dont je voyais chaque jour croître l’incroyable pouvoir. » (p. 166) Voilà que la sainte devient démone, mauvaise femme à la langue de fiel, elle dont la voix était à elle seule une bénédiction. Mais n’est-ce finalement pas une épreuve de foi, une dernière épreuve d’amour ?

Ce superbe récit est nourri de merveilleux. Entre les pages déambulent une géante verte aux courbes superbes et le cruel spectre d’un cheval blanc. On entend aussi la voix des anges quand ils se penchent sur les mains stigmatisées d’un enfant et sur l’éclat extraordinaire du soleil de Palestine. Carole Martinez mêle avec un talent éblouissant des légendes bourguignonnes, une hagiographie fictive et une célébration du verbe. Le verbe, c’est celui d’Esclarmonde qui repousse les murs de sa cellule, celui de Dieu quand il daigne se faire entendre et c’est surtout celui de l’auteure qui porte ce récit sur les ailes de la poésie. Dans ce roman où le murmure se veut la racine de toute parole et son élan premier, Esclarmonde s’adresse à nous d’une voix fantôme qui s’échappe de la mousse des pierres effondrées.

Perdue dans les confins d’une maladie qui s’éternise et me vide de mon énergie, j’ai trouvé dans ce superbe roman un souffle qui m’a emportée, qui a sublimé ma veille et m’a émue au-delà des larmes. Bouche bée, muette, sans même un murmure, j’ai lu et relu certaines phrases jusqu’à m’engourdir les yeux. Poésie pure et lumière, la plume de Carole Martinez chante une femme exceptionnelle : que nous importe alors que tout ne soit que romance ? Si certains aspects de cette éblouissante histoire m’ont rappelé le très beau roman de Clara Dupont-Monod, La passion selon Juette, il y a dans Du domaine des murmures une forme de littérature après laquelle je cours sans cesse. Et quand je la trouve enfin, c’est le souffle coupé que je la contemple.

J’avais déjà apprécié la plume de l’auteure avec Le cœur cousu et je m’en suis d’autant plus délectée avec ce roman qu’il est dédicacé de sa main. C’est peu de choses, mais c’est une si belle attention ! Merci Stéphanie, merci Carole.

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La puissance des corps

Roman de Yann Queffélec. Lettre Q du challenge ABC critiques de Babelio.

Un gamin se fait enlever sur une plage bretonne. Pour le colonel Rémus, son tuteur, c’est Martinat, le magnat de l’entreprise Paneurox, qui se venge. Pour retrouver l’enfant, Rémus engage Onyx, une nénette pas épaisse et un peu étrange. Entre ces deux-là, c’est la guerre à couteaux tirés, d’autant plus que les méthodes de Rémus sont de celles qui mettent Onyx face à ses dégoûts. Rémus a des relations compliquées avec les femmes, surtout la sienne qui est enceinte et dont l’enfant ne l’intéresse pas. Rude et maladroit, il sait qu’il s’y prend mal. « Les femmes savent tout, mais elles veulent des mots. Tant que les phrases n’ont pas franchi nos lèvres, elles n’existent pas. » (p. 130) Et ces phrases, Rémus ne sait pas les dire.

Onyx est sauvage, toujours la main sur sa lame, toujours dans le combat. « Dire oui, c’était contraire à ses principes. Elle faisait des choses, éventuellement elle agissait, mais dire oui, c’était plier, s’aligner, commencer à demander pardon à quelqu’un qui méritait qu’on lui tranche les nerfs, pour la peine. Dire oui, c’est balancer. Dire oui, c’est perdre et elle était déjà assez perdue comme ça. » (p. 168) Cette indépendance farouche, Onyx la tire d’une enfance que l’on devine âpre et grise. Elle court après sa revanche, après sa vengeance. Ah, si elle pouvait s’illustrer… « C’était mal connaître Onyx qui ne perdait jamais de vue qu’elle était une personne quelconque. Foutue ni bien ni mal, une gueule passe-partout, elle ne pouvait inspirer que des sentiments quelconques à des êtres dépourvus d’intérêt. C’était en fait son unique folie, l’orgueil : un mal qui lui rongeait les sens. Être belle, ô mortels, être belle, ô mortels, comme un rêve de pierre…, pour les voir tous baver, se traîner à ses pieds. » (p. 172)

Voilà un roman bien bordélique ! On passe de la fraude alimentaire de bêtes malades aux coulisses d’un pouvoir présidentiel que l’on découvre plein de trahisons et de mensonges. Il y a aussi cette légère anticipation puisque nous sommes en 2013, le rapt d’un enfant réfugié d’Afghanistan et les relents de mazout d’un cargo que beaucoup voudraient envoyer par le fond. Si Rémus m’a profondément agacée, voire écœurée, j’ai beaucoup aimé le personnage d’Onyx qui m’a un peu rappelé celui de la désormais célèbre Lisbeth Salander de Millenium. Toutefois, je ne garderai pas un souvenir marquant de ce roman, trop éparpillé et parfois inutilement vulgaire.

De cet auteur, j’ai largement préféré Les noces barbares.

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Ceci n’est pas un livre

OLNI (Ouvrage Livresque Non Identifié) dirigé par Christophe Absi.

Voici un ouvrage étrange sans nom d’auteur. Normal, relisez le sous-titre : Le livre que vous allez écrire. Mais en fait d’écrire, on nous demande surtout de dessiner, coller, salir, trouer, épingler, gribouiller, triturer, jeter, déchirer, plier, agrafer, annoter, lancer, jouer, … Non, ce n’est pas avec ce livre que vous aurez le Goncourt !

