Le gâteau disparu

Album jeunesse de Joanne Oppenheim. Illustrations de Lynn Munsinger.

Maman Monlapin a préparé six gâteaux à la carotte pour le pique-nique de ses six petits lapins. Zut, voilà qu’il manque un gâteau ! Mélanie, Marcellin, Mathilde, Modeste et Marie-Rose en sont convaincus : c’est Martin qui a mangé le gâteau. Mais Martin proteste : ce n’est pas lui ! C’est un gros cochon, non c’est un chien poilu, non c’est un méchant renard qui a volé le gâteau. En voilà des mensonges pour un gâteau ! Finalement, Martin avoue la vérité à Maman Monlapin. « C’est si dur à garder pour soi, les gros mensonges. » (p. 40) Donc, pas de gâteau à la carotte pour Martin, mais il est déjà bien puni, car il a fait un peu de peine à sa maman. Alors, pendant le pique-nique, il sera bien sage.

Ah, faire des bêtises et être gourmand, c’est tout à fait normal quand on est petit, mais il ne faut pas mentir, ça non, c’est bien vilain ! Martin l’apprend à ses dépens. Et ce gâteau volé est finalement moins bon que s’il avait été mangé avec tout le monde.

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Hector et Victor – Glissades en hiver

Album de Michèle Daufresne.

Hector le lapin et Victor le hérisson aiment jouer ensemble dans les feuilles dorées de l’automne, surtout à saute-lapin et à saute-hérisson. Mais Victor a de longs piquants qui blessent Hector. « Ils sont vilains, tes piquants ! / Elles sont laides tes grandes oreilles ! » Zut, voilà les deux amis fâchés : ils boudent chacun dans leur coin. Mais qu’il est difficile de rester fâché alors qu’il y a de beaux tas de feuilles dans lesquels se rouler ! Vient l’hiver et les deux petits animaux sont redevenus amis. Attention, les glissades sur le lac gelé, ça peut être dangereux ! Heureusement, tout va bien quand on a un ami sur qui compter. « Sur la chaise et le lac gelé, glissent maintenant deux amis très heureux. »

 Voici une jolie histoire d’amitié, de dispute et de réconciliation sur fond de feuilles d’automne et de flocons de neige, mes deux saisons préférées ! Les illustrations, entre traits d’encre et aquarelle, sont douces et ont un je-ne-sais-quoi de nostalgique.

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Billevesée #171

Joyeuses Pâques !

Angleterre : Happy Easter !

Allemagne : Frohe Ostern !

Espagne : Felices Pascuas !

Grèce : Kalo Pasxa !

Italie : Buona Pasqua !

Pologne : Wesolych Swiat !

Suède : Glad Pask !

Hollande : Vrolijke Pasen !

Et demain, je vous promets une pluie de lapins

Alors, billevesée ?

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Ten Little Rabbits

Album jeunesse de Belinda Bagley. Illustrations de Lesley K. Blackman.

Dix petits lapins s’amusent ensemble. Mais au gré des activités, leur nombre s’amenuise. Celui-ci a peur de plonger dans l’eau et celle-là préfère rester au lit. Celle-ci s’arrête pour manger une carotte et celui-là part jouer au ballon. Heureusement, à la fin, les dix petits lapins se retrouvent. « One little rabbit / Splashing in the rain ; / Finds her friends under a tree / Then they are ten again. »

Racontée sur le mode de la comptine, cette histoire permet aux tout-petits d’apprendre à compter à rebours. L’album cartonné est découpé sur sa partie supérieure et l’on voit ainsi la suite de petits lapins. Ils sont d’ailleurs bien mignons, ces lapinous, avec leurs jaquettes, leurs nœuds papillon et leurs robes à pois ou en dentelle ! Tout à fait accessible aux jeunes lecteurs français, cette comptine anglaise se répète à l’envi !

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Histoires pour les tout-petits – Le lièvre et le hérisson

Conte d’après Jacob et Wilhem Grimm. Illustrations de Carlos Busquets.

Le hérisson part inspecter son champ de navets. En chemin, il croise un lièvre qui se moque de ses petites pattes. Vexé, le hérisson parie qu’il peut battre le lièvre à la course. Il demande alors à son épouse hérissonne de l’aider à piéger le lapin.

Encore une histoire où le lièvre est présenté comme un vilain compère. Certes, mon ami aux longues oreilles est parfois taquin, mais la fin de cette histoire est plutôt violente pour une histoire destinée aux tout-petits. Jugez par vous-même : « À la soixante-quatorzième fois, le lièvre mourut et le hérisson gagna son pari. » Je n’ai rien contre le fait que l’on donne une bonne leçon aux polissons et aux vilains moqueurs, mais de là à saluer la fourberie du lésé et à vouloir la mort du gredin, il y a un fossé ! De toute façon, faut pas faire du mal aux lapins, c’est tout !

Et le meilleur dans tout ça ? C’est la quatrième de couverture qui annonce « deux petites histoires amusantes. » L’autre histoire amusante de cet album, c’est celle du loup et des sept chevreaux, le premier mourant noyé, le ventre plein de pierres. Ahaha, ce qu’on s’amuse…

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Le puits des histoires perdues

Tome 1 : L’affaire Jane Eyre – Tome 2 : Délivrez-moi !

Roman de Jasper Fforde.