Sous la forme d’un cahier d’exercice dont le papier rappelle les livres de coloriage de notre enfance, des instructions en noir et blanc, sous différentes polices et tailles, nous donnent des consignes plutôt loufoques. « Dormez une nuit avec le livre sous votre oreiller. » : pour ma part, c’est toujours un livre qui m’entraîne sur l’oreiller. « Asseyez-vous sur le livre pendant une heure. » : quand j’étais môme et minuscule, on m’a bien calé des bottins sous les fesses pour que j’atteigne la table familiale, alors pourquoi pas ? Mais nombreuses sont les consignes qui m’ont fait froncer les sourcils ! Pas sympa pour ma ride du lion ! Quand on me demande de barbouiller les pages avec du dentifrice ou de la sauce salsa, je tique un peu… Idem quand il s’agit de m’essuyer les godasses entre deux pages…

Alors, peut-on vraiment tout faire avec et d’un livre ? Je suis tentée de répondre « non », mais nous sommes prévenus dès le titre : ceci n’est pas un livre ! Faut-il donc désacraliser tout amas de papier relié et encartonné ? Faut-il concevoir l’objet papier comme un objet tout venant, à la fois serpillère, tableau d’écolier et serviette en papier ? Je me garde bien de vous donner la réponse. Que les audacieux s’emparent de l’ouvrage et qu’ils osent ce que mes yeux se défendent de voir ! Amoureux fétichistes du livre, passez votre chemin, vous risquez une attaque ! Clairement iconoclaste, ce « guide » décomplexifie le rapport au livre.

À qui l’offrir ? Peut-être à l’allergique à la lecture qui pourra fièrement exhiber un ouvrage qu’il n’aura pas eu à lire ? Ou peut-être au petit voisin qui en fera sans aucun doute un meilleur usage que moi puisqu’il n’aura pas peur de faire enfin ce que ses parents lui défendent tout le temps ! Pour ma part, je vais le planquer : je ne peux décidément pas me résoudre à faire ce que cet ouvrage me demande. Non non, n’insistez pas !

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Les petits chevaux de Tarquinia

Roman de Marguerite Duras. Lecture de janvier du Club des lectrices.

Vacances en Italie, entre la plage et les montagnes. Sara, Jacques, l’enfant, Ludi, Gina, Diana et l’homme au bateau passent leurs journées écrasés par le soleil, sans cesse indécis quant au programme de la journée. « Il n’y avait rien à faire, ici, les livres fondaient dans les mains. Et les histoires tombaient en pièces sous les coups sombres et silencieux des frelons à l’affût. Oui, la chaleur lacérait le cœur. Et seule lui résistait, entière, vierge, l’envie de la mer. » (p. 18) Du lever au coucher, la chaleur est discutée, haïe et fuie. Les journées s’écoulent mollement entre deux verres de bitter campari, une partie de boules et l’espoir de la pluie. L’indolence saisit chacun et en même temps la haine de cette indolence. « Le mal vient de ce qu’on fait tout trop tard, on dîne trop tard, on joue aux boules trop tard. Alors le matin on ne peut pas se lever et on se baigne trop tard, tout ça recommence… » (p. 204)

À se côtoyer de si près et à ne rien faire, les esprits s’échauffent et les disputes éclatent au sein des couples. Il n’y a guère que le projet d’un voyage jusqu’à Tarquinia, pour voir les chevaux sur les tombes étrusques, qui donne une perspective à ce séjour étouffant. Il y a aussi l’ébauche d’une histoire d’amour, les continuels reproches de la bonne, les caprices de l’enfant et l’histoire des deux vieux qui ont entassé dans une caisse à savon les morceaux du corps de leur fils, sauté sur une bombe de la dernière guerre.

La chaleur omniprésente et étourdissante se pose comme moteur de la non-action ou comme anti-moteur de l’action. Elle enraye toutes les volontés et retarde tous les projets. D’elle naissent la lassitude et l’écœurement. On perçoit une violence latente et un drame en suspend, comme un ressort qui se ramasse et attend le bon moment pour se détendre. Mais ce n’est pas dans ces pages qu’il sautera, tel le diable hors de sa boîte.

Dans le genre lent, chaud et contemplatif, j’ai de loin préféré Le désert des Tartares de Dino Buzatti. Voilà le premier roman de Marguerite Duras qui me déplaît. Les pages se tournent finalement sans difficulté, mais quel ennui ! C’était peut-être le but recherché, faire partager au lecteur l’indolence assommée des personnages. Mais ce n’est pas ce que je recherche dans un roman. J’attends d’une œuvre qu’elle m’éveille à un ailleurs et à un autre que je ne connais pas, pas qu’elle me renvoie à la vacuité d’une existence dont j’ai suffisamment conscience.

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Billevesée du dimanche #4

La longueur de la pointe de la poulaine, chaussure emblématique du Moyen-Âge, était proportionnelle à la qualité sociale de celui qui la portait. Autant dire qu’à cette époque, il valait mieux avoir le pied long !

Ceux qui pensent que les Moyenâgeux voulaient compenser quelque chose se gourent : Freud n’était pas encore né pour dire des bêtises !

Alors, billevesée ?

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Les morues

Premier roman de Titiou Lecoq

Tout commence avec la commémoration de la mort de Kurt Cobain. « S’il nous voyait maintenant, une bande de trentenaires parvenus qui se souviennent du grunge une fois par an, il se tirerait une deuxième balle. » (p. 9) Tout s’enchaîne avec l’enterrement de Charlotte. Tous ses amis d’enfance sont sous le choc : pourquoi s’est-elle suicidée puisque tout lui réussissait ? Et la question devient : s’est-elle suicidée ? Pour Ema, la meilleure amie de Charlotte, quelque chose cloche. En fouillant dans ses affaires et dans son boulot, Ema découvre une affaire d’économie et de politique qui la dépasse. Avec l’aide de Fred, elle mène une enquête dont les conclusions ne seront pas de celles qui apaisent.

Les Morues, ce sont trois femmes et un homme. Il y a Ema la sadomaso, Alice la barmaid accro aux réseaux sociaux, Gabrielle la superbe descendante de la favorite du Vert Galant et Fred qui boit trop de Nesquik. Les Morues sont résolument féministes et rédigent une Charte qui prône l’indépendance de la gente féminine, mais aussi sa libération des clichés en tout genre. Oui, les hommes sont des enfoirés, mais ils sont comme ça, non ? Aux femmes d’assumer ce qu’elles veulent sans accuser les hommes d’être des obstacles. « Les femmes ne pouvaient pas demander aux hommes de s’occuper de leur émancipation. […] Pour les Morues, il paraissait évident que les réflexes sexistes dont on accusait les hommes, c’était d’abord chez les femmes qu’il fallait les traquer. Tous ces automatismes enfouis, larvés et fruits d’un long conditionnement. Mais il était foutument plus difficile, car honteux, de se reconnaître un comportement de femme soumise que de balancer aux hommes qu’ils étaient des machos en puissance. » (p. 33 et 34) Ni pute, ni soumise ? Ça va plus loin que ça : c’est toute une réflexion sur la sexualité au féminin que l’auteure met en branle. Accrochez-vous à vos soutifs les filles, ça démarre au quart de tour !

Si le personnage principal semble être Ema, il ne faut pas négliger l’importance de Fred à qui plusieurs chapitres sont consacrés. Petit génie adoré par ses parents, en conflit permanent avec son grand frère Antoine (l’ex d’Ema), Fred se satisfait de son boulot de secrétaire qui lui laisse tout loisir de rêver à des nymphettes qu’il aime richement pourvues en courbes mammaires. Alors qu’il n’aspire qu’à la banalité, Fred semble incapable d’y parvenir. « Mais par un curieux paradoxe, cette volonté d’être comme tout le monde suffisait à faire de Fred quelqu’un de marginal. Et chaque jour, il butait sur cette aporie. » (p. 52) Pas facile d’avoir conscience de sa différence et de l’impossibilité de la réduire ou de s’en accommoder…

Avec une large part laissée à la culture sous toutes ses formes, ce roman tape large et juste. À l’heure d’Internet et des blogs, le rapport à l’art et à la responsabilité artistique – et donc à l’anonymat – sont donc remis en question. Plus largement, Titiou Lecoq interroge sur l’expérience artistique.  « Plus qu’à la qualité intrinsèque et a-temporelle d’une œuvre, il croyait à une conjonction plus ou moins miraculeuse mais profondément temporelle, à la rencontre à un moment x entre un public et une œuvre dans laquelle ce dernier puisse s’identifier et reconnaître ses aspirations et ses dégoûts. Et la forme même du blog se prêtait plus que toute autre à ce processus d’appropriation. » (p. 266) Nul doute que si on m’avait proposé une telle réflexion pendant mes années prépa, je n’aurais pas décroché des cours de théorie littéraire ! Je connais le passé (et le présent) de blogueuse de Titiou Lecoq et cette réflexion n’en est que plus pertinente.

Ce qui semblait dès la couverture être un roman girly aux portes de la chick-litt ou un autre roman tiède sur des trentenaires en mal de vivre emprunte au thriller politico-économique, au Kâma-Sûtra (ou pas loin) et aux traités sur les vertus de l’alcool et de la miurge. D’une page à l’autre, on passe des classiques très policés étudiés à l’école aux must-have musicaux du rock. J’ai trouvé quelque chose de puissamment cathartique dans cette lecture, même si c’est assez difficile à expliquer. Disons que Titiou Lecoq a réussi à mélanger tout ce que j’aime et à le rendre parfaitement digeste. Je lui tire mon chapeau parce que quand j’envisage de mixer du chocolat, une Calzone, une Guinness et un thé à la cerise, je doute vraiment du résultat ! Bref, je n’ai pas boudé mon plaisir et je recommande ce roman à ceux qui aiment voir plus loin que le bout de leur nez tout en considérant que leur nombril reste une chose vachement importante !

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Georgie Soichot, à Renaud

Roman graphique de Maureen Wingrove.

Georgie est une vieille dame élégante. Du fond d’un auguste fauteuil, elle s’adresse à Renaud, son amour juvénile. Cette première histoire d’amour, bien que brisée, n’a rien perdu de sa puissance au fil des années. Plus vivace qu’un simple souvenir, ce sentiment absolu a nourri toute une vie. « Tu aimais me serrer contre toi, fort contre ton cœur. Tu m’enlaçais pour mieux me contenir… » Ce premier amour était de ceux qui forgent un cœur. Couple trop superbe pour durer et s’accommoder de la routine, Georgie et Renaud ont joué jusqu’au bout leur partie d’amour. « Parce que ça avait toujours été à celui qui serait le plus fort, à celui qui n’aurait pas mal. À celui qui dominerait l’autre. »

Maureen Wingrove, que la Toile connaît mieux sous le nom de Diglee, s’est inspirée de l’histoire d’amour de sa grand-tante Georgie Soichot pour créer un album souvenir délicat et émouvant. En noir et blanc, presque en négatif, l’image célèbre un passé capturé sur pellicule. Revisité au hasard d’une discussion entre deux générations, le passé ressurgit et déploie toute la force d’une histoire d’amour aux accents un peu mythiques.

La jeune auteure exprime avec humilité et délicatesse ce que lui a offert cette plongée dans les souvenirs d’une autre. Et l’on comprend parfaitement ce qu’elle dit. C’est comme ouvrir les vieux albums photos de nos parents. « J’aime les histoires des autres. Surtout celles qui appartiennent au passé, et qui résonnent aujourd’hui aux oreilles de ceux qui les ont vécues, avec la même force, la même chaleur qu’il y a cinquante ans. Qu’y a-t-il donc à prendre dans ces vieilles histoires ? Je ne sais pas. Des réponses peut-être. De l’espoir. Quelque chose de fragile, mais de terriblement réconfortant. Je ne sais pas précisément ce que je cherche en fouillant le passé. Mais je sais que ce que j’y trouve n’a pas d’égal. »

Ce très court album imprimé sur un très beau papier est un régal pour les yeux et les cœurs exigeants. L’amour n’est pas que petites fleurs et voiles de dentelle. Il se niche aussi là où le cœur pleure. « L’amour le plus fort ne réside pas exclusivement dans la tendresse et la compréhension. Il va parfois se loger bien plus loin, dans la violence et la perte de soi… Dans l’absence. » Qu’on se le dise.