Thursday Next a décidé de prendre son congé maternité dans un livre inédit rangé dans le Puits des Histoires Perdues, au sein de la Grande Bibliothèque. Elle y sera plus à l’abri que dans le monde réel et ça lui laissera le temps de réfléchir à la façon de récupérer son mari Landen qui a été éradiqué par le groupe Goliath. En même temps, elle continue sa formation pour devenir agent titulaire de la Jurifiction, sous la houlette de Miss Havisham qui, quand elle ne joue pas son rôle dans De grandes espérances, adore faire des courses en voiture contre M. Crapaud. Aidée de Mamie Next, Thursday doit aussi lutter contre l’oubli et la disparition de ses souvenirs de Landen : pour ce faire, elle doit vaincre Aornis Hadès, la petite sœur d’Achéron qui est un peu furax que son grand frère ait été battu. Ajoutez à cela que le Minotaure s’est échappé de sa cage, que des grammasites font des ravages dans les romans et qu’une nouvelle technologie controversée est sur le point de faire son apparition, l’UltraBookTM. Le grand plus défi de Thursday dans ce volume, c’est probablement d’affronter ses souvenirs de la charge en Crimée, là où elle a perdu son frère. Pendant ce temps-là, aux réunions de la Jurifiction, l’Homme à la cloche organise sa succession et on attend toujours un des agents, un certain Godot.

« Tout est possible dans le Monde des Livres. […] Les seules limites sont celles de l’imagination humaine. » (p. 325) Voilà qui s’applique précisément au texte de Jasper Fforde : dans ce troisième volume, il n’en finit pas d’explorer littéralement le sous-texte, de jouer avec les codes de la narration et de mettre un joyeux bazar dans l’univers des classiques. On en apprend un peu plus sur la Mer de Texte, là d’où viennent et où reviennent tous les mots. On rencontre des personnages en quête d’auteur et livres en quête de lecteurs. Et ces derniers seront d’accord pour dire que cette définition du livre est parfaitement juste. « Un livre, ça n’a l’air de rien, des mots sur une page, mais en réalité, il s’agit d’une technologie infiniment complexe qui traduit des gribouillis bizarres tracés à l’encre en images à l’intérieur de votre crâne. » (p. 71) Jasper Fforde étend le champ des possibles en s’attaquant à la littérature russe, à la littérature jeunesse, à la tradition orale et aux mythes antiques. Allez, je vous invite à faire un tour dans le Puits des Histoires Perdues. Mais n’oubliez pas votre chapeau éjecteur et n’oubliez pas que le Grand Manitou des livres voit tout et sait tout.

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Hello, Bunnies

Album jeunesse d’Andrew Langley. Illustrations de John Collins.

Cinq adorables lapereaux cherchent leur maman dans le potager. Elle n’est pas du côté des potirons, ni sous un pot de fleurs. Aidés par les insectes, les cinq lapins retrouvent leur maman qui est bien contente de les voir arriver. « Hello, Bunnies, says Mummy. It’s time come home. »

Lire en anglais, d’accord, mais je n’ai pas du tout envie de sortir mon Harrap’s toutes les deux phrases. Pour ça, la littérature jeunesse, voire premier âge est parfaite ! Et pour me motiver, rien de mieux que des lapins. De plus, cet album découpé est tout à fait charmant : en tournant les pages, les petits lapins changent de décor !

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Max et la poule en chocolat

Album jeunesse de Rosemary Wells.

Pâques est arrivé ! Quelqu’un a déposé une belle poule en chocolat dans le jardin, mais pour la gagner, il faut ramasser le plus d’œufs possible. Max espère bien avoir la poule, mais pour le moment, il n’y a que sa sœur Marie qui trouve des œufs. « Max partit à la chasse aux œufs, mais il trouva une flaque, et c’est tout. » Et il n’a décidément pas de chance parce qu’il trouve plein de choses dans le jardin, mais aucun œuf. Tant pis, Max veut la poule et il l’aura.

Hum hum hum… Voilà une histoire bien peu morale. Max est un petit lapin qui se moque des règles, qui n’en fait qu’à sa tête et qui n’est pas puni. Certes, sa sœur est une petite donneuse de leçons plutôt agaçante, mais le comportement de Max a tout de celui d’un gourmand impénitent ! Alors que le Carême touche à sa fin, je me demande si ce petit lapin mérite vraiment des œufs en chocolat !

Les lapins de Rosemary Wells n’ont rien de charmant avec leur gros visage et leurs oreilles épaisses, mais le lapin de Pâques tel qu’il est représenté a quelque chose d’un dandy généreux qui est tout à fait séduisant.

Une autre d’histoire de Max et Mary : Max’s Breakfast

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Délivrez-moi !

Tome 1 : L’affaire Jane Eyre

Roman de Jasper Fforde.

Thursday Next a vaincu Achéron Hadès, elle a enfermé un des agents du groupe Goliath dans un poème d’Edgar Allan Poe et elle a libéré son oncle Mycroft et sa tante Polly. Depuis qu’elle a changé la fin de Jane Eyre – ce qui lui vaut un procès – et sauvé le roman, elle est célèbre, mais le feu des projecteurs, ce n’est pas son truc. Elle préférerait vivre tranquillement avec son mari, Landen, et continuer à travailler chez les LittéraTecs. D’autant plus qu’on annonce que la découverte d’un manuscrit d’une pièce inédite de Shakespeare, que et tout le monde veut découvrir ce fameux Cardenio. Thursday Next découvre aussi que les changements d’entropie et les coïncidences ne sont jamais gage de tranquillité. « Il y a un peu trop de coïncidences autour de moi en ce moment… je pense que quelqu’un cherche à me tuer. » (p. 123) De plus, son père revient du futur et lui annonce que le monde va être détruit jusqu’à devenir une étrange bouillie rose. Et voilà que Landen disparaît, éradiqué par le groupe Goliath qui veut récupérer son agent. Mais pour libérer Jack Maird du Corbeau, Thursday doit entrer dans le livre, ce qui est bien difficile puisque le portail de la prose a été détruit. Sous la tutelle de Miss Havisham, elle découvre la Jurifiction. « La Jurifiction est une agence interne aux romans et son rôle est de préserver l’intégrité des œuvres de fiction populaire. » (p. 188) Ah, et en plus, Pickwick, son dodo domestique, a pondu un œuf.

Deuxième volet des aventures l’agent Thursday Next. C’est toujours aussi délicieux de se promener de livre en livre au gré de l’imagination débordante de l’auteur. Les personnages de classiques deviennent des personnages de son roman et la frontière entre monde extérieur et monde des livres s’atténue. Si vous voulez communiquer en toute discrétion, utilisez donc les notes de bas de page. En arrière-plan, le grand méchant prend de l’ampleur : le groupe Goliath a tout du vilain conglomérat avide aux desseins machiavéliques. « Ce que vous avez un mal fou à comprendre, c’est que Goliath est tout ce dont vous aurez jamais besoin. Tout ce dont chacun aura jamais besoin. Notre production va du berceau au cercueil. » (p. 116) On trouve encore des personnages aux noms à pleurer de rire, comme Diane Chassereiss ou Sassan LeRoussi, avocat de son état. Un grand bravo à la traductrice, Roxane Azimi, qui nous permet de nous régaler de bons mots et autres drôleries stylistiques. La suite très vite !

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Billevesée #170

Je vous retranscris un dialogue que j’ai eu avec mon médecin.

Doc – « Vous avez un peu de cholestérol. Rien d’inquiétant, mais il faut faire attention, réduire les aliments à risque comme le fromage ou le chocolat. »

Moi – « Vous avez l’adresse d’un bon psy ? Parce que c’est un coup à me faire tomber en dépression. » Petit rire.

Doc – Aucune réaction. Juste un regard vide et blasé au-dessus de la feuille de mes résultats d’analyses.

Moi – « Hum… Bon, d’accord, je vais faire attention. »

Tout ça pour dire que l’humour est bien la chose la plus mal partagée au monde. Je ne prétends pas être un comique troupier, mais tout de même, ma blague n’était pas si mauvaise.

Si ?

Je vais reprendre du chocolat pour me remettre.

Roh, ça va, je rigoooole !

Alors, billevesée ?

Trois images pour le prix d’une. Je vais bien réussir à vous faire rigoler, non mais !

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L’affaire Jane Eyre

Roman de Jasper Fforde.

Thursday Next est un agent du Service des Opérations Spéciales, ou OpSpecs, affectée à la Brigade littéraire connue sous l’appellation OS-27. « La plupart du temps, nous avions affaire au commerce illégal, au non-respect des droits d’auteur et aux fraudeurs en tout genre. » (p. 13) Son père est un ChronoGarde qui a été éradiqué, mais qui continue à lui rendre visite et à bidouiller deux ou trois choses dans le passé et dans le futur. Son oncle est un fameux bricoleur qui fabrique en amateur de drôles de trucs et autres machines électriques. Elle a un dodo prénommé Pickwick, créé à partir d’un kit de clonage illégal. Quand le manuscrit original de Martin Chuzzlewit, roman de Charles Dickens, disparaît, tout le monde suspecte Achéron Hadès, méchant parmi les méchants. « Il est capable d’entendre son propre nom – même chuchoté – dans un rayon de plus de mille mètres. Il s’en sert pour détecter notre présence. » (p. 38) Et rien ne va plus quand Hadès enlève Jane Eyre et menace de la faire disparaître. Thursday Next, récemment affectée à la brigade des LittéraTecs de Swindon, est chargée de neutraliser Hadès. Pour ce faire, il lui faut entrer dans les livres grâce au Portail de la Prose inventé par son oncle Mycroft. Mais attention, entrer dans les livres est délicat : il ne s’agirait pas de modifier l’intrigue, n’est-ce pas ?

Vous n’avez pas tout compris à ce qui précède ? C’est normal ! Bienvenue dans la fantaisie loufoquement littéraire de Jasper Fforde. L’auteur vous invite à le suivre au milieu des classiques de la littérature mondiale, dans un texte qui tient à la fois du thriller, de la science-fiction et de l’uchronie. Figurez-vous qu’en 1975, la guerre de Crimée fait toujours rage et que le groupe Goliath entend bien donner l’avantage à l’Angleterre grâce à une nouvelle gamme de fusils à plasma. Quant à la paternité des textes attribués à Shakespeare, elle est largement discutée et remise en question par les aficionados de Francis Bacon.

J’avais lu ce premier volume en 2005 – pfiou, ça ne nous rajeunit pas… – et je le redécouvre avec le même bonheur. J’y ai même pris plus de plaisir, car j’ai depuis lu un certain nombre de titres cités dans l’intrigue. L’érudition de l’auteur est mise au service de l’humour, tant dans les situations que dans la construction des personnages. Que pensez d’une femme qui s’appelle Paige Turner ou d’un autre qui s’appelle Millon De Floss ? Bon, c’est vrai, il faut savoir un peu d’anglais pour comprendre, et moi j’ai pouffé à de nombreuses reprises en lisant ce bouquin ! Et je vais continuer à glousser et à me régaler avec la suite de cette série hautement littéraire !

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Les Lapinos prennent le train

Album jeunesse de Pierre Couronne.

Ce matin, les Lapinos partent en voyage et ils vont prendre le train ! Il faut monter les bagages dans le wagon et veiller à ce que tout le monde soit bien assis. « Dans le train, quel beau voyage ! On peut dormir ou manger, regarder le paysage, lire ou même dessiner ! » À l’arrivée, tout le monde est bien content du voyage et encore plus de retrouver Papi et Mamie Lapinos.