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Mammifères

Roman de Pierre Mérot. Prix de Flore en 2003.

Cette histoire, c’est un raté qui vous la raconte. Il y a un raté dans chaque famille, n’est-ce pas ? L’oncle est celui-là. Sa vie professionnelle est loin des aspirations que ses géniteurs avaient conçues pour lui. Sa vie amoureuse est un désastre et, au-delà, sa vie sociale est un égout. Alcoolique, dépressif et désabusé, il fait peu à peu le vide autour de lui. « L’oncle ne boit donc pas parce qu’il est seul, mais qu’il veut l’être. » (p. 14) Le grand drame de son existence, c’est l’amour absent, l’amour qu’il ne sait pas retenir. « S’il est possible de mourir – de mourir physiquement – d’un manque d’amour, alors l’oncle est en train de mourir. Cela prendra un certain temps, mais il mourra. » (p. 14)

Mais le veut-il vraiment cet amour ? Le récit qu’il donne de son mariage avec la Polonaise et de sa relation avec la divorcée indique plutôt un méticuleux sabotage de l’amour, une vicieuse tendresse dans l’art de détruire l’amour. Une fois l’amour enfui, que fait-il ? Il boit, c’est logique. « S’il faut comprendre l’alcoolique, qu’on admette d’abord qu’il est une machine parfaite qui produit chaque jour du manque pour obtenir de la satisfaction ; une fois atteinte, l’alcoolique sécrète à nouveau du manque ; et ainsi de suite. […] Par ces lignes, on voit que l’alcool entretient un rapport essentiel avec l’amour et la destruction. » (p. 16)

Dans une époque où tout semble calibré pour la consommation éphémère, il faut se demander si l’amour aussi est une marchandise remplaçable et sans visage. À en croire l’oncle, ce n’est pas le cas et il semble que nous sommes bien dans le pétrin. « La vie nous fait croire désormais que nous pouvons nous séparer des personnes et aimer à profusion. C’est bien sûr faux. Aimer est exceptionnel. Ne pas aimer est la règle. Accepter cette règle devrait donner un début de bonheur. » (p. 34) Alors peut-on s’aimer pour ne pas souffrir ou pour souffrir moins ? L’autre est-il la solution à la douleur du mammifère qui souffre de sa solitude ? Une fois encore, raté. « L’amour, c’est quand chacun croit que l’autre a trouvé un remède différent, et qu’il va le guérir. Mais la plupart du temps, nous luttons contre des êtres qui nous ressemblent trop, qui souffrent autant que nous, ce en quoi ils sont invincibles. » (p. 35) Autant dire que nous sommes foutus.

Voilà, nous sommes tous des mammifères, bêtement grégaires. Nos pulsions et nos besoins n’ont rien de sublime. Manger, surtout boire et aussi baiser, voilà qui résume le mammifère à l’ère moderne. Mais c’est une définition qui a cours depuis des siècles. L’oncle n’invente rien : il a profondément conscience d’une réalité que les autres cachent sous les ors criards de la civilisation consommatrice et castratrice. L’oncle a peu d’espoir pour le monde, mais son désespoir est plus grivois qu’attristé : « C’est triste à dire, mais enseigner rappelle une chose importante sur l’humanité : l’humanité préfère le fouet à la caresse. En tout cas, si vous caressez, il faut toujours garder le fouet dans l’autre main. » (p. 109) En fait de mammifères, nous ne sommes donc pas des fauves : nous sommes un troupeau bêlant et heureux de se soumettre. « L’époque est médiocre. Plus l’époque est médiocre, plus l’insatisfaction est immense. Des cœurs solitaires battent en silence côte à côte, dans une colère contenue ou encore inconsciente. L’éclatement est proche. » (p. 154) Quel sera-t-il ? On ne le pressent que trop bien.

Le narrateur est figure de l’auteur, aucun doute ou si ténu. Il parle de lui/de l’oncle à la troisième personne, dans une tentative bien vaine de distanciation. Il présente de vieux textes et renvoie à ses autres publications. Il appelle souvent à l’indulgence mais on sent qu’il s’en moque un peu : son désabusement grinçant sur l’amour touche au poétique : « Le sexe est peut-être la seule forme, pitoyable ou non, que nous ayons trouvé pour dire quelque chose de l’amour. » (p. 141) Aux chiottes les vers et aux chiottes les romans, l’amour ne s’écrit pas, il se fait. Rien de sublime, juste du contact. Coït à tout va ou étreinte fugace, ce qui compte, c’est jouir même si la conclusion est terriblement pessimiste. L’homme ne sera pas sauvé par l’amour, il ne sera pas sauvé par l’alcool : « Boire, aimer ou vivre, quelle différence ? C’est une même saloperie somptueuse. » (p. 154) Voilà, l’issue est là, à deux doigts, à un jet de plume. Je vous laisse la dire. Moi, j’ai tant aimé ce texte, aux frontières de l’écœurement, que je ne peux plus en dire un mot.

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Borgia

Édition de luxe de l’intégrale des bandes dessinées d’Alejandro Jodorowsky et Milo Manara.

Le cardinal Rodrigo Borgia, catalan d’origine, intrigue pour devenir le nouveau pape. Usant de tous les stratagèmes et de toutes les pressions pour arriver à ses fins, il ne vit dans le but d’assouvir sa soif de pouvoir. Ses enfants, des bâtards, lui servent de marchepied, de monnaie d’échange et de bras armés. « Enfants, je ne veux plus vous entendre ! Mes ordres ne se discutent pas ! » (p. 33) Disposant d’eux comme de marchandises, Rodrigo prévoit pour chacun un destin fabuleux à la gloire des Borgia. Son objectif ultime ? Établir pour des siècles une dynastie Borgia qui règnerait sur le monde. Pour cela, il lui faut une famille unie au-delà de toute limite et de toute morale. « Tout le monde peut arriver à vaincre un Borgia. Personne ne peut en vaincre cinq. » (p. 86)