J’aime prendre le train. Ce moyen de transport m’a toujours fascinée, il me berce, il me fait réfléchir, il me fait rêver. La citation choisie plus haut illustre tout à fait ma conception du voyage sur les rails : le train est un espace de liberté qui offre un champ de possible tout à fait fascinant. Tout en restant un espace public, le train permet des activités très personnelles, presque intimes, que ne permettent pas le métro ou l’avion. Pour en revenir à l’album en question, je suis sous le charme de ces bouilles de lapin et de l’écriture cursive utilisée pour raconter l’histoire.

D’autres histoires de Lapinos : Les Lapinos à Lapinpinland J’apprends l’heure avec les Lapinos

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Charly 9

Roman de Jean Teulé.

L’attentat contre son cher Coligny a mis le jeune roi Charles IX très en colère. Et voilà que sa mère, Catherine de Médicis, lui demande d’accepter le massacre de tous les protestants venus assister à la noce entre Marguerite et Henri le Béarnais. L’attentat contre Coligny était justifié selon la reine mère : il faut à tout prix éviter que la France intervienne en faveur des protestants dans les Pays-Bas espagnols. « Lutter en Flandres contre la très dévote Espagne reviendrait à engager la France du côté des huguenots et à s’attirer la colère du pape. » (p. 11) Las, contraint, faible, Charles IX consent au massacre, mais c’est pour mieux s’en repentir au cours de l’année qui suit, année qui verra sa lente descente dans la folie, jusqu’à la mort. « Une seule nuit a détruit ma vie. Qu’à tous les diables soient données les religions. » (p. 50)

Le nom de Charles IX renvoie sans cesse à la Saint-Barthélemy. Je connais cette histoire grâce à Alexandre Dumas, j’ai aimé la relire sous la plume truculente, goguenarde et hussarde de Jean Teulé. Cet auteur aime trousser l’Histoire, la chahuter un peu pour mieux la raconter. Prend-il des libertés avec l’époque, le style, la véracité ? Sans aucun doute. Et alors ? Mieux vaut une Histoire débraillée et vivante qu’une Histoire hiératique et poussiéreuse !

Je vous conseille la bande dessinée Charly 9, adaptée de ce roman.

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Billevesée #169

Parlons d’une ville que j’ai appris à aimer, Grenoble. Parlons surtout de son nom. J’avais imaginé une origine à base de « grès » et de « noble », rapport aux montagnes qui entourent la ville. Oui mais voilà, les massifs environnants sont principalement composés de calcaire.

Donc, aujourd’hui, je pompe tout à Wikipedia qui vous explique le pourquoi du comment.

« Le toponyme a beaucoup évolué. Dans l’Antiquité la bourgade se nommait Cularo, nom d’origine celtique dont la signification est sujette à diverses interprétations. La ville, dotée de remparts, deviendra Gratianopolis sous le règne et en l’honneur de l’empereur Gratien, nom progressivement altéré en Grenoble. La ville fut rebaptisée Grelibre à la Révolution et ne reprendra son nom Grenoble (Grenoblo en franco-provençal) que sous le premier Empire. »

Une prochaine fois, il faudrait que je vous parle de ma passion pour l’évolution des mots : passer de Gratianopolis à Grenoble donnerait une belle démonstration lexicale, à base de diphtongaison et d’élision !

Alors, billevesée ?

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Sac d’os

Roman de Stephen King.

Depuis la mort de son épouse, Mike Noonan, écrivain à succès, est en manque d’inspiration. « J’ai peur d’écrire. […] J’ai même peur d’essayer. » (p. 98) Reclus à Sara Laughs, sa maison en bordure du Dark Score, il se débat avec ses démons, ses cauchemars et son chagrin. « Je me dis que je vendrais volontiers mon âme immortelle pour être capable d’écrire à nouveau. » (p. 76) En parlant du diable… Quand il rencontre la jeune Mattie et sa fille Kyra, Mike ne sait pas encore qu’il va déchaîner la fureur meurtrière de Max Devory, grand-père de la fillette et richissime tyran qui à la main mise sur les environs. Sur fond de garde d’enfant s’ouvre un bal de spectres, à la fois victimes et meurtriers, au son de la voix évanouie de Sara Tidwell, chanteuse de blues assassinée des décennies plus tôt. Il y a des secrets aux allures de malédiction autour du lac Dark Score et Mike Noonan, bien malgré lui, va devenir un pantin entre les mains du passé furieux.

Considéré comme un des chefs-d’œuvre de Stephen King, Sac d’os est un texte riche et d’une impressionnante ampleur. Outre la terreur qu’il sait si bien manier, l’auteur explore les méandres du chagrin et du deuil, et la puissance paralysante de ces deux émotions. « C’est ainsi que nous fonctionnons : un jour à la fois, un repas à la fois, une souffrance à la fois, une respiration à la fois. » (p. 365) Mike Noonan est un avatar de Stephen King et l’on sent combien l’auteur explore ses propres peurs et ses angoisses. Il porte également quelques coups de griffes au monde de l’édition, où les succès critiques existent en premier lieu dans les listes du New York Time. Un brin vachard, Stephen King n’en reste pas moins lucide et il est tout à fait humble sur ce qui concerne le travail de l’écrivain. L’inspiration n’est jamais acquise et la création est un processus fragile. « Je pleurais de chagrin pour les années vides que j’avais passées sans Johanna, sans ami, sans mon travail. Je pleurais de gratitude car ces années paraissaient terminées. » (p. 335)

J’ai trouvé quelques longueurs dans ce roman et quelques situations/passages un peu bourratifs, mais Sac d’os est un roman tout à fait terrifiant à base d’enfants sacrifiés, de culpabilité collective et de fantômes hurleurs.

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Le sculpteur

Roman graphique de Scott McCloud.

David Smith, sculpteur en mal d’inspiration, approche de la trentaine avec le sentiment aigre et découragé d’être un artiste raté. Son vieux rêve de gosse lui semble bien loin désormais. « Et moi, je suis ‘supersculpteur ». Je modèle ce que je veux avec mes mains. » (p. 15) Le rêve va devenir réalité quand David rencontre un personnage à la fois familier et inconnu qui lui propose un marché singulier : il sera capable de créer ce qu’il veut avec ses mains, mais il n’aura que 200 jours pour en profiter avant de mourir. Hélas, il est bien connu qu’un marché faustien est par définition et par nature un marché de dupe : alors qu’il pense n’abandonner que sa vie, David va aussi devoir renoncer à son grand amour, Meg, qu’il rencontre juste après avoir conclu le pacte fatal. Alors qu’il court après la reconnaissance et la célébrité, il laisse échapper l’essentiel. « Je peux le faire. Je ne serai ni perdu ni oublié. » (p. 188)

Le personnage principal est défini par son art, à tel point que le titre du livre n’est pas son nom, mais son métier. Il est obsédé par la réussite et voit le succès comme l’achèvement de son existence. Nombreux sont les points qui l’opposent à Meg. Alors que la jeune femme n’est que vie et mouvement, David est l’attente minée par l’obsession de l’échéance. Il n’a que 200 jours, alors il crée et il aime dans l’urgence, avant le glas, avant le clap de fin. Mais à vivre sans prendre son temps, David ne vit qu’à moitié. À la fois réflexion sur la création et l’art, Le sculpteur est aussi un regard doux-amer porté sur l’existence et la fragilité des choses. « Tu as l’impression de livrer une bataille vouée à l’échec – et c’est le cas. » (p. 478) Ars longis, vita brevis, disaient les Antiques.

New York, ville de verre et d’acier, est un gigantesque piège à loups dont les mâchoires de bitume ne demandent qu’à se refermer sur le pauvre fou qui a bradé sa vie pour l’art. Plus qu’un décor, la ville est un théâtre et devient même la matière première de la folle créativité du sculpteur. « Je peux modeler n’importe quel matériau simplement en le touchant. Même les parties avec lesquelles je ne suis pas en contact direct. » (p. 320) On voit alors David s’élancer dans la nuit, tel un justicier masqué de l’art, mais il est un superhéros sombre dont les élans créateurs se troublent de pulsions destructrices.

Scott McCloud a un talent particulier pour dessiner la foule et sa cacophonique solitude. David est souvent perdu dans la page, mais il en reste le point de mire, comme si la multitude ne s’amassait que pour mieux l’encadrer. Toute en camaïeux de bleu, blanc et noir et portée par un trait affirmé et précis, l’image reste simple tout en étant incroyablement précise. L’économie de couleurs permet de sublimer les détails et fait planer sur la lecture un petit air glacé, un peu inquiétant, comme un avant-goût de l’étreinte macabre qui attend le protagoniste. Les pleines pages sont superbes, dynamiques et rayonnantes, même les plus sombres. Je me suis perdue dans certaines d’entre elles qui, agrandies, feraient de magnifiques tableaux. Un dernier mot sur la beauté et la finesse des visages : il suffit parfois à Scott McCloud d’une ombre à peine déposée pour exprimer un sentiment. Visuellement, Le sculpteur emprunte au comics, au cinéma et aux peintres flamands classiques. Le résultat est spectaculaire et émouvant à plus d’un titre.

J’aime les mythes littéraires et leurs différentes réécritures. À propos de Faust, je vous conseille notamment la lecture de Marguerite de la nuit de Pierre Mac Orlan. Ici, Scott McCloud revisite le mythe avec élégance, perspicacité et modernité. Il s’est attaqué à un monument et a produit un livre superbe, massif comme un bloc de marbre, mais ciselé comme un chef-d’œuvre.

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Jeannot Lapin

Album jeunesse de P. Scarry. Illustrations de Richard Scarry.

Dans la famille de Jeannot Lapin, tout le monde a une idée de ce qu’il fera quand il sera grand. Pourquoi pas conducteur de train, facteur, docteur ou maître-nageur ? Mais non non non, Jeannot Lapin ne sera rien de tout ça, il a une idée bien précise de ce qu’il veut faire plus tard. « Jeannot Lapin sera un papa Lapin, avec beaucoup d’enfants à qui il donnera de bonnes choses à manger. » Voilà un beau projet d’avenir !

Gros coup de cœur pour les illustrations doucement vieillottes de cet album dont la première parution date de 1954. J’y ai retrouvé le goût des premières lectures faites chez mes grands-parents, dans la pièce où ils gardaient les premiers livres de ma mère et de ses frères et sœurs. Un grand bravo à l’histoire : Jeannot Lapin veut être un papa ! Pour une fois que le désir d’enfant n’est pas réservé aux filles, mais présenté comme une ambition masculine à part entière, j’applaudis des deux mains ! Et je lance un message, s’il y a dans les parages un Jeannot Lapin en âge de réaliser ce projet, qu’il me fasse signe…

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Gonflée la grenouille !

Conte de Zemanel d’après Jean de la Fontaine. Illustrations de Maud Legrand.