« Si l’être mystérieux que nous appelons Dieu n’y met pas d’obstacle, je deviendrai pape. » (p. 33) Quand le pape Innocent VIII – innocent que de nom – rend l’âme, Rodrigo Borgia corrompt et achète les membres du conclave et devient pape sous le nom d’Alexandre VI, s’aliénant pour toujours le cardinal Della Rovere qui n’aura désormais d’autre but que de le déposer et de prendre sa place sur le trône de Saint-Pierre. Être vicaire du Seigneur sur terre n’est pas de tout repos. Le pape Borgia doit lutter contre les querelles intestines de sa famille, déjouer les tentatives de meurtre sur sa personne et repousser les armées françaises de Charles VIII qui veulent investir les états papaux et prendre Rome. Redoutable homme politique, capable de sonder les âmes et ne reculant devant aucuns sévices, Rodrigo Borgia est un pape assis sur un siège dégoulinant de sang. « Moi, Alexandre VI, chef suprême de l’Église, je suis votre meilleur ami, mais je peux aussi être un ennemi implacable… Qui bene amat, bene castigat… » (p. 71)

Commettant quotidiennement et dans une extase éhontée les sept péchés capitaux, les Borgia vivent de luxure et de débauche. Excessifs dans leurs plaisirs, dans leurs colères et dans leur conduite, la belle Lucrèce, le beau César et le délicat Giovanni sont des enfants créés à l’image du Père, mais quel père est-ce là ! De pape, Alexandre VI n’a que le nom et certainement pas la foi. Faisant commerce des indulgences, il vend le pardon divin comme un kilo de viande faisandée. « Me tromperais-je si je considérais l’Église comme une grande putain ? » (p. 83)

Alors que l’Italie est divisée en une multitude de royaumes tous plus dépravés les uns que les autres – Florence, Naples, Venise, Milan, etc. – le pape Borgia porte les intrigues politiques à un niveau jamais atteint dans le but de se créer un royaume à la mesure de son ambition démente. Si la peste ravage sans cesse les rues de Rome, les Borgia sont un nouveau fléau. Première mafia de l’histoire, agissant sans honte et sans morale, ils sont une famille infernale dont les agissements n’en finissent pas d’être habilement démoniaques. Ce n’est pas pour rien que l’on soupçonne Machiavel d’avoir pris César Borgia pour modèle de son essai politique, Le Prince.

Cette superbe bande dessinée rassemble tous les fantasmes qui entourent la famille Borgia : inceste, viol, pédérastie, mensonge et bien autres ignominies, tout y passe. La beauté blonde de Lucrèce dissimule un cœur pourri qui ne se livre jamais, même à ceux qui prennent possession de ses blanches cuisses. L’orgueilleux César est un mâle parfait, à la fois brutal et conquérant : peu fait pour la pourpre de cardinal que lui a imposée son père, il ne rêve que de batailles et d’épée tirée hors du fourreau. La religion n’a que très peu à voir avec les agissements des Borgia : prendre la tête de l’Église catholique, c’est dominer le monde puisque le pape est au-dessus des rois. Pouvoir suprême et sans égal, la papauté est exercée d’une main cruelle et sans pitié par Rodrigo Borgia.

Design sans titre – 1

Cet ouvrage numéroté qui rassemble les quatre bandes dessinées initiales est une merveille d’édition. La tranche est dorée, ainsi que les lettres de couverture. Le papier est lourd et renvoie l’image avec éclat. Si Jodorowsky s’y entend pour mener une intrigue tambour battant, Manara n’est pas en reste : il a un talent certain pour les expressions faciales et les corps en général, surtout ceux des jeunes gens. Il a la beauté et le désir au bout du pinceau. Également très habile pour représenter des scènes de foule ou des ouvrages architecturaux, il possède un trait assuré et aisément reconnaissable.

Cette lecture complète à merveille ma découverte de la famille Borgia. La série diffusée par Showtime (2011), avec Jeremy Irons dans le rôle titre, propose une famille unie et aux comportements relativement modérés. Pas de scène orgiaque ou de débauche insane, le tout a un côté très propret et suggère sans prendre le risque d’affirmer.

La série de Tom Fontana (2011), avec John Doman (tout simplement excellent !) dans le rôle titre, est plus radicale et moins policée : les Borgia sont ici des êtres soumis à leurs passions et à leurs vices. On est loin de l’élégance toute britannique de Jeremy Irons et on plonge les deux pieds dans la crasse et dans le stupre. Moins « carton pâte » que la précédente, cette série m’a aussi semblée plus authentique et plus proche de la véritable histoire des Borgia. Enfin, les bandes dessinées (2004 à 2010) de Jorodowsky et Manara couronnent le tout en proposant une version franchement débauchée et crue de l’histoire de cette famille. Bref, un vrai régal que de découvrir les Borgia. Ma lecture de Lucrèce Borgia de Victor Hugo remonte à longtemps et il ne me semble pas qu’il donne un visage si débauché de la fille du pape le plus corrompu de l’histoire. Bref, encore de belles découvertes à venir !

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L’oiseau qui avait enterré sa mère dans sa tête – Carnets d’un paysan Soussou

Album composé d’un recueil de poésie de N’Fassory Bangoura et de photographies de Philippe Geslin.