Fa-Dièse la grenouille est plutôt vaniteuse. « Parmi tous les batraciens de la mare, elle se vante d’être la plus grosse, la plus savante, d’avoir la voix la plus envoûtante. » Elle n’aime rien tant qu’être admirée par ses voisins. Vient à passer, dans le pré voisin, un formidable bœuf qui, placide, mange et dort en se moquant bien d’être l’objet de toutes les attentions. Fa-Dièse ne le supporte pas : c’est elle que tout le monde doit regarder ! Mais ses chansons et ses gesticulations n’y font rien. Alors qu’elle essaye d’avaler autant d’air que possible pour devenir aussi grosse que le bœuf, patatra, c’est la cata, elle tombe et s’étale sur son nénuphar. Et personne ne se retourne. « Ça lui apprendra ! À quoi lui sert de se prendre pour ce qu’elle n’est pas ? »

La morale de ce conte est moins tragique que celle du texte de Jean de la Fontaine, mais le message n’est pas moins clair. Les orgueilleux et les vantards ne font pas recette. Finalement, ce sont les petits bonheurs et la bonne conscience de sa place dans l’univers qui comptent. Les illustrations sont délicieuses, drôles et très dynamiques. Cet album offre un beau moment de lecture aux lecteurs aguerris qui n’ont pas oublié les contes et les fables qu’on leur lisait avant le sommeil.

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Billevesée #168

Pas de révélation fracassante, ni de résolution de mystère. Ce matin, j’avoue un échec cuisant.

Depuis quelque temps, je m’interroge sur le mot « minerve », notamment sur le rapprochement éventuel à faire avec la déesse romaine Minerve. Mais rien, chou blanc, pas d’information suffisamment solide pour m’apporter un début de réponse.

Et ça, ça minerve !

Alors, billevesée ?

Si vous avez des informations pertinentes, je reste preneuse !

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L’étrange vie de Nobody Owens

Roman jeunesse de Neil Gaiman. Illustrations de Dave McKean.

Une nuit pas plus sombre qu’une autre, un Jack entre dans la maison d’une famille sans histoire et tue le père, la mère et la petite fille. Ne lui échappe qu’un bambin portant encore des couches qui se réfugie dans un cimetière. Recueillis par Mr et Mrs Owens, spectres résidant sur les lieux, et déclaré citoyen libre du cimetière, le jeune Nobody Owens grandit entre les tombes, caché du monde et caché du Jack qui est toujours sur ses traces. Sous la tutelle de Silas, être ni mort ni vivant, il sait qu’il ne doit sa survie qu’à la générosité des habitants des lieux. « Nous ne pouvons te protéger que dans le cimetière. » (p. 41) Mais, sans aucun doute, il y a un monde à découvrir au-delà des tombes, des amis à rencontrer, des mystères à résoudre, des épreuves à tenter. « Il avait huit ans, et le monde au-delà du cimetière ne lui faisait pas peur. » (p. 119) Et il faudra bien, un jour, que Nobody Owens quitte l’ombre protectrice des sépultures pour affronter celui qui l’a privé de sa famille.

Moi qui suis très difficile quand il s’agit de romans pour la jeunesse, j’ai ici passé un très bon moment, pour une raison évidente : le jeune lecteur n’est pas pris pour un crétin. Le vocabulaire n’est pas simpliste et la narration n’est pas niaise. Le récit offre la juste dose de peur et de courage, de mystère et de réponses, sans sombrer dans la morale facile ou les clichés. L’histoire est originale et le héros est crédible, tout en restant accessible à l’identification. Voilà un roman que je me ferai un plaisir d’offrir à mes jeunes cousins quand ils auront l’âge de cette lecture.

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L’arbre à confiture

Album jeunesse de Komako Sakaï et Mutsumi Ishii.

Blanche est une petite lapine heureuse, choyée par son papa et sa maman. Elle se régale avec la compote et la confiture de pommes faites avec les fruits du beau pommier du jardin. « Je ne savais pas que cet arbre avait si bon goût. Demain, j’irai le grignoter pour voir. » Blanche n’a encore jamais mangé de pommes fraîches, mais il faut laisser grandir les bébés pommes avant de pouvoir se régaler.

Quel bonheur de retrouver les dessins brossés et frottés de Komako Sakaï : ses illustrations sont très douces et me renvoient aux souvenirs de mes premières lectures et à la tendresse de l’enfance. Je ne peux que vous conseiller le très bel album – également autour d’un lapin – qui m’a fait découvrir cet auteur, Le lapin en peluche.

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Histoires pour les tout-petits – Le mariage des lapins

Album jeunesse de Dolorès Mora. Illustration de Marie-Anne Didierjean.

Tous les animaux s’affairent ce matin : aujourd’hui, les lapins se marient. Il y a un beau gâteau pour fêter la noce. Mais zut, Arthur le mille-pattes a perdu un des souliers de la mariée. Heureusement, tout finit bien. « L’orchestre des canards joue une valse. Les mariés ouvrent le bal. »

Cet album est raconté par une belle écriture cursive, police qui se prête vraiment aux histoires pour les enfants. Les dessins sont ronds et les couleurs douces et pastel. Et quel bonheur de manipuler ce petit album carré cartonné plein de lapins !

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Billevesée #167

Les Césars, les Victoires de la musique, le festival de Cannes, les Golden Globes, les Oscars et toutes les cérémonies de remise de prix ne s’en privent pas : elles utilisent le terme « nominé » pour désigner les candidats concourant dans les différentes catégories à récompenser.

Mais ce terme est un dérivé de l’anglais « nominate ». En 1985, l’Académie française a rejeté cet anglicisme et lui préfère très largement le terme français qui veut dire exactement la même chose, mais dans la langue de Molière, à savoir « nommé ». Il serait appréciable que les organisateurs de cérémonies françaises corrigent tout ça !

Alors, billevesée ?

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Le monde du Fleuve – 1 : Le fleuve de l’éternité

Roman de Philip José Farmer.