Cet ouvrage est composé des carnets de N’Fassory Bangoura et des photographies de Philippe Geslin. Le premier raconte la cuisson du sel et la culture du riz et de l’arachide. Le second fait œuvre d’ethnologue et immortalise des scènes de travail, de vie quotidienne et des visages. Le titre de l’ouvrage est emprunté à un conte soussou. « Nous sommes dans un monde où l’oralité est un support de connaissance, laissant une place timide à l’écriture. » (p. 13) Cette réalité ne fait que renforcer la valeur de ce texte, écrit en soussou. La démarche de N’Fassory Bangoura est inédite et ambitieuse, mais également très humble. Il ne cherche pas la reconnaissance pour lui-même, mais pour la communauté. « Il a envie d’écrire, de raconter son histoire, celle de son village ; réflexivité, modestie des regards, dialogues silencieux, fécondité révélée au terme des lignes accumulées sur trois cahiers d’écolier. » (p. 41)

Les phrases sont courtes et révèlent des considérations avisées sur le monde. Le texte dénote d’un optimisme et d’une remarquable foi dans les hommes. Cet ouvrage, entre mots et images, interroge sur la place laissée à l’étranger et sur les relations avec l’autre. « J’ai eu de bonnes relations avec les étrangers, j’ai eu l’esprit. Tous les hommes sont bons, mais chacun a son esprit. Si tu sais cela, tu peux travailler pour tous les hommes. On ne peut pas dire que tous les hommes sont mauvais, non. » (p. 58)

Comme une douce psalmodie, le texte se déploie sans effort et chante avec une modestie superbe la valeur du travail et la richesse de l’éducation, la beauté des relations humaines et le prix du respect que l’on doit à l’autre, quel que soit son visage. De questions en conseils, les cahiers du paysan Soussou font la part belle à la vie simple et méritante. « Tout travail commence avec le courage. Si tu n’es pas courageux, tu te fatigues. Le courage sert de support à tout travail. Si tu as le courage d’entreprendre un travail, tu reçois l’aide de Dieu. Il t’aide sans rien te demander en retour. Il t’aide simplement pour que tu fasses ce travail et que tu en vives. Dieu aide les travailleurs. Ce n’est pas pour l’homme qui est assis. » (p. 111) Il ne s’agit pas d’une morale handicapante, mais d’une philosophie de vie qui tire le meilleur de l’homme.

La saliculture est présentée comme un ouvrage ardu. « La cuisson du sel est difficile, le gain est petit. À tout travail, son gain. » (p. 95) Mais c’est surtout une pratique dangereuse pour l’environnement et qui favorise la déforestation. En deux ans de cahiers tenus par N’Fassory, on voit les méthodes de travail évoluer et les Soussous adopter de nouveaux outils.

L’ethnie guinéenne des Soussous m’était inconnue et je la découvre avec émotion dans ce bel album. Le format du livre en fait à la fois un carnet de voyage et un précieux ouvrage poétique. Les photographies sont belles, très humaines et puissamment vivantes : même les portraits posés ont un je-ne-sais-quoi de dynamique, comme une pulsion de vie que l’objectif ne saurait pas discipliner. Quand on referme ce livre, on a peu l’impression d’avoir vécu parmi les Soussous.

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Un certain Pétrovitch

Roman de Fabrice Lardreau

Patrick Platon Pétrovitch, terne banlieusard, est chef-comptable dans une fédération sportive. Plus comptable que chef, il se découvre un jour un talent certain pour la fermeté. Son assistante, Mme Humbert, accomplit enfin son travail et ses voisins si bruyants mettent la sourdine. C’est le début de l’ère pétrovitchienne ! De cette soudaine poussée d’autorité, Pétrovitch déduit qu’il est un super-héros et qu’il doit protéger Paris. Deux exploits plus tard, le voilà devenu la coqueluche des magazines, de l’entreprise et des voisins. Et il a attiré l’attention de la jolie Sonia, sa collègue du service communication. Mais ce que personne ne sait, c’est que Patrick Platon Pétrovitch traverse l’Atlantique toutes les nuits pour rejoindre l’académie des super-héros à New York. Il appartient à la promotion Spiderman et apprend à maîtriser ses pouvoirs d’homme-araignée. Pas toujours facile de mener une vie secrète…

Le Pétrovitch d’avant Spiderman est un héros du monde ordinaire. Ce n’est même pas un anti-héros : il s’incarne juste parfaitement dans la médiocrité qu’il a choisi. « Je dois l’avouer, j’apprécie la routine. J’y puise un plaisir, une jubilation rassurante et mélancolique. Contrairement aux idées reçues, aux clichés souvent hâtivement répandus, la rigueur est une grande aventure : elle ménage, à l’instar de toute partition, de tout programme musical ambitieux, des micro-variations. » (p. 101) Friant de petits exploits, il jubile à chaque victoire minuscule. Mais endosser le costume d’un super-héros, c’est autrement plus lourd. Si une affiche de cinéma dûment positionnée peut changer une vie, rien ne garantit qu’elle la change pour le meilleur.

Ponctué de nombreuses références à Nicolas Gogol et à sa nouvelle Le Manteau, ce roman dépeint la quête d’un homme : il a trouvé le but de son existence, mais il lui reste à l’accomplir. Mais cet homme mou qui se relève et trouve grâce à ses propres yeux et à ceux des autres peut-il vraiment changer de destin ? « Comme quoi, des fantômes de Gogol aux épaules de Spiderman, de l’Empire russe à la Grosse Pomme, il n’y a qu’un pas. » (p. 31) Comme toutes les ambitions tardives, le rêve de Pétrovitch grossit trop vite et ne peut manquer d’imploser.

Entre humour à la sauce pince-sans-rire et digressions en tout genre, je ne me suis pas ennuyée avec Un certain Pétrovitch. Si vous cherchez un roman rationnel et tranquille, passez votre chemin. Ici il faut s’accrocher à sa cape ! Le loufoque y fait force de loi et côtoie une belle réflexion sur les contingences d’un monde qui manque vraiment de héros.

Du même auteur, lisez Nord absolu.

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Billevesée du dimanche #3

Le cheval, plus noble conquête de l’homme, est un très bel animal plutôt robuste. Mais avoir une fièvre de cheval, pour un équidé, ce n’est pas drôle. D’autant plus que le cheval est une des très rares espèces animales à ne pas pouvoir vomir. Une histoire de sphincter ultra puissant, mais je n’irai pas plus loin dans les détails vétérinaires…

Alors, billevesée ?

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Le pavillon des pivoines

Roman de Lisa See.

À quelques mois de se marier, Pivoine obtient la permission de son père d’assister à une représentation de son opéra favori, Le pavillon des Pivoines. Cette œuvre est largement déconseillée aux jeunes filles chez qui elle est censée provoquer un mal d’amour fatal. Lors de la représentation, Pivoine s’éprend d’un jeune et beau poète. Mais elle est depuis son enfance promise à un époux qu’elle ne connaît pas. Toute la passion découverte dans l’opéra transcende Pivoine qui finit par mourir d’amour alors que le bonheur était à portée de sa main. « L’amour pouvait-il être assez fort pour survivre à la mort – non seulement une fois, mais à trois reprises ? » (p. 53)

Mal honorée par sa famille, Pivoine devient un fantôme errant. Toujours pleine d’amour pour son poète, Ren, elle décide de prendre en main son bonheur en accompagnant ses épouses successives. Et surtout, à travers elles et en devenant leur « sœur-épouse » elle espère que son grand projet de commentaire du Pavillon des Pivoines verra le jour. Les années passant, elle attend aussi que quelqu’un achève le rituel qui lui permettra d’accéder au rang d’ancêtre et achèvera ainsi sa longue et misérable errance.

Ce roman propose une réflexion assez intéressante sur l’éducation des filles : faut-il les former aux arts du ménage ou développer leur esprit ? D’aucuns sont partisans d’une femme-bijou, ornement de la maison : « Les filles doivent être aussi délicates que des fleurs. Il importe qu’elles marchent avec élégance et se balancent avec la grâce d’un lys : c’est ainsi qu’elles deviennent plus précieuses que des joyaux. » (p. 82) Ce sont souvent les mêmes qui voient d’un mauvais œil les filles utiliser leur cervelle : « L’activité littéraire fait planer une lourde menace sur le monde des femmes. J’ai vu trop de jeunes filles perdre la santé et la joie de vivre parce qu’elles refusaient d’abandonner leur pinceau. » (p. 327) Réfléchir serait-il donc mauvais pour la santé mentale et physique des jeunes filles à marier ?

Avec une naïveté tout d’abord charmante, puis largement agaçante, l’auteure décrit les émois d’une jeune fille qui s’éveille à sa propre sensualité et à sa propre conscience. « Avais-je perdu ma pureté en rencontrant un inconnu et en acceptant qu’il m’effleure avec les pétales d’une pivoine ? » (p. 146) Charmant, n’est-ce pas ? Tout comme l’expression « le jeu des nuages et de la pluie » qui décrit l’acte sexuel. Mais après une dizaine d’occurrences, cela finit aussi par lasser. Le roman est un peu trop policé. Ne serait-ce l’arrière-plan historique et culturel, Le Pavillon des Pivoines serait presque à classer dans les Harlequin de moyenne catégorie !

Heureusement, Lisa See présente une histoire de la femme en Chine et cela donne un vrai souffle et un intérêt certain au texte. Les exemples de femmes qui ont refusé la réclusion domestique sont légion et il se fait jour l’émergence d’une conscience féminine politisée, en dehors des appartements privés. C’est ainsi que se développe une opposition à la dynastie mandchoue des Qing qui a renversé les Ming. L’occupant ne se méfie pas des femmes, qui plus est de celles qui ont les pieds bandés. « Le combat des femmes qui écrivent consiste davantage à se libérer de ce qui entrave leurs pensées que des limites imposées par leur liberté de mouvement. » (p. 350) Loin de chanter uniquement les oiseaux et les papillons, les cercles littéraires féminins s’emparent des sujets politiques et sociaux. C’est ce que Lisa See dépeint avec talent en parallèle de l’errance de Pivoine.

Dans son précédent roman, Fleur de neige, l’auteure avait décrit certaines traditions chinoises proprement féminines, comme le bandage des pieds et le langage secret des femmes. Ce roman fait la part belle aux traditions liées au culte des morts et aux esprits, frappeurs ou non. On découvre aussi la pratique d’une médecine ancestrale où l’écoute du corps passe aussi par l’écoute de l’âme. Même si le tout est largement romancé, le sujet reste intéressant en dépit de longueurs certaines dans le texte.

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Délicieuses pourritures

Roman de Joyce Carol Oates

Gillian se remémore ses années étudiantes, au sein du Catamount College. « Ceci n’est pas une confession. Comme vous le verrez, je n’ai rien à confesser. » (p. 8) Est-elle innocente ou sans remords ? Que faut-il penser de la vague d’incendies criminels qui éclatent un peu partout à Catamount ?

En 1975, Gillian a presque vingt ans et elle est furieusement éprise de son professeur, Andre Harrow. Mais « lorsqu’on aime un homme marié, on existe dans une relation non déclarée, secrète et singulière, avec son épouse. » (p. 13) Dorcas, la femme d’Andre, est une sculptrice au talent certain mais aux productions controversées. Le couple est superbe et fait l’objet de toutes les envies. Gillian et ses jeunes camarades espèrent toutes attirer son attention et partager son intimité. Prêtes à tout pour s’illustrer, les jeunes filles dévoilent leurs journaux intimes. « La tenue de notre journal se mit à nous obséder. » (p. 67) Ce qui n’était au début qu’un exercice universitaire devient une scène terrible où chacune exhibe ses blessures, quitte à en créer de nouvelles pour nourrir la curiosité vorace d’un professeur au comportement trouble.

Si Gillian doute d’obtenir la faveur de son professeur, elle nourrit à l’envi des fantasmes plus ou moins chastes. « Je rêverais de l’homme au visage lumineux et bon, dont la caresse, quoique légère, quoique nullement sensuelle ni avide, me pénétrerait de joie. » (p. 43) Mais quand le fantasme s’incarne enfin, l’euphorie devient perverse et vénéneuse. Désir ou amour, la relation qui se noue entre Gillian, Andre et Dorcas n’est pas de celles qui s’achèvent en happy end.

Il s’en passe de belles dans cette université pour filles ! Joyce Carol Oates nous montre un microcosme étouffant et écœurant et écrit avec brio la violation d’intimité et le dévoilement forcé. Bien que très court, ce roman n’est pas simple à lire : les mots prennent à la gorge et l’histoire met mal à l’aise. Poussant à l’extrême certaines légendes des collèges de jeunes filles, l’auteure nous fait pousser la porte d’un monde où la vilenie et la perversion sont proposées comme moteur de la création. À manipuler avec précaution !