Ils étaient morts et les voilà vivants au bord d’un fleuve sans fin. Tout ce que la Terre a porté d’êtres vivants vient d’être ressuscité, époques et pays confondus. « Ceux qui ont nié l’au-delà croient qu’ils se retrouvent en enfer pour l’avoir nié. Ceux qui se croient au paradis sont choqués, j’imagine, de se retrouver tout nus. » (p. 33) Parmi eux, Richard Francis Burton, le célèbre explorateur britannique, est bien décidé à comprendre ce qui s’est passé et qui les a fait revenir. Avec une poignée de ressuscités, il entreprend de remonter le fleuve jusqu’à sa source. Son périple sera émaillé de rencontres plus ou moins plaisantes, de découvertes majeures et de questionnements sans cesse renouvelés. « Finalement, toutes ces cultures en présence dessinent peut-être la Civilisation du Fleuve, ou plutôt les civilisations du Fleuve. » (p. 233)

Le monde du Fleuve est le premier tome d’une fresque en cinq volumes. Je vais m’en tenir là pour le moment. L’histoire n’est pas déplaisante, mais elle a vieilli : la science-fiction écrite dans les années 1970 est souvent très touchante à découvrir, car elle fantasmait le futur – qui est notre présent – bien au-delà du raisonnable. Par ailleurs, l’auteur a trop souvent recours à des processus de répétition qui alourdissent le texte. Je comprends le succès de ce texte à sa sortie, mais je suis loin d’être aussi enthousiaste que les lecteurs de l’époque. Blasée, moi ?

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Nao est en colère

Album jeunesse Kimiko.

Nao est en colère : son jeu de cubes ne tient pas en place. Patratra, encore une fois ! « J’en ai assez de cette stupide tour ! » Nao est tellement en colère qu’il lance un cube sur son ami. Et voilà que les deux enfants se disputent, pleurent et s’énervent pour une broutille. Mais être en colère, ce n’est finalement pas très drôle. Et les cubes, c’est fait pour dégringoler, non ?

C’est bien de laisser ses émotions s’exprimer, mais il faut aussi comprendre que certaines choses ne sont pas graves et qu’elles ne méritent pas de telles réactions. Avec cet album, le jeune lecteur apprend qu’il faut jouer ensemble et faire de chaque moment un plaisir.

Pourquoi cet album entre-t-il dans mon challenge Totem ? Parce que les enfants portent des costumes d’animaux et que celui de Nao est un lapin. Na ! C’est moi qui décide !

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Hard de vivre

Roman de Carmen Bramly.

Pop, Bethsabée, Sophie, Johannes, Thomas et Henri font brutalement connaissance quand une fille meurt d’une overdose au cours d’une soirée. Ils sont tous jeunes, certains plus que d’autres et ils ne veulent pas vivre à moitié. « Tu ne voudrais quand même pas rater ta jeunesse ! » (p. 13) Unis malgré eux par la mort de l’inconnue, ils se retrouvent, discutent, créent des liens. Mais cette amitié qui a fleuri sur une tombe est-elle réelle ou n’est-elle qu’un prétexte, une excuse ou une échappatoire ? « Le simple fait de nous réunir de temps à autre ne prolongera pas la vie de la fille arc-en-ciel… » (p. 129) Les mois passent, la jeune fille de la fête est toujours morte, mais eux sont toujours vivants, avec leurs peurs, leurs doutes et leur envie d’en découdre. Chacun à sa manière a compris la valeur et la brièveté de l’existence. « Vulnérable, mais vivant. » (p. 23)

J’avais apprécié Pastel fauve, le premier roman de Carmen Bramly, principalement pour les promesses qu’il portait : promesse d’une écriture qui ne pouvait que gagner en maturité en ne perdant pas – l’espérais-je – sa candeur incisive. Je suis bien désappointée avec ce troisième roman. Si maturité il y a, il reste surtout des traces d’une adolescence mal dégrossie. Les personnages de ce roman ne sont à mes yeux que des caricatures d’adolescents qui font tout à l’extrême, sauf espérer. Mais le pessimisme de ce texte n’est que la posture, me semble-t-il d’une jeune auteure qui a du mal à faire grandir sa plume. La maladresse emphatique des situations et des déclarations est bien loin de la finesse aiguisée qui m’avait charmée dans Pastel fauve. J’en veux pour preuve des phrases comme celle-ci : « La vie les avait jetés l’un contre l’autre, et ils se devaient d’honorer le hasard en sauvant leur amour. » (p. 151) C’est beau comme un poème d’adolescent et c’est bien là que le bât blesse. Dans son premier roman, à 15 ans à peine, Carmen Bramly faisait montre d’une plus grande ambition littéraire en évitant précisément ce genre de phrase à l’eau de rose rallongée de vodka tagada.

J’ai finalement trouvé bien plus de sincérité, de vérité et de style dans la lettre finale que l’auteure adresse à un ami perdu. Dans cette missive, oui, il y a de la littérature. Dans le roman qui la précède, il n’y a qu’un brouillon de texte qui aurait mérité un peu plus de travail.

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Billevesée #166

Superman a la kryptonite, moi j’ai la trachéite. Cette inflammation de la muqueuse de la trachée est atrocement chronique chez moi. Je tousse, j’ai de la fièvre, des nausées et une énergie réduite à zéro.

Bien sûr, pour se soigner, il y a le défilé des molécules chimiques et autres traitements médicamenteux. Le hic (ou le atchoum dans ce cas), c’est que les machins chimiques me donnent la nausée, ce qui ne calme pas celles qui sont déjà causées par la maladie en elle-même.

Donc, en cas de trachéite, je passe aux remèdes de grand-mère : litres d’eau chaude avec miel et citron et infusion de thym. Oui, des litres : il faut toujours rester hydraté quand on a de la fièvre.

Alors, billevesée ?

Je suis sympa, je ne mets pas de photos de trachée irritée, c’est très vilain à regarder !

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Pimpon le camion de pompiers

Album jeunesse de Curd Ridel.

Le camion Pimpon est bien beau avec sa couleur rouge. Il se promène tranquillement quand il entend des cris dans un arbre : c’est le lapin Pipio qui ne peut plus redescendre après être allé chercher son cerf-volant coincé dans les branches. Heureusement, avec sa grande échelle, Pimpon est un camion bien secourable ! « L’échelle de Pimpon s’allonge, s’allonge comme pour toucher les nuages. » Tout est bien qui finit bien et Pipio peut retourner jouer avec son cerf-volant. Il y a aura toujours des enfants insouciants !

Avec son bouton sonore, nul doute que ce petit livre cartonné ravira les enfants. Leurs parents, un peu moins…

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La véritable histoire de Noël

Roman jeunesse de Marko Leino.

Le jeune Nicolas Pukki se retrouve orphelin le soir de Noël, la mer glaciale de la Laponie lui ayant arraché ses parents et sa petite sœur. Le village de Korvajoki est attristé par ce drame, mais également pris à la gorge par la misère et aucune famille ne peut adopter définitivement l’enfant. Le conseil du village décide donc que Nicolas passera un an dans chaque famille et changera de foyer la nuit de Noël. Pour remercier ses hôtes, il confectionne de petits jouets en bois pour les enfants des familles qui l’ont accueilli. D’année en année, il faut de plus de plus de jouets et il y a de plus en plus d’enfants à satisfaire. « Un jour, sa nouvelle famille serait composée du village de Korvajoki tout entier ! » (p. 97) Confié en apprentissage à Iisakki, un ébéniste bourru des environs, Nicolas perfectionne son talent et décide que, le matin de Noël, tous les enfants trouveront un jouet devant leur porte. Il ne lui manque qu’un traîneau, quelques rennes et un habit rouge pour créer la légende. « Les héros sont toujours nécessaires, leur existence n’est pas vaine. » (p. 82) Mais sa promesse doit rester secrète. « Moins ils en sauront, plus ils pourront croire. » (p. 242)

Ce roman me laisse un sentiment plutôt positif. L’histoire est bien menée et revisite la forme du conte de Noël : avec ses 24 chapitres, ce livre peut parfaitement accompagner les jeunes lecteurs au cours du mois de décembre, pour entrer doucement dans la magie de Noël. Il y a quelques ruptures de ton un peu dissonantes, mais dans l’ensemble, ce texte se lit très bien. À mon goût, il y a trop de tristesse et de répétitions : Nicolas doit rester seul, il est condamné à la solitude, il doit taire son secret, etc. Le discours final sur l’amour n’a pas réussi à lever complètement la pesanteur qui entoure le personnage principal. Toutefois, le message principal est donné. Il y aura toujours des enfants et ils auront toujours besoin de jouets, quelle qu’en soit la provenance. L’essentiel est de perpétuer la tradition et la joie de donner, cette dernière s’apprenant dès le plus jeune âge.

Une lecture qui arrive avec deux mois de retard sur le calendrier des festivités…

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Une saison blanche et sèche

Roman d’André Brink.

Ben du Toit est un professeur sans histoire dans une école d’Afrique du Sud. Son quotidien vacille après l’arrestation et le meurtre de Gordon et Jonathan Ngubene. Le premier est le concierge de l’école où travaille Ben et il a trouvé la mort en tentant d’élucider les circonstances de l’assassinat du second, qui n’est autre que son fils. « Laborieusement, comme une fourmi, Gordon réunit des preuves, dans l’amour et la haine. » (p. 65) Ben du Toit est alors confronté à la corruption du système judiciaire et policier et il comprend enfin ce que signifie l’Apartheid qui frappe son pays. À son tour, il rassemble des preuves et des témoignages pour dénoncer les deux meurtres, les violences policières et le procès truqué. « Ne suis-je pas totalement inutile, en fait déplacé, dans un mouvement si vaste, si compliqué ? La seule idée d’un individu essayant d’intervenir n’est-elle pas absurde ? » (p. 201) De plus, sa peau blanche ne le met pas à l’abri des foudres d’un gouvernement hypocrite, cynique et inhumain. « Regardez ce que le gouvernement fait pour eux… et, en échange, ils brûlent et détruisent tout ce qui leur tombe sous la main. Pour finir, ce sont eux qui en font les frais. » (p. 80) Dans sa quête de justice et de vérité, Ben du Toit va perdre sa famille et son travail, mais il ne cédera pas devant les menaces et les intimidations.

La narration est portée par un journaliste, ancien ami de Ben du Toit, qui a mis en ordre les papiers laissés par le professeur après sa mort. Par recoupements et déductions, l’histoire se met lentement en place, contredisant les articles de presse et les rapports officiels. Ce qui apparaît est une vérité sombre et sordide sur un pays divisé, où les peuples sont séparés par une frontière invisible, mais dense qu’il ne fait pas bon franchir, ni vouloir abattre. Ben du Toit est une victime volontaire, un martyr qui se sacrifie pour une cause qu’il fait sienne, affirmant et proclamant ainsi que rien de ce qui est humain ne lui est étranger. Une saison blanche et sèche est une lecture coup-de-poing : le roman date de 1982, mais il n’a pas pris une ride, car si l’Apartheid est révolu en Afrique du Sud, il y a bien d’autres pays qui souffrent de ce genre de maux.

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