De la même auteure, je ne peux que vous conseiller l’imposant et superbe Mon cœur mis à nu.

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The Story of a Fierce Bad Rabbit

Conte de Beatrix Potter, illustré par l’auteure.

Un vilain lapin arrache sa carotte à un gentil lapin. « He doesn’t say « Please ». He takes it ! » (p. 12) Passe un chasseur avec son fusil. « He comes creeping up behind the trees. » (p. 23) Le vilain lapin, tout à sa carotte, ne voit pas le danger et devrait, comme le gentil lapin, trouver une cachette. Mais parfois, on n’obtient que ce que l’on mérite.

En 33 pages et avec une phrase toutes les deux pages, le principal intérêt de ce livre, ce sont les LAPINS illustrations. Ne sont-ils elles pas tout simplement adorables ces LAPINS aquarelles ? Ça me donne envie de câlins pelucheux et de grattouilles derrière les oreilles. Enfin, pas pour moi les grattouilles, hein ! Pour une bestiole poilue et mignonne comme les protagonistes de Beatrix Potter.

Ce conte très court à la morale très manichéenne vaut également pour les LAPINS phrases très rythmées et c’est un plaisir de lire à haute voix les mésaventures des petits personnages : idéal pour initier un enfant aux structures grammaticales simples, tout en se faisant plaisir puisque les LAPINS pages se tournent très vite. De petit format, ce livre tient bien dans la main et aussi dans la poche. Il faudrait toujours avoir un lapin sur soi, na !

Il y a 23 livres dans cette jolie collection que j’adorerais compléter ! À bon entendeur…

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Une année chez les Français

Roman de Fouad Laroui.

En 1969, Mehdi, petit Marocain du village de Béni-Mellal, obtient une bourse pour étudier au lycée français de Casablanca. Dans la grande ville européanisée, le jeune garçon est perdu. Il ne se sent plus dans son pays, mais bien chez les Français et toutes les choses ordinaires lui semblent étrangères. « Il était maintenant chez les Français, entouré de leurs immeubles, de leurs bacs à sable, de leurs arbres. » (p. 36) Mehdi est l’espoir de toute famille, mais « il [est] tout petit, ce futur grand homme. » (p. 52) Son premier combat, c’est comprendre le fonctionnement de l’école et de l’internat, leurs codes et leurs rites. Pas question de rester éternellement « le petit Chose, le p’tit boursier de la République. » (p. 91)

Doté d’une imagination sans borne et d’un goût immodéré pour la lecture, Mehdi s’échappe en pensée vers des univers plus cléments dont il a la parfaite maîtrise. Même s’il comprend mal le second degré et l’humour de certains de ses camarades, Mehdi finit par s’intégrer, « jouant au petit Français qui comprend d’instinct ces phrases cryptiques qu’on se répétait dans des familles qui n’étaient pas la sienne. » (p. 169)

Seul et loin de sa famille, Mehdi gagne l’amitié du jeune Denis Berger et partage les fins de semaine dans la famille de son jeune camarade. Toutefois, reste ancrée en lui la peur d’être considéré comme un imposteur, comme un Marocain jouant au Français. « Craignait-on qu’il lui prit l’envie de « surprendre la ville et piller la contrée » ? Medhi le Maure. Allait-on le débusquer ? » (p. 208)

Plein d’un humour tendre, ce roman recèle quelques bons mots. Mehdi entend « Lino Ktavio » ou « nain cunable » quand on lui parle de livres précieux. Mais surtout, ce roman tente de mettre un prix sur l’ascension sociale et sur ce qu’elle demande de sacrifices et de désillusions. Au seuil de deux mondes, Mehdi manque parfois de perdre pied : « Il eut l’impression que c’était un autre monde, un monde de vacarme où tout menaçait à chaque instant de se disloquer, très loin des phrases bien faites, de la Petite musique de nuit et de l’odeur d’encaustique. » (p. 270) Alors que chaque nouvelle expérience apporte son lot de déconvenues, Mehdi ne cesse de remettre en question l’identité du monde civilisé : est-ce le monde des Français, propre et strict, ou le monde d’où il vient, tout en senteurs et en chants ?

Si la fin est un peu trop parfaite pour être honnête, le ton goguenard du roman est très agréable. Replacé dans le contexte de l’année 1969, c’est vraiment rafraîchissant de voir un jeune Marocain réciter du Verlaine. L’ambiance de l’internat, avec les indétrônables pions et le surgé, rappelle des souvenirs surannés, que l’on a vécus ou que l’on a entendus mille fois. Une lecture en teintes sépias finalement très agréable.

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« Mon cher papa… » – Des écrivains et leur père

Recueils d’extraits.

De tout temps, la littérature a célébré la mère, femme au-delà de la femme et humain au-delà de l’homme. Il n’était que temps de présenter les beaux morceaux que les auteurs ont consacrés aux pères. « Fidèlement, timidement ou crânement, le père ne peut que se tenir sur le rivage de toute maternité, bras ballants, un peu maladroit. Patient et impatient. Inquiet et rassurant. Jusqu’au bout. » (Pierre Péju)

Les Belles Lettres sont riches de déclarations tendres et affectueuses sur les papas. Cet être si inquiétant pour certains est aussi le garant d’un amour unique. « Est-ce que tu m’aimes, papa ? » (Nathalie Sarraute) Le cœur d’un père est aussi grand et doux que celui d’une mère et Montesquieu, plutôt que d’être craint de ses enfants, préférait de loin en être aimé.

« Mon père, ce héros au sourire si doux » (Victor Hugo), mon père, cet homme si fort et si grand, mon papa chéri, quand j’ai lu ces extraits, que j’ai pensé à toi, toi que j’aime tant ! Maupassant, Kipling, Diderot, Gide, Tourgueniev, Balzac, Ernaux, Renard et tous les autres savent l’écrire bien mieux que moi, mais je n’ai pas toujours besoin de mots pour te le dire.

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